Le cœur envoie des signaux qu’il ne faut pas négliger
Les faits
Le 7 mars dernier, un communiqué officiel mettait fin aux polémiques sur les causes du décès à 53 ans du chanteur George Michael et concluait à une mort naturelle liée à une cardiomyopathie dilatée avec myocardite, en présence d’une stéatose hépatique. En clair: une maladie entraînant une défaillance – potentiellement fatale – du muscle cardiaque, doublée d’un foie imprégné de graisse. Deux pathologies redoutables, mais pas inéluctables si elles sont découvertes à temps. Leur dénominateur commun? Souvent une consommation excessive d’alcool.
L’icône de la pop anglaise George Michael a donc succombé à un arrêt cardiaque le 25 décembre dernier. Overdose, suicide, empoisonnement?
Les rumeurs ont été nombreuses, mais les expertises y ont mis un terme avec un verdict sans appel: cardiomyopathie dilatée avec myocardite, associée à une stéatose hépatique. Et de tout cela, qu’est-ce qui l’a tué? «Pas la stéatose hépatique, qui traduit uniquement le fait que le foie était imprégné de graisse, ce dont on ne meurt pas directement, mais de la cardiomyopathie dilatée. Autrement dit, une défaillance du muscle cardiaque chargé de propulser le sang vers l’organisme», explique le Pr Christoph Huber, responsable du Service de chirurgie cardio-vasculaire aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Une pathologie synonyme de mort subite? «Oui, si elle n’est pas freinée à temps, souligne le spécialiste. Car si elle peut aboutir à un décès brutal, la cardiomyopathie dilatée s’installe sur des semaines, voire des mois, mais en donnant généralement des indices de sa présence. Le problème est que les symptômes peuvent être discrets, ignorés ou minimisés. C’est alors un incident qui va rendre l’insuffisance cardiaque fatale. Dans le cas de George Michael, une myocardite est évoquée. D’origine virale, bactérienne ou encore auto-immune, cette inflammation du cœur, survenant sur un organe déjà fragilisé, peut tout à fait être le déclencheur du drame.»
Une personne sur 2500
Mais alors quels signaux prendre en compte? Principalement un essoufflement inhabituel, des douleurs thoraciques, une sensation d’oppression, des palpitations et des pertes de connaissance. «Si l’un de ces signes survient, il faut vraiment consulter, insiste le Pr Huber. L’essoufflement par exemple, qui est le symptôme le plus caractéristique de la cardiomyopathie dilatée, est trop souvent associé à l’âge. Or être essoufflé dans des circonstances, où on ne l’était pas avant, n’est pas normal et n’a rien à voir avec le vieillissement.»
Conclure à une mort naturelle prend du temps
Il aura fallu dix semaines, à compter de la date du décès, le 25 décembre dernier, pour qu’un communiqué officiel révèle les causes du décès du chanteur George Michael. Un délai aberrant? «Pas du tout, considère la Pr Silke Grabherr, directrice du Centre universitaire romand de médecine légale. Qualifier une mort de «naturelle» suppose que l’on a éliminé toutes les autres pistes. Or si constater un coup de couteau fatal est rapide et se fait dès l’autopsie, les autres investigations nécessaires prennent du temps.» En effet, passé les premières constations du médecin légiste, diverses disciplines – toxicologie, génétique, imagerie médicale ou encore microbiologie – mobilisent d’autres experts pour compléter les investigations. «Or chacune de ces branches est confrontée à ses propres complexités, explique la spécialiste. Si l’analyse de sang révèle par exemple de grandes quantités d’alcool, cela ne veut pas dire qu’on a identifié la cause du décès. Un organisme accoutumé à des substances toxiques développe une résistance vis-à-vis d’elles. Les analyses toxicologiques devront donc se poursuivre sur les urines et les cheveux pour comprendre la chronologie de la prise d’alcool, si cela est avéré, le jour du décès, mais également le degré d’exposition sur les derniers mois écoulés. L’ensemble des investigations peut ainsi prendre des semaines, voire des mois.»
Consulter donc, car cette maladie du cœur qui touche une personne sur 2500, plus fréquemment les hommes que les femmes, et généralement entre 20 et 60 ans, se stabilise. «Parler de guérison est délicat, reconnaît le chirurgien cardiaque, car la cardiomyopathie dilatée est liée à un relâchement anormal du muscle cardiaque. En s’affaissant, les parois musculaires laissent davantage de volume à l’intérieur des cavités cardiaques, le sang s’accumule plus qu’il ne devrait et ces mêmes parois musculaires, affaiblies, peinent à assurer leur rôle de pompe pour expulser le sang vers les organes. Or cette structure relâchée est très difficile à rétablir.»
La palette de traitements est vaste, à commencer par des médicaments spécifiques pour optimiser le fonctionnement du cœur et l’oxygénation du sang. Si cela ne suffit pas, des dispositifs internes sont envisagés en fonction des défaillances constatées: électrodes pour resynchroniser les automatismes entre oreillettes et ventricules cardiaques, pacemaker pour garantir des battements réguliers, ou encore défibrillateur pour pallier les épisodes de fibrillations.
Pathologie complexe
La prise en charge de la cardiomyopathie dilatée est complexe et mobilise souvent toute une équipe de spécialistes. «Le rôle du patient est aussi crucial, précise le Pr Huber. Si la pathologie peut être d’origine inconnue, virale, génétique, elle est aussi directement liée à l’hygiène de vie et causée par des excès, l’alcool faisant partie des substances les plus délétères pour le cœur.»
Pour le cœur… et pour le foie. «Le principal dénominateur commun à la cardiomyopathie dilatée et à la stéatose hépatique est la consommation excessive d’alcool, confirme le Pr Laurent Spahr, médecin responsable de l’Unité d’hépatologie des HUG. Toutefois, au seul stade de la stéatose hépatique, où il ne s’agit que d’une accumulation de gouttelettes de graisse dans le foie, sans symptôme perceptible, le phénomène est réversible. L’arrêt de l’alcool se traduit par une régression des lésions en quatre à six semaines. À l’inverse, si rien n’est fait, le danger s’inscrit sur le long terme puisque la stéatose hépatique peut évoluer vers une fibrose, voire une cirrhose, dans un délai de cinq à quinze ans.»
À noter que la seconde cause de stéatose hépatique est le syndrome métabolique, autrement dit un déséquilibre de l’organisme en proie au diabète, à l’obésité, à l’hypertension artérielle, à un excès de mauvais cholestérol (LDL) ou une diminution du bon cholestérol (HDL).
Et le Pr Spahr de conclure: «Le meilleur remède à la stéatose hépatique est l’arrêt de l’alcool, l’activité physique et la perte de poids en cas d’obésité. C’est trivial, mais se révèle généralement extrêmement efficace.»
Ces grands sportifs au cœur trop musclé
Un footballeur qui s’écroule sur le terrain, un marathonien terrassé sur la ligne d’arrivée: les faits sont souvent aussi spectaculaires que déroutants. Car le plus souvent, c’est bien ce cœur surentraîné qui cède à la pression de l’effort. En cause: un muscle cardiaque littéralement trop musclé, opprimant l’intérieur des cavités du cœur, en particulier du ventricule gauche, chargé de redistribuer à l’organisme le sang «frais et oxygéné» en provenance des poumons. On parle de cardiomyopathie hypertrophique. Sollicité pour assurer une performance extrême, ce cœur secrètement comprimé atteint alors ses limites, l’insuffisance cardiaque est brutale et la mort subite quasi inéluctable. Le plus souvent, cette tendance du cœur à trop se muscler est d’origine génétique. La procédure recommandée pour tout sportif de haut niveau: «Électrocardiogrammes réguliers et vigilance extrême en cas d’accident cardiaque survenu dans la famille», résume le Pr Christoph Huber, responsable du Service chirurgie cardio-vasculaire aux Hôpitaux universitaires de Genève.
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Référence:
Paru dans Le Matin Dimanche, numéro du 2 avril 2017
Santé vasculaire des femmes: il n’y a pas que l’infarctus
Insuffisance cardiaque
Quand le cœur a de la peine à se remplir ou à expulser le sang, il n'arrive plus à assurer un débit sanguin suffisant. On parle d'insuffisance cardiaque.
Insuffisance veineuse chronique
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Hypotension
L’hypotension est une pression artérielle plus basse que la normale. Les personnes réagissent très différemment à une tension basse : les unes en souffriront quotidiennement alors que d’autres ne remarqueront rien.