Jeûner pendant la chimiothérapie: les avantages à l’étude
Sous l’effet de conseils de proches et d’informations diffusées par les médias, nombreux sont les patients avec un cancer qui décident de jeûner durant la chimiothérapie afin d’atténuer les effets secondaires du traitement. Ils le font même souvent en cachette de leurs médecins, qui manquent actuellement de recommandations claires et standardisées sur le sujet.
L’ampleur de ce phénomène exige pourtant une réelle considération de la nutrition liée au traitement oncologique, et ce d’autant plus que la chimiothérapie –avec l’hormonothérapie et l’immunothérapie– est le seul traitement systémique permettant de guérir le cancer.
Quelques données précliniques
Il existe peu de littérature scientifique sur le sujet, mais on dispose tout de même de quelques données précliniques. Une première étude effectuée en 2008 avait montré que les souris privées d’alimentation 48h avant l’administration d’étoposide (molécule utilisée dans le traitement oncologique) présentaient une meilleure survie que celles qui étaient nourries normalement. Encouragés par ces résultats, des médecins réalisèrent la même expérience en 2009 avec dix patients souffrant de différents cancers. Tous ont jeûné durant les cycles de chimiothérapie, environ six jours avant jusqu’à deux jours après le traitement. Il s’est avéré, comme chez les souris, que les effets secondaires habituels de la chimiothérapie (fatigue, toxicité gastro-intestinale) diminuaient, sans qu’un effet négatif ne soit à signaler.
Une réaction différenciée des cellules
Ces résultats ont donné lieu à l’hypothèse suivante: le jeûne protégerait les cellules saines des effets toxiques de la chimiothérapie, selon un phénomène de résistance différentielle au stress (DSR, differencial stress resistance). De la même façon, le jeûne rendrait les cellules tumorales plus réceptives à la chimiothérapie, selon un phénomène de sensibilisation différentielle au stress (DSS, differencial stress sensitization). Ces deux phénomènes sont dus à des fluctuations d’hormones et des mécanismes intracellulaires complexes, et varient en fonction du type de cancer.
Confrontées aux conditions physiologiques extrêmes du jeûne, les cellules saines sont plus à même d’adapter leur fonctionnement: elles changent de comportement pour se protéger du jeûne et, ce faisant, se protègent incidemment de la toxicité de la chimiothérapie. Les cellules cancéreuses, elles, ont beaucoup plus de mal à s’adapter à la privation de nourriture: elles sont donc plus sensibles aux effets de la chimiothérapie. Le jeûne rendrait donc la chimiothérapie plus sûre et plus efficace pour les patients.
Etudier l’intervention nutritionnelle
Ce métabolisme altéré des cellules est une piste très intéressante dans la recherche des thérapies anticancéreuses. Il suggère en effet que l’alimentation peut être un moyen thérapeutique à part entière, qui doit être étudié en tant que tel. La recherche oncologique gagnerait donc à étudier le cancer dans l’état spécifique du jeûne.
Afin de vérifier ces différentes hypothèses, plusieurs études cliniques sont en cours. Celles-ci étudient les liens entre jeûne et chimiothérapie en analysant notamment la faisabilité et la sûreté du jeûne et les mécanismes impliqués dans le DSR et le DSS. La récolte des données de ces études est prévue pour la fin de l’année 2017 et devrait fournir, à terme, des recommandations concrètes que les médecins pourront adresser à leurs patients.
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Adapté de «Le jeûne concomitant à la chimiothérapie: quelles réponses donner à nos patients?», Dr Mauro Frigeri, Service d’oncologie médicale, Département d’oncologie, CHUV, Lausanne. In Revue Médicale Suisse 2015;11:2404-5, en collaboration avec les auteurs.