L’immunothérapie fait des miracles contre le mélanome
Les faits
Depuis une dizaine d’années, le traitement des formes les plus sévères de mélanome a connu plusieurs révolutions. Des thérapies ciblant la tumeur selon ses caractéristiques et d’autres boostant le système immunitaire ont permis de stabiliser plus longtemps la maladie chez un nombre croissant de patients.
La suite
D’autres thérapies, en cours d’essais cliniques, visent à transformer certaines armes du système immunitaire en véritables bombes lancées contre les cellules cancéreuses.
Malgré la multiplication des campagnes de prévention qui mettent en garde contre une surexposition aux rayons UV –le principal facteur de risque–, le mélanome est en constante progression en Suisse. On estime qu’une personne sur cinq développera ce cancer de la peau au cours de sa vie. Fort heureusement, la grande majorité est diagnostiquée à un stade précoce et peut être guérie grâce à la chirurgie. Mais quand le cancer forme des métastases, il devient beaucoup plus difficile à traiter. Pendant longtemps, on a fait appel à la chirurgie –qui reste d’actualité– et à la chimiothérapie, actuellement utilisée «dans un nombre de plus en plus faible de cas», précise le Pr Olivier Michielin, chef de l’oncologie personnalisée analytique au département d’oncologie et chef de la clinique du mélanome du CHUV. Avant les thérapies qui ont vu le jour ces dernières années, le taux de survie à cinq ans n’était que de 10 à 15%. On ne peut pas encore chiffrer les résultats de ces traitements récents, mais on constate néanmoins qu’ils sont bien plus efficaces.
Cibler la tumeur
L’une de ces grandes avancées est l’élaboration de thérapies «ciblées», qui s’attaquent spécifiquement à la tumeur en prenant pour cible une ou plusieurs de ses mutations. Dans le cas du mélanome métastatique, l’une des cibles visées est une enzyme (tyrosinekinase) nommée B-RAF qui, quand elle est anormale, incite les cellules à se diviser et à proliférer, donc à devenir cancéreuses. Les traitements visent donc à bloquer l’action de cette enzyme mutée à l’aide de médicaments nommés «inhibiteurs de la tyrosinekinase». On peut aussi intervenir en aval de la cascade de signaux qui conduit à la division de la cellule, et notamment au niveau d’un nœud de communication appelé MEK.
Seules 50% des personnes atteintes d’un mélanome avancé portent un B-RAF muté et sont donc concernées par ce traitement. Chez 70% d’entre elles, la combinaison de médicaments anti-B-RAF et anti-MEK «donne une réponse qui peut être spectaculaire et rapide. Certains patients dans un état critique ont vu leur santé s’améliorer au bout de deux ou trois jours seulement», constate Olivier Michielin. Ces traitements ciblés, maintenant disponibles en Suisse, ont toutefois un inconvénient. Au bout d’un an –trois dans les meilleurs cas– ils cessent d’être efficaces. «C’est pourquoi on ne les utilise de préférence qu’en cas d’échec de l’immunothérapie.»
Débloquer les freins du système immunitaire
L’immunothérapie est en effet l’une des voies les plus prometteuses dans la lutte anticancéreuse et a déjà donné des résultats impressionnants, notamment contre le mélanome avancé. Le système immunitaire est en effet capable de reconnaître et de tuer non seulement les cellules infectées par des agents pathogènes, mais aussi celles qui sont anormales, comme les cellules cancéreuses. Bien souvent toutefois, il n’y parvient pas, car certaines de ses armes clés, les lymphocytes T (un type de globules blancs), possèdent des freins qui entravent leur action de «tueurs de cancer». Ce sont ces freins (des récepteurs à la surface des lymphocytes T) que l’immunothérapie vise à desserrer.
Les médecins se sont d’abord attaqués à l’un d’eux, le CTLA4, «en collant dessus un anticorps monoclonal», comme le dit de manière imagée l’oncologue, ce qui a permis de neutraliser ce frein et de redonner toute leur puissance aux lymphocytes. La mise sur le marché en 2010 d’un anticorps de ce type, l’iplimumab, a constitué selon le Pr Michielin «la première révolution dans le traitement du mélanome avancé. Pour la première fois, on montrait qu’une immunothérapie augmentait significativement la survie des malades. 20% d’entre eux voient en effet leur cancer stabilisé pendant cinq à dix ans.»
La révolution suivante a consisté à débloquer, toujours à l’aide d’anticorps monoclonaux (le nivolumab et le pembrolizumab), un autre frein du lymphocyte, le récepteurPD1, que la tumeur utilise pour se défendre contre les cellules immunitaires. «Les résultats sont incroyables, constate l’oncologue: de 35 à 40% des patients voient leur état s’améliorer. En outre, lorsqu’on cesse d’administrer cette thérapie à ceux qui ont une réponse complète, 97% d’entre eux n’ont aucune récidive dans l’année qui suit.»
Un pas de plus a ensuite été franchi avec l’association d’anti-CTLA4 et d’anti-PD1, qui est efficace chez 55% des patients.
Ces thérapies s’accompagnent toutefois d’effets secondaires. De même qu’un véhicule dont on a débloqué les freins devient vite incontrôlable, les lymphocytes, une fois libérés de leurs entraves, ont tendance à s’attaquer à l’organisme et à provoquer des maladies auto-immunes. C’est malheureusement le prix à payer pour obtenir la rémission sur de longues durées d’un nombre toujours plus grand de patients.
Toutefois, la lutte anticancéreuse n’a pas dit son dernier mot. Les médecins fourbissent une nouvelle arme, la thérapie cellulaire (lire encadré). En attendant la prochaine révolution qui permettra d’offrir aux patients des traitements personnalisés.
Les espoirs des médecins reposent sur la thérapie cellulaire, prometteuse mais onéreuse
Tout faire pour aider le système immunitaire à se débarrasser des cellules cancéreuses: tel est désormais le credo des oncologues. Après avoir élaboré divers types d’immunothérapie aujourd’hui couramment utilisés en clinique, ils ont élaboré une autre méthode pour lutter contre certains cancers, notamment contre le mélanome avancé. Celle-ci consiste à «doper» les cellules tueuses de cellules tumorales que sont les lymphocytes T, afin d’en faire de véritables «bombes». C’est la thérapie cellulaire.
Concrètement, explique Olivier Michielin, oncologue au CHUV, «on prélève dans la tumeur du patient des lymphocytes T. S’ils se trouvent là, c’est en effet déjà le signe qu’ils ont été capables de détecter les cellules cancéreuses. Ensuite, on stimule ces globules blancs au laboratoire en utilisant un cocktail adéquat et on les cultive pour en obtenir plusieurs dizaines de milliards que l’on réinjecte dans l’organisme du patient.»
Bien que cette technique soit encore expérimentale, les essais cliniques menés jusqu’ici montrent que la moitié des patients y répondent favorablement.
La thérapie cellulaire n’est toutefois pas à la portée de tous les établissements de soin, car elle nécessite de très lourdes infrastructures. «Grâce à l’investissement exemplaire du canton», tient à souligner Olivier Michielin, le CHUV dispose des équipements et des compétences nécessaires et il est même devenu un pionnier en la matière, en Suisse et au-delà. Il va d’ailleurs lancer une première phase d’essais cliniques, au printemps prochain, au cours de laquelle une quinzaine de patients seront traités à l’aide d’une combinaison de lymphocytes T boostés et de médicaments anti-PD1 (voir article principal).
Le département d’oncologie du CHUV compte aussi apporter des améliorations techniques au procédé et surtout, car le point est crucial, trouver le moyen d’identifier les patients qui sont susceptibles de bénéficier de ces thérapies cellulaires.
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Référence:
Paru dans Le Matin Dimanche, numéro du 1er janvier 2017
Lʹinfection sévère au COVID-19 et son impact inattendu sur le cancer
Cancer du pancréas
Chaque année en Suisse, 1100 personnes développent un cancer du pancréas (carcinome pancréatique), ce qui correspond à environ 3% de toutes les maladies cancéreuses.
Mélanome
Le mélanome est un cancer de la peau. Il se développe à partir de grains de beauté qui changent d'aspect (forme, couleur, taille, épaisseur, etc.) ou en l’absence de lésion pré-existante.