Le patient peut-il refuser un traitement?
Pour le Tribunal fédéral, seul le consentement libre et éclairé du patient justifie l’atteinte à l’intégrité que peut représenter une intervention médicale[1]. L’exigence d’un tel consentement est d’ailleurs rappelée dans les législations cantonales[2]. On parle de consentement éclairé lorsque le patient a reçu du médecin, en termes clairs, intelligibles et aussi complets que possible, une information sur le diagnostic, la thérapie, le pronostic, les alternatives au traitement proposé, les risques, les chances de guérison, éventuellement sur l’évolution spontanée de la maladie et les questions financières, notamment relatives aux assurances[3].
Seule une personne capable de discernement peut valablement consentir[4] et par conséquent refuser valablement un traitement. À défaut, et en dehors des directives anticipées ou de l’urgence vitale, il appartiendra au médecin d’obtenir l’accord du représentant légal du patient. La notion de capacité de discernement figure à l’art. 16 du Code civil.
Pour savoir si une personne est capable de discernement, deux éléments doivent en définitive être évalués: un élément intellectuel d’une part, à savoir la faculté d’une personne de comprendre et d’apprécier correctement la signification, l’opportunité et les conséquences d’une action ou d’une situation et, d’autre part, un élément volontaire, à savoir la faculté d’agir librement, sans contrainte, en se fondant sur l’appréciation intellectuelle que l’on s’est faite de l’action ou de la situation. La capacité de discernement est de surcroît une notion relative qui doit être examinée par rapport à un acte déterminé[5]. Enfin, la capacité de discernement existe ou n’existe pas.
L’évaluation de la capacité de discernement est donc déterminante pour savoir qui sera en définitive habilité à accepter ou à refuser un traitement.
Patient capable de discernement
La situation la plus fréquente en pratique est celle où le médecin est face à un patient capable de discernement. Dans ce cas, le médecin doit informer le patient et obtenir de lui, et de lui seul, un consentement libre et éclairé.
Si le patient refuse le traitement proposé, le médecin devra respecter ce choix même si l’issue peut être fatale. Dans la mesure où le patient en aura été informé préalablement et aura dès lors pris sa décision librement et en connaissance de cause, le refus sera valable. Le médecin n’encourra dès lors pas de responsabilité, le refus étant libre et éclairé.
Le médecin sera néanmoins bien avisé de documenter très précisément son dossier médical à cet égard et, le cas échéant, faire signer au patient un formulaire de décharge reprenant les informations fournies au patient. Le dossier médical est en effet une pièce maîtresse en cas d’éventuelle contestation a posteriori par le patient ou, s’il est décédé, par sa famille.
Patient incapable de discernement
Lorsque l’examen établit que le patient est incapable de discernement, il faut envisager plusieurs situations.
Directives anticipées
Les directives anticipées au sens de l’art. 372 du Code civil constituent la prolongation de l’autodétermination du patient au cas où celui-ci devient temporairement ou durablement incapable de discernement. Leur objectif est double. D’une part, elles permettent au patient de déterminer à l’avance, pour le cas où il deviendrait incapable de discernement, la prise en charge médicale à laquelle il consent ou s’oppose (par exemple, refus de transfusion chez un patient témoin de Jéhovah, refus de mesures chez un patient incurable). D’autre part, elles lui permettent de désigner à l’avance, et toujours pour le cas où il deviendrait incapable de discernement, un représentant thérapeutique, soit une personne habilitée à décider à sa place d’une prise en charge médicale.
Lorsqu’elles sont applicables, le médecin devra les respecter, et par exemple s’abstenir d’un traitement si le patient l’a par avance refusé. En pratique, de telles situations peuvent toutefois s’avérer délicates. S’il y a un éventuel doute sur la portée ou la validité de la directive anticipée, le médecin sera avisé d’agir comme il devrait le faire en l’absence de directives anticipées.
Urgence vitale
Lorsqu’une intervention est urgente et que le patient est incapable de discernement, le médecin doit agir conformément aux intérêts objectifs du patient en tenant compte de la volonté présumée de celui-ci (art. 379 CC). Il faut cependant réserver le cas de l’urgence où le médecin a d’emblée connaissance de directives anticipées. Ces dernières priment alors pour autant qu’elles soient valables.
Représentation thérapeutique
En l’absence de directives anticipées et/ou d’urgence, référence doit être faite à la loi. L’art. 378 CC désigne la ou les personnes habilitées à représenter le patient. Le médecin est tenu de fournir au représentant thérapeutique les renseignements nécessaires pour obtenir le consentement au traitement envisagé[6]. Fort de ces informations, le représentant acceptera ou, le cas échéant, refusera le traitement conformément à la volonté présumée et aux intérêts du patient incapable de discernement. Dans la mesure du possible, ce dernier sera néanmoins associé au processus décisionnel.
Le cas du mineur
Le consentement à un acte médical est un droit strictement personnel. Le mineur capable de discernement doit donc pouvoir exercer pleinement ce droit sans le concours de son représentant légal. Il peut donc dans cette hypothèse valablement consentir ou refuser un traitement médical.
Certaines lois prévoient néanmoins le consentement du représentant légal lorsque la capacité de consentir du mineur peut se trouver au centre d’une tension entre son droit à l’autodétermination et son besoin de protection et de soins[7], par exemple dans le cadre d’essais cliniques de médicaments[8] ou lors du prélèvement d’organe sur un mineur vivant[9].
Lorsque le mineur n’est pas capable de discernement, le médecin doit obtenir le consentement du représentant légal, lequel peut donc le cas échéant s’opposer, au nom et pour le compte du mineur incapable de discernement, au traitement proposé.
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Paru dans Planète Santé magazine N° 41 – Juin 2021
[1]. ATF 133 III 121 consid. 4.1.1.
[2]. Par exemple, art. 46 LS/GE, art. 23 LSP/VD, art. 25 LS/ NE, art. 26 Loi sanitaire/JU, art. 48 LSan/FR et art. 22 Loi sur la santé/VS.
[3]. ATF 133 III 121 consid. 4.1.2.
[4]. ATF 134 II 235 consid. 4.1.
[5]. ATF 127 I 6.
[6]. Voir ci-dessus sous ch. II.
[7]. Manaï D. Les droits du patient face à la biomédecine. Berne, Stämpfli, 2006, p. 41.
[8]. Art. 55 de la Loi sur les produits thérapeutiques (LPTh).
[9]. Art. 13 al. 2 let. f de la Loi sur la transplantation d’organes, de tissus et de cellules (Loi sur la transplantation).