Face au cancer, le mariage présente de sérieux avantages
Si le mariage n’est pas une panacée, la solitude n’est souvent pas un bienfait. On savait que la vie en collectivité (les liens sociaux) pouvait avoir un impact favorable sur la longévité (ou contre la mortalité prématurée). Aujourd’hui les résultats d’une vaste étude américaine apportent la démonstration que la vie à deux joue un rôle sur l’espérance de vie lorsque l’une des deux personnes est atteinte d’une affection cancéreuse. Ce travail vient d’être publié dans le Journal of Clinical Oncology1.
L’étude2 a porté sur l’analyse des données de près de 735 000 patients atteints d’un cancer sur la période 2004-2008. Ce travail a réuni des chercheurs de nombreuses institutions (le Beth Israel Deaconess Medical Center, le Dana-Farber/Brigham and Women's Cancer Center, le Anderson Cancer Center de Houston ainsi que les Universités du Connecticut, du Texas et de Californie). Les chercheurs ont utilisé des registres qui permettent d’établir l’incidence des cancers mais aussi les traitements délivrés et les données de survie. Dénommée SEER (Surveillance, Epidemiology and End Results program) cette base de données constitue un outil précieux d’évaluation des thérapeutiques dispensées.
Les données sur les dix cancers les plus fréquemment retrouvés comme cause de mortalité prématurée ont été analysées: cancers pulmonaire, colorectal, du sein, du pancréas, du foie, des voies biliaires ainsi que les «lymphomes non hodgkiniens», les tumeurs de la sphère ORL, les cancers de l’ovaire et de l’œsophage.
Les analyses effectuées ont notamment intégré le statut marital: patients mariés, patients célibataires, veufs ou divorcés. Première observation: les patients mariés avaient en moyenne tendance à être plus jeunes que les autres (de deux ans et demi en moyenne). Il s’agissait plus fréquemment d’hommes blancs vivant en milieu rural et de statut socio-économique un peu plus élevé que les non-mariés.
Pour les cancers pris dans leur globalité, les personnes mariées avaient (au moment du diagnostic) un stade moins avancé de la maladie que les non-mariés. Elles avaient aussi un risque de mourir de leur cancer inférieur de 20 % à celui des personnes non-mariées et un risque réduit de 17% de propagation de leur cancer (à un stade métastatique). Elles avaient également une chance augmentée de 53% de recevoir un traitement adapté par rapport aux patients célibataires ou veufs.
Ces caractéristiques demeuraient lorsque les chercheurs ont analysé les données cancer par cancer, mais de plus un autre élément est apparu: pour cinq des cancers étudiés (ceux de la prostate, du sein, de l’œsophage, de la sphère ORL et le cancer colorectal), la survie qui peut être statistiquement attribuée au mariage dépasse celle habituellement attribuée aux effets des traitements par la chimiothérapie.
Pourquoi? Différentes hypothèses peuvent être avancées. La présence de l’autre membre du couple peut être perçue comme un encouragement certain à consulter un médecin en cas de manifestations symptomatiques a priori inquiétantes.
L’épouse et la mère
«On sait le rôle prescripteur de l’épouse et de la mère dans de nombreuses situations sanitaires, déclare sur son blog le Dr Jean-Daniel Flaysakier, journaliste chargé des questions de santé à France Télévisions. Cet encouragement à aller consulter peut, en partie, expliquer que les sujets mariés soient diagnostiqués à un stade moins avancé de la maladie que leur contrepartie solitaire. Cela implique évidemment des traitements plus souvent définitifs, d’autant que là encore, le fait de vivre la maladie à deux réduit le risque de décrocher, voire d’abandonner le traitement. Ce rôle de support affectif et de support social a déjà bien été démontré dans les pathologies tumorales. Les patients ont moins de signes de dépression, manifestent moins de détresse, sont plus enclins à recourir aux soins de support pour gérer leurs douleurs ou leur alimentation.»
L’utilité de la solidarité
Cette étude montre aussi que pour les personnes souffrant de cancer et vivant seules, il serait sans doute très important de renforcer le lien social afin d’améliorer leurs chances de guérison et de survie. Ainsi le développement des soins de support et la prise en charge psychologique et sociale peuvent être des armes efficaces dans la lutte contre la maladie, peut-être autant que la chimiothérapie.
Les auteurs voient dans leur travail un message pouvant être transmis à celles et ceux qui ont un ami ou un proche atteint de cancer. Accompagner un proche souffrant de la maladie, inciter les personnes atteintes à rechercher et à accepter le soutien des amis et de la famille sont autant de conseils essentiels. Sans oublier que celui qui accompagne au quotidien –le «patient caché»– peut être en proie à différents troubles, à commencer par l’anxiété. D’où l’utilité de la solidarité dans cette adversité que constitue la maladie cancéreuse.
1. Un résumé (en anglais) de cette étude est disponible ici.
2. Cette étude a été menée sous la direction du Dr Ayal Aizer (département de radio-oncologie de Harvard Medical School) et le Dr Paul L. Nguyen (Dana-Farber/Brigham and Women's Cancer Center).