Une valve cardiaque sans ouvrir
Depuis la fin des années 70, la cardiologie interventionnelle prend une place toujours grandissante pour traiter un large éventail de pathologies cardiovasculaires (lire encadré). En particulier, elle peut désormais intervenir dans un domaine que l’on pensait être réservé aux opérations à coeur ouvert: le remplacement d’une valve cardiaque. Bien sûr, pas n’importe quelle valve et pas n’importe quel patient.
«Le remplacement valvulaire aortique percutané (au moyen d’un cathéter) concerne pour le moment aux HUG des personnes jugées inopérables sur la base de leur âge (plus de 80 ans) et parce qu’elles souffrent d’autres maladies graves. C’est également une alternative acceptable pour des patients opérables avec un risque chirurgical élevé», relève le Pr Marco Roffi, médecin adjoint agrégé au service de cardiologie, responsable de l’unité de cardiologie interventionnelle. Appelée sténose aortique, le rétrécissement de la valve cardiaque aortique est la pathologie valvulaire la plus fréquente dans les pays développés où elle touche environ 5% des plus de 75 ans.
Ballon et valve biologique
Concrètement, il s’agit d’une intervention effectuée sous anesthésie locale. Un cathéter, introduit par l’artère fémorale au niveau de l’aine, remonte jusqu’au ventricule gauche où se situe la valve rétrécie. Là, un ballonnet est gonflé afin de l’écraser. «Pour ce faire, on place le patient durant quelques secondes en arrêt cardiaque avec un pacemaker qui stimule le cœur à grande vitesse et ainsi le ‹paralyse›. Ensuite, on ouvre un treillis métallique (stent), qui se trouve au bout du cathéter et qui contient la nouvelle valve d’origine biologique. Celle-ci prend alors la place et la fonction de celle d’origine», détaille le Pr Roffi. Pour s’assurer du bon positionnement, le cardiologue agit sous contrôle radioscopique. La procédure dure environ deux heures. Quel bénéfice? On constate une réduction importante de la mortalité à un an vis-à-vis du traitement par médicaments chez les patients inopérables pour la chirurgie.
Si la première implantation de valve aortique percutanée a été effectuée en 2002, à Rouen, quelque 18 000 ont eu lieu depuis lors dans plus de trente pays, dont douze centres en Suisse. Quant aux HUG, ils la pratiquent depuis 2008 (première en Suisse romande) et en ont effectué depuis quelque 70 avec de très bons résultats. «Nous espérons que les conclusions des études randomisées en cours confirment les attentes afin d’offrir cette thérapie également aux patients qui ne sont pas à haut risque chirurgical. A terme, les indications à la forme percutanée vont probablement s’étendre à un plus large public», conclut le Pr Roffi.
Une large activité
La cardiologie interventionnelle remonte à 1977 avec la première dilatation au ballonnet des coronaires effectuée à Zurich. Appelés vulgairement les plombiers de la cardiologie (les rythmologues en sont les électriciens), les cardiologues interventionnels ont trois champs d’activités principaux.
Le premier concerne le diagnostic et le traitement de la maladie coronarienne avec notamment la coronarographie – technique d’imagerie médicale consistant à visualiser des artères coronaires grâce à des rayons X et à un produit de contraste – et la pose de stent, sorte de petit treillis métallique. Le second touche aux maladies structurelles telles que le remplacement valvulaire percutané par cathéter (lire ci-dessus), la fermeture du foramen ovale perméable ou de l’appendice auriculaire. Enfin, l’unité de cardiologie interventionnelle des HUG a une expertise dans le traitement par cathéter des vaisseaux périphériques (carotides, membres inférieurs), en collaboration avec les services d’angiologie et de radiologie.
Pulsations - juillet-août 2012
Article original: http://bookapp.fr/api/hug/viewer/viewer.php?mag=HUGE_127#13