C’est (vraiment) pour demain, le médicament «tout-en-un»?

Dernière mise à jour 02/08/12 | Article
Une boite avec des médicaments
Une étude anglaise démontre (une nouvelle fois) qu’une combinaison de principes actifs permettrait de traiter les anomalies du cholestérol et l’hypertension artérielle. Pourquoi cette «polypilule» ne voit-elle pas le jour? Parce qu’elle réduirait la part des bénéfices des géants de l’industrie pharmaceutiques? La vérité est sans doute un peu plus compliquée.

La voie avait été ouverte par les vitamines. Puis, elle avait avec plus ou moins de succès été explorée dans différents domaines, comme ceux des antirétroviraux ou des antalgiques. Pourquoi ne pas simplifier la vie des malades en réduisant le nombre des médicaments qu’ils doivent prendre quotidiennement et sur de longues périodes? La question se pose avec une acuité toute particulière dans le champ de la cardiologie ou, plus précisément, dans la partie de cette discipline qui cherche à réduire au mieux les risques de souffrir d’une pathologie cardiovasculaire.

Un médicament "tout-en-un"

On parle ainsi depuis des années de «polypilules», médicaments à prétention universelle contenant différents principes actifs réunis et ayant pour effet de réduire les anomalies sanguines du cholestérol ainsi que les chiffres de la pression artérielle chez les personnes hypertendues. Soit un marché assez considérable. Une étude anglaise qui vient d’être publiée sur le site de PLoS ONE vient confirmer qu’il ne s’agit pas d’un objectif chimérique. Elle conclut (à nouveau, diront les spécialistes) que ce médicament «tout-en-un» pourrait réduire de façon significative le risque de développer une maladie cardiovasculaire; et ce, chez des personnes de plus de 50 ans. Elle permettrait de sauver chaque année des centaines de milliers de vies. En théorie. En pratique, il ne reste plus qu’à démontrer son rapport bénéfice-risque en cas de prescription massive.

L’étude a été menée par un groupe de chercheurs du Wolfson Institute, de la London School of Medicine and Dentistry et de la Queen Mary University of London. Elle a porté sur un tout petit échantillon de 84 personnes et la rigueur impose de préciser que, comme le fait le site www.santelog.com, l’un de ses auteurs est directement intéressé au développement de ce produit via un brevet européen et canadien.

Il s’agit ici d’un essai randomisé, contrôlé contre placebo, étudiant l'effet de cette «polypilule» sur la pression artérielle et les niveaux de lipoprotéines de basse densité (LDL, le célèbre «mauvais» cholestérol) chez des personnes âgées de plus de cinquante ans vivant à Londres, qui prenaient une statine et des hypotenseurs dans le cadre d'un programme de prévention des maladies cardiovasculaires. Ces personnes ne présentaient pas d'antécédents de maladie cardiovasculaire et n’avaient été recrutés que sur le critère de l'âge. Les participants ont été tirés au sort.

Un groupe a alors reçu soit un placebo, soit une association d’amlodipine, de losartan, d'hydrochlorothiazide et de simvastatine. Après une période de trois mois, les participants ont changé de groupe pour une période de même durée. A la fin de chaque phase, les chercheurs ont mesuré la pression systolique et diastolique, ainsi que le cholestérol LDL. Ils ont ensuite évalué, pour chaque participant, la différence moyenne entre la pression artérielle et le cholestérol à la fin du traitement par placebo et du traitement par cette «polypilule». Il apparaît ainsi que cette dernière permet d’obtenir une réduction moyenne de la pression artérielle systolique de 17.9 mm Hg (soit une réduction de 12% par rapport aux chiffres observés sous placebo); une réduction moyenne de la pression artérielle diastolique de 9.8 mmHg (réduction de 11%); une réduction moyenne du LDL-cholestérol de 1,4 mmol / l (réduction de 39%).  

Des effets secondaires peu connus

Ces réductions sont en adéquation avec les résultats obtenus avec chacun des médicaments inclus dans la «polypilule». Ceci n’empêche pas les auteurs d’extrapoler. Selon eux, si les réductions observées étaient maintenues sur une longue période de temps, l'utilisation de cette association pourrait permettre d’obtenir une réduction de 72% des crises cardiaques ischémiques et une réduction de 64% des accidents vasculaires cérébraux. Il s’agit là, selon eux, d’un «potentiel considérable pour la prévention des maladies cardio-vasculaires». Reste une question: l'innocuité et les effets secondaires de ces médicaments sont déjà connus lorsqu’ils sont prescrits séparément. En ira-t-il toujours de même si on les associe et si leur consommation s’installe dans la durée? Qu’en serait-il du rapport bénéfice-risque si cette prescription préventive concernait toutes les personnes en bonne santé âgées de plus de 50 ans? Seriez-vous personnellement disposés à prendre un tel médicament sans jamais avoir fait l’expérience de la maladie contre laquelle il protège?

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