Consommation de sel: faut-il revoir les recommandations?

Dernière mise à jour 20/12/18 | Article
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Tandis qu’on nous répète depuis des années que trop de sel est mauvais pour la santé, une récente étude vient contredire les recommandations en vigueur en concluant au contraire qu’une consommation au-delà du seuil conseillé permettrait de réduire le risque de maladies cardiovasculaires. Alors, on sale ou pas?

Avec l’offre grandissante de plats préparés et autres produits industriels, notre consommation de sel a explosé ces dernières décennies. D’après une étude nationale menée en 20111, les femmes consommeraient en moyenne 7,8 g de sel par jour et les hommes 10,6 g, soit le double de la recommandation suisse en vigueur. Calquée sur celle de l’OMS, elle conseille de maintenir une consommation quotidienne inférieure à 5 grammes de sel de cuisine (ce qui correspond à 2 grammes de sodium, principal composant du sel), soit l’équivalent d’une cuillère à café rase. «Le problème, c’est qu’il est très difficile d’éviter le sel aujourd’hui, car il est souvent caché dans les aliments transformés», explique le Pr Michel Burnier du Service néphrologie au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) et ancien président du groupe de travail «Sel et santé».

S’il ajoute du peps à notre assiette en relevant le goût des aliments, le sel peut en revanche –à trop haute dose– affecter notre santé. En retenant l’eau dans les artères, il augmenterait en effet la tension artérielle. Par extension, il accroît donc le risque de maladies cardiovasculaires.

De nouveaux résultats

Mais cette corrélation, établie depuis des décennies, a été remise en cause en août dernier par une équipe de chercheurs d’Hamilton (Canada). A travers une étude2 menée dans dix-huit pays sur près de 100’000 individus âgés de 35 à 75 ans, et parue dans la revue scientifique The Lancet, les scientifiques ont observé l’impact d’une faible consommation de sel sur la santé. «Une corrélation avec les maladies cardiovasculaires et les accidents vasculaires cérébraux n’a pu être établie que dans les communautés où l’apport moyen en sodium était supérieur à 5 g/jour», concluent les auteurs. Cela n’a été le cas qu’en Chine. Dans tous les autres pays étudiés, la population consommait en moyenne 3 à 5 grammes de sodium par jour, soit près du double de ce qui est recommandé actuellement. Pourtant dans ces communautés, «la consommation de sodium était inversement proportionnelle au risque d’infarctus du myocarde ou de mortalité», rapportent les auteurs qui vont même jusqu’à ajouter: «Notre travail tend à montrer qu’un apport trop faible en sodium pourrait augmenter le risque de mortalité et de maladies cardio-vasculaires».

Des conclusions dont il faut se méfier, prévient le Pr Burnier: «Cette étude présente une méthodologie douteuse. D’une part, elle n’est pas représentative de notre consommation en Europe et, d’autre part, elle se base sur l’analyse d’un seul échantillon d’urine quotidien, à partir duquel on extrapole sur les risques à long terme.»

Quant aux effets négatifs d’une sous-consommation de sodium, ils sont totalement sans fondement d’après la Pre Antoinette Pechère, responsable de l’unité d’hypertension des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG): «Aucune étude prospective scientifiquement valable n’a montré à ce jour qu’un apport trop faible augmentait le risque de mortalité. Certes, l’organisme a besoin d’un minimum de sodium (moins d’1 gramme de sel) pour son fonctionnement, mais il est largement atteint avec notre alimentation actuelle».

Prudence

Faut-il alors revoir les recommandations à la hausse? «Absolument pas, rétorque le Pr Burnier. Cela serait même dangereux pour la population.» Car si chez certains individus une consommation élevée de sel n’a pas forcément d’incidence immédiate, chez d’autres, elle peut faire augmenter significativement la tension artérielle, premier facteur de mortalité dans le monde. C’est particulièrement le cas chez les plus de 65 ans, où l’on compte près de 60% d’hypertendus, avec en conséquence un risque accru d’événements cardiovasculaires. Dans son dernier rapport «Sel et santé», la Fondation Suisse de Cardiologie rappelle par ailleurs l’importance de modérer la consommation dès l’enfance afin de prévenir non seulement l’hypertension mais aussi la surcharge pondérale.

Pour le Pr Burnier, pas question pour autant de culpabiliser en cas de soirée-raclette: « Les petits écarts n’ont pas de conséquence, l’important c’est de veiller à avoir une alimentation pauvre en sel sur le long terme». A nous donc de savoir user de la salière… avec modération.

Les bons gestes pour prévenir l’hypertension

En sus d’une consommation raisonnable de sel, d’autres gestes doivent être mis en place pour préserver la santé de vos artères*:

  • Limiter sa consommation d’alcool
  • Éviter la prise de poids (IMC < 25 kg/m2)
  • Pratiquer une activité physique régulière (au moins 30 minutes 5 à 7 jours par semaine)
  • Arrêter de fumer
  • Contrebalancer le sodium avec un apport suffisant en potassium, contenu principalement dans les légumes, les légumineuses, les oléagineux, le chocolat noir… «Le potassium permet de faire baisser la pression artérielle, en particulier chez ceux qui consomment beaucoup de sel, explique le Pr Michel Burnier du Service néphrologie au CHUV. Plus vous salez vos plats, plus vous devez compenser avec des aliments riches en potassium comme les épinards, le chou ou encore l’artichaut».

* Recommandations de la société européenne de cardiologie et d’hypertension

_______

1. Swiss Study on Salt Intake, 2010-2011.

2. «Urinary sodium excretion, blood pressure, cardiovascular disease, and mortality : a community-level prospective epidemiological cohort study», The Lancet, août 2018.

Paru dans Planète Santé magazine N° 32 - Décembre 2018

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