Mieux comprendre le don d'organe pour mieux se décider
Chaque semaine, en Suisse, deux personnes décèdent faute d’avoir reçu un don d’organe. Le nombre de donneurs a chuté cette année par rapport à 2015 et les listes d’attente ne cessent de s’allonger. Pourtant, les Suisses se disent majoritairement pour le don d’organes, mais peu informent leurs proches de leur volonté. Or, pour qu’un prélèvement d’organe soit autorisé, il faut que le donneur ait donné au préalable son consentement. A défaut, ses proches devront se prononcer après son décès, ce qui est souvent très délicat. « La mort d’un proche est pour la famille une situation de stress extrême, qui peut rendre la question d’un prélèvement soudain floue. C’est une décision qui demande une grande responsabilité », explique le Pr Yvan Gasche, médecin adjoint agrégé au Service des soins intensifs des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). S’autodéterminer peut donc soulager les proches d’une décision difficile. Avec son message « Le don d’organes: parlonsen ! », la nouvelle campagne de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), en partenariat avec Swisstransplant, entend inciter les gens à affirmer clairement leur volonté. Mieux comprendre le don, ses conditions et ses usages peut aider chacun à se positionner.
Un donneur, plusieurs vies sauvées
Comme on peut l’indiquer sur la carte de donneur, il est possible de faire don de son foie, de ses reins, de son cœur, de son pancréas, de ses poumons, de l’intestin grêle, mais aussi de ses tissus (valves cardiaques, vaisseaux sanguins, cornée, peau). Chacun est libre de restreindre son don à un ou à certains organes seulement. Tout don est gratuit, la loi sur la transplantation interdisant le commerce d’organe. Grâce à un seul donneur, plusieurs vies peuvent être sauvées : chaque organe pourra en effet trouver un receveur potentiel, et même deux pour les reins. Une autre question récurrente est celle de l’âge. Dès 16 ans, on peut remplir sa carte de donneur. Mais jusqu’à quel âge peut-on l’être ? Il n’y a en réalité pas de limite. On peut être donneur à un âge avancé, à moins de contre-indications liées à l’état de santé et au fonctionnement des organes et des tissus. Les malades peuvent aussi, selon les cas, donner leurs organes, sauf s’ils souffrent d’une maladie transmissible grave (virale par exemple) pour laquelle il n’y a pas de traitement (un cancer non guéri, par exemple). Et pour cause, explique le professeur Gasche, « les personnes greffées, pour pouvoir tolérer le greffon, reçoivent un traitement immunosuppresseur qui augmente leur vulnérabilité face aux maladies ».
Une nouvelle carte de donneur
Sur cette simple carte, vous pouvez indiquer si vous souhaitez, ou non, être donneur. Vous avez la possibilité de restreindre votre consentement à certains organes, tissus ou cellules. Désormais, vous pouvez transmettre le double de la carte dûment complétée à un proche ou à une personne de confiance. La nouvelle version de la carte peut être commandée ou imprimée à cette adresse : www.vivre-partager.ch.
LE DON DE CORNÉE La greffe de cornée permet à des malades de retrouver la vue. Or, en raison d’idées reçues et d’une confusion entre la cornée et les yeux eux-mêmes, certains donneurs refusent de donner leur consentement pour cette partie de leur corps. Mais il faut savoir que le prélèvement de la cornée consiste en une intervention très superficielle à la surface de l’œil, sans mutilation du visage du défunt.
LES CHIFFRES Au 30 juin 2016, 1496 patients étaient en attente d’un don, tandis que seules 160 transplantations ont été réalisées en 2016. Les reins et le foie sont les organes les plus recherchés. Sur les 1142 reins attendus, seuls 77 ont été effectivement transplantés. Pour le foie, 187 étaient recherchés et 42 greffons ont été transplantés. Pour le cœur, 13 sur 87 cœurs recherchés ont été transplantés.
Condition sine qua non
Une autre question délicate concerne les conditions du prélèvement d’organes. Un don d’organe – et c’est une condition sine qua non – n’est possible que si le décès du donneur a été constaté sans aucun doute. Dans les faits, un don est possible en cas de décès suite à une lésion cérébrale primaire (hémorragie, traumatisme craniocérébral) et exceptionnellement après une lésion cérébrale causée par un arrêt cardio-circulatoire. Cela ne concerne que les patients admis à l’hôpital. Une personne qui meurt chez elle ne peut en effet être donneuse, puisque des mesures médicales préliminaires doivent être effectuées avant une greffe, mais aussi pour des questions de délai. Encore faut-il savoir que le besoin d’une greffe existe lorsqu’un patient souffre d’insuffisance terminale d’un organe, autrement dit quand l’organe ne peut plus faire seul son travail. Grâce à une greffe, l’espoir renaît.
Donner de son vivant
Faire don de ses organes de son vivant est possible. C’est même une pratique qui se développe de plus en plus, en raison de la pénurie de dons d’organes de personnes décédées. Au Centre hospitalier universitaire vaudois (Chuv), environ 40% des greffes rénales sont réalisées grâce au don d’une personne vivante. Cela représente en revanche moins de 10% des cas pour le foie aux HUG, une opération plus compliquée. «Pour le patient, c’est un grand avantage car on peut programmer la greffe plus tôt ou préventivement et éviter les longues listes d’attente. De plus, la survie du greffon et du receveur est plus longue qu’avec le greffon d’une personne décédée, en partie parce que le donneur jouit d’une excellente santé et que le rein greffé a une très bonne fonction», explique le professeur Manuel Pascual, directeur du Centre de transplantation d’organes du Chuv. Car pour être donneur, il faut être en parfaite santé –un bilan médical et psychologique très poussé est effectué–, mais aussi bien sûr être compatible avec le receveur et être lié émotionnellement à lui (conjoint, parent, ami, collègue ou proche). «Dans le cas du rein, il y a moins de 5% de dons altruistes purs», d’après le spécialiste. La vie d’une personne ayant donné un rein n’est, quant à elle, pas en danger: «Si son bilan médical avant le don d’un rein est bon, sa survie est en moyenne la même Liste d’attente et transplantations au 1er semestre 2016 qu’une personne de son âge ayant ses deux reins», conclut le professeur.