Embauche: les délicates questions autour de la santé
En principe, lorsqu’un candidat postule pour un poste de travail – et que ses compétences correspondent à la description de l’offre d’emploi –, le potentiel employeur le convoquera à un entretien d’embauche. Celui-ci est souvent l’occasion pour l’employeur de poser certaines questions dont les réponses vont l’aider à sélectionner le meilleur candidat pour le poste envisagé. Notamment, l’employeur pourrait être enclin à questionner la personne sur son état de santé. Il le fera, en principe, pour s’assurer que le candidat est apte à remplir les exigences du poste, mais parfois également pour opérer – en quelque sorte – une sélection des risques. En effet, engager une personne dont la santé est fragile comporte le risque pour l’employeur que celle-ci soit absente pour cause de maladie, ce qui pourrait peser sur l’organisation du travail de l’entreprise et, le cas échéant, sur les finances. Quels sont dès lors les droits du candidat dans une telle situation? Doit-il obligatoirement répondre? Le cas échéant, peut-il mentir?
Dispositions légales
A titre préalable, il convient de relever que l’ordre juridique suisse ne prévoit pas, sauf en de rares exceptions, de possibilité pour un candidat évincé d’obtenir une réparation pécuniaire en cas de non-conclusion du contrat de travail. Il existe toutefois deux exceptions. La première se présente en cas de discrimination à l’embauche en raison du sexe, laquelle est spécifiquement prohibée par l’article 3 LEg[1]. La seconde se présente en cas de discrimination illicite, par exemple si la non-embauche est liée à un motif de nature raciale.
Ceci étant, le fait que l’ordre juridique suisse ne confère pas au candidat évincé une protection particulière – sous la réserve de ce qui précède – ne veut pas pour autant dire que le futur employeur dispose d’un blanc-seing, notamment s’agissant des questions qui peuvent être posées au candidat lors de l’entretien d’embauche.
De manière générale, on retiendra que l’employeur est légitimé à poser au candidat toutes les questions qui sont directement liées aux rapports de travail. A l’inverse, les questions qui débordent de ce cadre ne devraient pas être posées car elles sont considérées comme contraires à l’article 28 du Code civil qui protège les droits de la personnalité[2]. S’agissant des questions admises, on pense notamment aux questions d’ordre administratif, par exemple celles relatives à l’identification du candidat, sa formation, son parcours professionnel et éventuellement son casier judiciaire si cette condition présente une importance vis-à-vis des tâches ou des responsabilités envisagées.
Quid des questions de santé?
Les questions liées à l’état de santé peuvent naturellement être posées pour du personnel médical ou des professions qui requièrent des exigences liées +à la constitution physique ou l’état de santé psychique, toujours dans la mesure où cela est justifié par les impératifs du rapport de travail. A titre d’exemple, la doctrine cite les situations où l’employeur demande à un travailleur s’il a déjà eu des problèmes de dos lorsque le travail consiste à porter des charges lourdes, ou s’il a des antécédents en matière de toxicomanie lorsqu’il est amené à travailler avec des opiacés en milieu hospitalier. Un employeur peut également s’enquérir d’une éventuelle grossesse en cours mais seulement lorsque la grossesse empêcherait la candidate d’exercer le travail en raison de son caractère pénible ou dangereux[3], des horaires de nuit[4] ou pour d’autres motifs particuliers. En dehors de telles situations ou de situations analogues, les questions sur l’état de santé ne devraient pas être posées par le futur employeur.
Si toutefois l’employeur interroge le candidat sur son état de santé sortant par hypothèse du cadre des futurs rapports de travail, il est légitime de se demander quel comportement le candidat devrait adopter. A ce titre, il est unanimement reconnu que le candidat a le droit de ne pas répondre si la question n’est pas admissible. Toutefois, une telle situation éveillera bien entendu des doutes auprès du futur employeur et il est fort probable que le candidat ne sera alors pas retenu. On peut dès lors s’interroger sur un éventuel droit au mensonge du candidat. Une partie de la doctrine soutient que celui-ci, dès lors qu’il s’exposerait à un refus d’embauche, se trouve juridiquement dans un état de nécessité, au sens de l’art. 52 CO par analogie, ce qui légitime un éventuel mensonge sur les questions illicites posées. A relever toutefois que si l’employeur apprend par la suite que le candidat, devenu employé, a menti sur des aspects essentiels du contrat de travail, il pourrait alors le licencier pour ce motif. Dans la mesure où le licenciement a un effet formateur, c’est-à-dire qu’il met fin aux rapports de travail, l’employé n’aura d’autre choix que de saisir les tribunaux pour obtenir une indemnité pour licenciement abusif, si les conditions en sont remplies, ce qui demande bien entendu un examen au cas par cas.
Examen médical d’aptitude
En pratique, et pour éviter à avoir à aborder directement les délicates questions sur l’état de santé lors de l’entretien d’embauche, il est fréquent que les employeurs soumettent le candidat à un examen médical d’aptitude. Cet examen aura lieu auprès d’un médecin qui, bien que désigné et rétribué par l’employeur, demeure soumis au secret professionnel. Le seul élément qui devra en définitive être transmis par le médecin au futur employeur est une détermination sur l’aptitude ou non du candidat pour les tâches envisagées. L’employeur décidera ensuite – au vu de cette information – s’il engage ou non le candidat.
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Paru dans Planète Santé magazine N° 36 - Décembre 2019
[1] Loi fédérale sur l’égalité entre hommes et femmes.
[2] Comme il n’existe pas encore de contrat de travail, il n’est pas possible d’invoquer directement les règles du Code des obligations protégeant l’employé.
[3] En relation avec l’art. 35 de la loi fédérale sur le travail (LTr).
[4] En relation avec l’art. 35b LTr.