La télémédecine en manque de repères juridiques

Dernière mise à jour 07/12/20 | Article
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La législation a un train de retard sur la pratique de la télémédecine. En l’absence de loi spécifique, des règles générales s’appliquent. Explications.

Des sondages montrent que les Suisses plébiscitent la consultation médicale à distance, que ce soit par téléphone, vidéo ou messagerie instantanée. À preuve: plus de 13 % des assurés ont choisi un assureur-maladie lié à une plateforme digitale de téléconsultation comme Medgate ou Medi24. Mais il n’existe aucune loi fédérale concernant cette pratique médicale relativement nouvelle. Sa réglementation relève de la souveraineté des cantons, et plus exactement des lois cantonales sur la santé.

Cependant, comme le travail du médecin est fondamentalement le même que son patient soit physiquement présent ou non, les règles qui s’appliquent aux consultations en face-à-face valent également pour celles qui se déroulent à distance, via les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC). En résumé, il s’agit de respecter les principes usuels relatifs à la protection des données, au secret médical, au consentement éclairé du patient et à l’obligation d’exercer l’art de la médecine avec soin (devoir de diligence). Ces règles découlent principalement de la loi sur les professions médicales (LPMéd), de la loi fédérale sur la protection des données (LPD) et du Code pénal. À cela s’ajoutent la jurisprudence et la déontologie professionnelle.

Les obligations du médecin

Concrètement, le médecin doit informer le patient des tenants et aboutissants de la consultation : coût, déroulement, confidentialité des échanges, protection des données, etc. Ces renseignements peuvent être donnés par écrit ou par oral. Le but est que le patient soit en mesure de donner son approbation en toute connaissance de cause. Toutes les données doivent être soigneusement consignées afin de permettre la reconstitution de l’historique de la prise en charge. La durée de conservation recommandée est de vingt ans, ce qui correspond au délai de prescription en droit privé. Enfin, les données et la consultation virtuelle doivent être sécurisées contre les risques de piratage, de vol ou de destruction par un tiers. En cas de violation de l’une de ces règles, la responsabilité civile ou éventuellement pénale du médecin peut être engagée.

Un encadrement nécessaire

Trois questions au Dr Philippe Eggimann, président de la Société vaudoise de médecine (SVM)

Planète Santé: Quelle est la part imputable au contexte de la crise sanitaire dans le développement actuel de la télémédecine?

Dr P. Eggimann: Globalement, l’expérience Covid a concrétisé le potentiel de la télémédecine. Cette nouvelle pratique médicale pourra désormais s’imposer comme un complément utile aux consultations présentielles. Elle nécessite toutefois un apprentissage – tant pour le corps médical que pour les patients – et surtout un encadrement éthique et clinique rigoureux. Le numéro de septembre 2020 du Courrier du Médecin Vaudois y est entièrement consacré, plus particulièrement sous l’angle de l’impact sur la relation thérapeutique[1]. Comme le rappellent les Drs Tempia et Saucy dans l’éditorial, la télémédecine est considérée par beaucoup comme une opportunité pour améliorer certaines prestations au niveau des urgences ou pour les personnes éloignées du dispositif sanitaire. En même temps, certains redoutent une dégradation de la relation humaine ou estiment que les limites de cette technologie ne sont pas assez clairement définies.

Cela signifie que les médecins comme les patients vont devoir s’adapter et changer certaines habitudes ?

Au-delà de leur aspect très attractif et du fait qu’ils s’inscrivent dans le cadre de la numérisation de nos sociétés, les nouveaux services de télémédecine ouvrent un champ de questionnements tant éthiques que cliniques. Sur le plan pratique, les médecins doivent se familiariser avec une nouvelle écoute du patient, désormais situé à distance et présent en deux dimensions. De leur côté, les patients doivent apprendre à communiquer différemment avec leur thérapeute.

Quelles limites voyez-vous à la pratique de la télémédecine?

Très utilisée pendant le semi-confinement, y compris en psychiatrie, la télémédecine représente une alternative acceptable, mais elle ne remplace pas les entretiens en présentiel, qui restent indispensables sur la durée. Si le temps gagné grâce à un accès rapide au soin est intéressant, les signes et symptômes cliniques sont parfois difficiles à interpréter en l’absence d’examen clinique.

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Paru dans Planète Santé magazine N° 38 – Octobre 2020

[1] https://www.svmed.ch/svm/wp-content/uploads/2020/08/cmv4-2020-telemedecine.pdf