Dégradation des fonctions intellectuelles avec l'âge: gare à l'hypertension
On sait depuis longtemps que nos fonctions cognitives se dégradent plus ou moins rapidement avec l'âge, et que notre capacité à traiter les informations ou à les mémoriser, voire tout simplement à raisonner ou à communiquer, perd peu à peu de son acuité avec le temps. La pression artérielle y serait-elle pour quelque chose? Et surtout gagnerait-on à la faire baisser quelques dizaines d'années plus tôt?
Si le sujet a longtemps fait l'objet d'une controverse animée, les dernières études médicales permettent d'apporter aujourd'hui quelques éléments de réponse. Conclusions qui demeurent toutefois encore très nuancées, en raison à la fois de la difficulté du sujet et du fait que les études cliniques qui lui sont consacrées démarrent souvent trop tard, à un stade où certaines lésions cérébrales sont devenues irréversibles.
Or la question n'est pas gratuite, quand on pense aux dommages croissants, en termes économiques, de qualité de vie, ou encore relationnels, que provoquent les diverses démences de notre population vieillissante.
Ce qui semble désormais acquis, c'est le fait que le niveau de la pression artérielle d'un individu d'âge moyen permette de prévoir ce que seront beaucoup plus tard ses fonctions intellectuelles. Et que plus sa tension est élevée plus ses fonctions cognitives risquent d'être affectées. Les spécialistes expliquent cette relation par les altérations structurelles que l'hypertension provoquerait au niveau du cerveau – notamment en raison de micro-infarctus souvent silencieux– ainsi que par les séquelles des accidents vasculaires cérébraux (AVC), dont on sait qu'ils sont favorisés par une pression artérielle anormalement élevée.
Au moins 12 ans de traitement antihypertenseur
Cet effet délétère de l'hypertension sur les fonctions intellectuelles futures constitue donc un argument supplémentaire en faveur d'une stricte maîtrise de la pression artérielle aussi tôt que possible.
Des chercheurs de l'Institut national américain pour le vieillissement ont en effet estimé, après avoir suivi plus de 3700 individus d'âge moyen, que plus le traitement antihypertenseur avait débuté tôt moins la baisse des fonctions cognitives était importante. Ainsi, alors qu'un traitement de moins de 5 ans n'apportait qu'un bénéfice marginal, un traitement de 12 ans ou plus permettait de réduire le risque d'une démence sénile de 60%, toutes choses égales par ailleurs, et de revenir quasiment au risque d'apparition d'une démence chez un individu ayant eu une pression artérielle normale.
De son côté, une vaste étude clinique suédoise ayant suivi des septuagénaires durant 15 ans a montré quant à elle que les individus qui avaient développé une démence entre 79 ans et 85 ans avaient eu, à l'âge de 70 ans, une pression artérielle plus élevée que ceux qui avaient été épargnés plus tard par la maladie.
Trop tard pour les personnes âgées
Ce qui vaut pour des individus d'âge moyen, ou les sexa- et septagénaires, n'est toutefois pas forcément vrai pour les personnes de plus de 80 ans. Il semble en effet, de façon à première vue paradoxale, que le fait d'abaisser la pression artérielle d'une personne âgée pourrait l'exposer au contraire à un risque accru de voir se dégrader ses fonctions intellectuelles.
Les nombreux essais cliniques contrôlés entrepris chez des malades âgés donnent en tout cas des résultats contradictoires, en raison semble-t-il de l'interférence entre les antihypertenseurs et les autres traitements dont ils bénéficient, ainsi que des autres pathologies dont ils souffrent, fréquentes à un âge avancé. Il se pourrait aussi que les antihypertenseurs réduisent exagérément la pression diastolique (celle qui, dans la mesure de la pression, correspond au chiffre le plus bas), elle qui est déjà naturellement abaissée avec l'âge. Il pourrait s'ensuivre une réduction excessive de la microcirculation cérébrale, favorisant une dégradation des fonctions cognitives.
En conclusion, le meilleur moyen de prévenir aujourd'hui de futurs troubles cognitifs réside dans un contrôle très attentif de la pression artérielle et dans son traitement précoce si elle est anormalement élevée, conjointement aux mesures habituelles d'hygiène de vie. Il n'est pas sûr en revanche qu'un traitement antihypertenseur chez le sujet âgé, outre son influence bénéfique sur les facteurs de risques cardiologiques ou rénaux, puisse avoir un impact notable sur ses fonctions intellectuelles.
Références
1) Adapté de "Hypertension, Effets du traitement antihypertenseur sur les fonctions cognitives", Prs. Bernard Waeber et François Feihl, CHUV et Université de Lausanne, in Revue médicale suisse 2013;9:108-11, en collaboration avec les auteurs.
2) ASH Position Paper, "Blood pressure and treatment of persons with hypertension as it relates to cognitive outcomes including executive function", Philip B. Gorelick et David Nyenhuis, in Journal of the American Society of Hypertension, 6(5) (2012) 309-315.
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On parle d'hypertension artérielle lorsque la pression systolique est supérieure à 140 millimètres de mercure (mmHg) et/ou lorsque la pression diastolique est supérieure à 90 mmHg.