Droits et devoirs de l’employé en arrêt de travail
Être en incapacité de travail pour des raisons de santé ou d’accident, est-ce que cela signifie que l’on doit rester chez soi? Cette question est d’apparence anodine. Toutefois, elle met en jeu plusieurs principes juridiques qu’il convient d’exposer avant de pouvoir esquisser une réponse.
Droits de l’employé en cas d’incapacité de travail
Lorsque l’employé est empêché de travailler pour cause de maladie ou d’accident sans que cet empêchement ne soit imputable à une faute de sa part, l’employeur doit lui verser le salaire pour un temps limité (cf. art. 324a al. 1 CO). De plus, durant une telle période d’incapacité de travail, l’employé est protégé contre le licenciement ordinaire[1] puisqu’un tel licenciement serait considéré comme nul (art. 336c al. 2 CO).
L’incapacité de travail ouvre donc des droits en faveur de l’employé. Toutefois, ces droits ne sont pas absolus.
Certificat médical
Il revient à l’employé de prouver l’incapacité de travail dont il entend se prévaloir. En pratique, la preuve de l’incapacité de travail est apportée par la production d’un certificat médical. À teneur de l’art. 34 du Code de déontologie de la FMH, «les certificats médicaux, rapports et expertises sont des documents officiels. Le médecin les établit au plus près de sa conscience professionnelle et avec toute la diligence requise. Le but visé, la date et le nom du destinataire doivent figurer sur le document. Les certificats de complaisance sont interdits».
Selon la jurisprudence, le certificat médical bénéficie d’une présomption d’exactitude lorsqu’il est établi conformément aux règles élémentaires. Il ne s’agit toutefois que d’une présomption qui peut être renversée par l’employeur. Ainsi, selon les circonstances, l’employeur peut être amené à avoir des doutes par rapport à la réalité de l’incapacité de travail mentionnée dans le certificat médical. Tel pourra être le cas s’il obtient des informations – par exemple en consultant les réseaux sociaux – sur certaines activités effectuées par un employé au bénéfice d’un certificat d’incapacité de travail.
Obligations de diligence
L’employé est tenu par son obligation de fidélité et de diligence au sens de l’art. 321a CO envers l’employeur, même durant une période d’incapacité de travail. L’employé au bénéfice d’un arrêt de travail doit donc tout mettre en œuvre pour accélérer le processus de guérison, et en tout cas ne rien faire qui puisse le retarder.
Les activités qui pourront être effectuées durant l’incapacité de travail sans violer l’obligation de fidélité dépendront principalement de l’affection dont souffre le patient. À cet égard, le Tribunal administratif fédéral a considéré que le fait pour un employé de chasser alors qu’il était au bénéfice d’un arrêt de travail en raison d’une jambe cassée constituait une violation de l’obligation de fidélité. La Cour d’appel des prud’hommes du canton de Genève est allée dans le même sens dans une situation où une employée avait effectué du travail pour un tiers alors qu’elle était en arrêt de travail.
L’obligation de fidélité doit bien entendu s’examiner pour chaque cas concret et une réponse générale sur les activités qui peuvent être effectuées durant une incapacité de travail ne pourrait être qu’imprécise, voire erronée.
Ceci étant, il paraît en principe raisonnable d’exiger d’un employé qu’il reste au calme lors du traitement d’une pneumonie. En revanche, on peut imaginer qu’un employé en burnout pourrait bénéficier – pour sa guérison – de certains loisirs ou distractions, respectivement qu’un employé souffrant de rhumatisme pourrait bénéficier d’une cure thermale. Toutefois, afin de ne pas éveiller des soupçons de la part de l’employeur, un tel employé serait bien avisé d’obtenir un certificat permettant de circonscrire les activités permises ou indiquées, ainsi que les éventuels déplacements autorisés.
En tout état, il n’est pas question pour l’employé de profiter de son incapacité de travail pour partir en «vacances», ces dernières étant destinées à ce que l’employé se repose et non à ce qu’il recouvre la santé.
Conséquences pour l’employé
En définitive, les activités qu’un employé au bénéfice d’un certificat d’incapacité de travail pourra effectuer durant son arrêt dépendent principalement de l’affection sous-jacente[2].
Si l’employeur constate que certaines activités de l’employé durant son arrêt de travail semblent peu compatibles avec la teneur du certificat d’arrêt de travail, il lui est loisible d’adresser l’employé à une consultation auprès de son médecin-conseil. Ce dernier indiquera à l’employeur si l’incapacité de travail est confirmée ou non[3].
Alternativement, l’employeur pourrait choisir des voies plus radicales, à savoir la suspension du salaire durant l’incapacité de travail contestée, voire un licenciement immédiat. Ce dernier pourra bien entendu être envisagé si le certificat médical produit s’avère être un faux.
En tout état, si l’employeur suspend le salaire ou licencie l’employé, ce dernier n’aura d’autres choix que de tenter de faire valoir son droit au salaire devant les tribunaux, respectivement de contester judiciairement le licenciement immédiat en démontrant notamment que l’incapacité de travail était bien réelle.
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[1] Un licenciement immédiat au sens de l’art. 337 CO demeure possible.
[2] Il convient de relever que l’employé n’est pas tenu d’indiquer à l’employeur le diagnostic de l’affection sous-jacente.
[3] Les frais d’une telle consultation seront à la charge de l’employeur.
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Paru dans Planète Santé magazine N° 38 – Octobre 2020