Gardez votre cœur au chaud
Il n’y a pas que le stress qui est mauvais pour le cœur. Le froid, lui aussi, est redoutable. En effet, l’exposition au froid est associée à une augmentation de la fréquence et de la gravité des infarctus du myocarde et des accidents vasculaires cérébraux. Les spécialistes le constatent: les taux les plus élevés de maladies cardiovasculaires sont observés dans les mois d’hiver les plus froids. Ces maladies sont responsables de la majeure partie de la surmortalité prématurée observée en hiver (jusqu’à 70% dans certains pays!).
Concrètement, pour les personnes hypertendues, le risque est majoré lorsque la température descend en dessous de -4°C. Selon certains travaux, le risque est aussi plus élevé lorsque la température moyenne varie de plus de 5°C d’un jour à l’autre, ou encore lorsque la pression atmosphérique varie de plus de huit points. Autre phénomène, moins connu: la mortalité associée aux pathologies cardiovasculaires semble augmenter de manière plus importante dans les régions les plus chaudes lorsque la température baisse, comme si les organismes peu habitués étaient plus sensibles à ces variations.
Mécanismes des réflexes de survie
Heureusement, lorsqu’il le faut, nous nous protégeons efficacement du froid de diverses manières. Car, en effet, il faut s’adapter pour survivre. Et nous agissons sans le savoir: la plupart des mécanismes d’adaptation au froid surviennent de manière réflexe, inconsciemment. Les physiologistes parlent de «mécanismes endogènes thermorégulateurs». Cette régulation de la température interne est obtenue au moyen de l’action coordonnée des systèmes nerveux, endocrinien, cardiaque et respiratoire.
C’est ainsi, par exemple, que lorsque les températures extérieures au corps sont basses, la limitation des pertes de chaleur est obtenue via une réduction du diamètre des vaisseaux sanguins (vasoconstriction), une augmentation de la pression artérielle et une «concentration» du sang (hémoconcentration). Or, ce phénomène est à l’origine d’une sorte d’«hyperviscosité» sanguine. Celle-ci peut, à son tour, entraîner des ruptures de plaques d’athérome préexistantes sur la paroi interne des artères, et favoriser ainsi les accidents dus à des thromboses artérielles (infarctus du myocarde, accidents vasculaires cérébraux, embolies pulmonaires).
Dans le même temps, le cœur peut avoir besoin d’augmenter son activité, ce qui se traduit par une augmentation de ses besoins en oxygène. Tout ceci favorise, chez les personnes à risque, la survenue ou l’aggravation d’une angine de poitrine, voire d’un infarctus du myocarde. On estime ainsi qu’environ la moitié de la surmortalité hivernale prématurée est la conséquence de la formation d’une thrombose au niveau des artères coronaires.
Et il faut en outre, dans ce contexte, faire avec l’existence fréquente d’infections virales ou bactériennes en période de froid. Pour certains spécialistes, les inflammations qui en résultent peuvent aussi favoriser le développement des plaques d’athérome et augmenter le risque de rupture, de thrombose et, in fine, d’accidents vasculaires. Les infections causées par le cytomégalovirus et la bactérie Chlamydia pneumoniae seraient ici tout particulièrement à redouter…
Pics hivernaux
Ce n’est pas tout. Des travaux ont été menés au milieu des années 1990 au Royaume-Uni pour tenter de comprendre les raisons de la surmortalité hivernale d’origine cardiovasculaire observée en Angleterre et au Pays de Galle. Les chercheurs ont alors mis en évidence l’existence, au beau milieu de l’hiver, de perturbations sanguines bien connues pour augmenter le risque d’infarctus du myocarde et d’accidents vasculaires cérébraux; et ce, tout particulièrement chez les personnes âgées. Là encore, on suspecte les infections hivernales de jouer un rôle direct. La preuve: les personnes vaccinées contre la grippe semblent relativement protégées contre de tels accidents cardiovasculaires en comparaison de celles qui ne le sont pas. Il y aurait donc une forte composante saisonnière, à plus grand titre chez les plus de 65 ans et les femmes, selon l’Institut national français de veille sanitaire (InVS).
L’InVS estime qu’environ la moitié de la surmortalité prématurée recensée en hiver est due à des accidents cardiaques. «Leur nombre culmine environ deux jours après une vague de froid. La moitié de la surmortalité restante est attribuable aux maladies respiratoires, dont le pic se situe approximativement douze jours après le pic de froid, précise l’InVS. L’intervalle entre la vague de froid et le retentissement sur la mortalité cardiovasculaire est plus court (avec un maximum à 7-14 jours) que pour la pathologie respiratoire (maximum à 15-30 jours). Ceci explique que l’on ne fasse pas toujours immédiatement le lien entre le froid et les décès prématurés qu’il provoque chez les personnes qui ne se protègent pas suffisamment. D’où la nécessité de rappeler, chaque hiver s’il le faut, aux personnes les plus exposées de ne pas «prendre froid»!