Donner son sang pour sauver des vies
Le sang irrigue le corps d’un précieux combustible: l’oxygène. Sans lui, pas de vie. Les donneurs de sang irriguent les hôpitaux. Sans eux, pas de transfusion massive en cas d’urgence vitale, ni de médecine de pointe. «Donner son sang ou ses organes sont des actes de solidarité essentiels. Ils peuvent se rejoindre, comme dans une transplantation de foie difficile où des saignements importants peuvent se produire. Les donneurs de sang et d’organes auront contribué ensemble à sauver une vie humaine», assène le Pr Thierry Berney, médecin-chef du service de transplantation des HUG.
Le don de sang relève en effet d’une générosité pure et anonyme. «Les donneurs sont des héros», affirme sans sourciller la Dresse Sophie Waldvogel Abramowski, médecin adjoint responsable du centre de transfusion sanguine (CTS) des HUG, l’un des douze centres de Suisse. «Ils sont les héritiers d’une tradition qui, hélas, se perd un peu. Entre 2014 et 2015, les HUG ont perdu quelque 1200 donneurs», déplore-t-elle. Or le CTS a pour mission d’approvisionner tous les hôpitaux du canton. Et leurs besoins annuels se montent à quelque 20 000 poches de sang (globules rouges, appelés concentrés érythrocytaires). «Les dons représentent environ 15 000 poches. Nous devons donc en acheter près de 5000 par an. C’est une situation typique d’un canton ville, sans arrière-pays. Qu’on retrouve par exemple à Bâle-Ville», explique la responsable.
Afin de garantir un approvisionnement sûr et régulier, tant pour les HUG que pour les autres établissements de soins genevois, le CTS a conclu des contrats avec les cantons de Berne, Zurich, Jura, Neuchâtel et Fribourg. «Ce soutien est très précieux. Mais nous devrions aussi disposer d’un vivier de personnes à Genève que nous pourrions solliciter en cas de catastrophe. Pour être autonome, le CTS devrait compter environ 3000 donneurs de plus», estime la Dresse Waldvogel.
Aptitude au don
Ce n’est pas gagné. Sécurité oblige, les critères d’aptitude au don édictés par Transfusion CRS Suisse (lire encadré) sont sévères: 18 ans révolus, plus de 50 kg, un seul partenaire sexuel au cours des six derniers mois, pas de relations homosexuelles masculines, pas d’accouchement dans l’année qui précède, pas de séjour aux Etats-Unis ou au Canada au cours des quatre dernières semaines, etc. «Les critères liés aux voyages sont la cause d’une baisse des dons d’environ 20% pendant les vacances d’été et les fêtes de fin d’année. Durant ces périodes, beaucoup de gens sont partis, et quand ils reviennent, ils ne peuvent souvent pas faire de don», indique la responsable du CTS.
Équipements, management, qualité, traçabilité, archivage… la production des produits sanguins fait l’objet d’une surveillance très stricte. Elle est soumise à une règlementation à la fois nationale et internationale. En matière de sécurité, notamment pour les critères de sélection des donneurs, les directives sont émises par l’organe faîtier fédéral Transfusion CRS Suisse, rattaché à la Croix-Rouge suisse. Comment ces critères sont-ils établis? «Les décisions sont prises à plusieurs niveaux en fonction des domaines. Certaines questions sont tranchées par la direction médicale de Transfusion CRS Suisse d’entente avec les services régionaux de transfusion sanguine. D’autres relèvent de la compétence de l’autorité de surveillance des produits thérapeutiques Swissmedic. Enfin, certaines recommandations émanant du Conseil de l’Europe ont un caractère contraignant», explique Rudolf Schwabe, directeur de Transfusion CRS Suisse. Des désaccords peuvent survenir. Ainsi, Transfusion CRS Suisse a déclaré à plusieurs reprises que, de son point de vue, l’exclusion systématique et à vie des homosexuels ne se justifiait plus. De son côté, Swissmedic a toujours rejeté une modification en ce sens. L’organe faîtier ne baisse toutefois pas les bras: «Nous allons déposer au courant de l’été une nouvelle demande d’adaptation de ces critères», annonce Rudolf Schwabe.
Sang artificiel
Et si la solution venait du sang artificiel? «Une équipe française a récemment trouvé une hémoglobine animale, celle d’un ver marin, qui transporte très bien l’oxygène. Et d’autres recherches sont en cours. Mais aucune n’a encore été testée sur l’homme», précise la Dresse Waldvogel. Les chercheurs explorent d’autres voies. Par exemple, traiter les dons de sang pour qu’ils se transforment en groupe O, le groupe universel dont les hôpitaux manquent le plus. Ou encore créer des globules rouges in vitro à partir de cellules souches. «Des essais cliniques ont été réalisés. Mais cette méthode ne produit que de très faibles quantités. En revanche, elle rendrait possible la fabrication de sang rare. C’est déjà un très bon résultat», estime la Dresse Waldvogel.
Plus de confort
Au chapitre des bonnes nouvelles, la responsable du CTS relève qu’entre 2014 et 2015 les HUG ont augmenté de 17% la production de plaquettes, un produit dérivé du sang toujours plus demandé pour le traitement des maladies onco-hématologiques. «Aujourd’hui, nous sommes l’un des plus gros producteurs de plaquettes en Suisse», affirme-t-elle. Last but not least, le CTS accueillera prochainement les donneurs dans un cadre plus convivial. Les espaces gagneront en confort. Avec des fauteuils et du mobilier neufs. Des télévisions dans la salle de prélèvement et des prises pour recharger ordinateur et téléphone portable. «Tout cela grâce à un généreux financement de la Fondation privée des HUG», se réjouit la Dresse Waldvogel.
Campagne
La campagne de sensibilisation, lancée en juin dernier, rappelle l’importance du don... vu par des proches reconnaissants: un bébé qui peut rester dans les bras de sa maman, une femme blottie contre son amoureux, ou même un chat qui peut ronronner en paix sur les genoux de sa maîtresse. Le Genève Servette Hockey Club a également souhaité participer en dépêchant deux de ses joueurs pour soutenir cette cause.
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Source
Magazine Pulsations - http://www.hug-ge.ch/sites/interhug/files/n29_pulsations_juillet_aout_sept_2016.pdf