Cancer: «Il existe des remèdes à la sécheresse vaginale»
En deux mots
- La sécheresse vaginale est une conséquence de la ménopause qui, elle, peut être naturelle ou provoquée par le traitement anticancéreux.
- La ménopause entraîne une chute du taux d’œstrogènes. En temps normal, cette hormone sexuelle agit sur les cellules des muqueuses et assure une bonne lubrification.
- Plusieurs traitements permettent de remédier à la sécheresse vaginale à plus ou moins long terme, mais aucun n’est définitif.
- Les traitements à base d’œstrogènes sont à proscrire, cette hormone risquant de provoquer une récidive du cancer.
De nombreuses patientes traitées contre le cancer du sein souffrent de sécheresse vaginale. Quelle en est la cause?
Anne-Thérèse Vlastos: La sécheresse des muqueuses est un des symptômes de la ménopause. Celle-ci, caractérisée par l’arrêt de la fonction ovariennne, apparaît de manière naturelle à l’âge moyen de 52 ans. Mais elle peut également survenir brutalement chez les patientes atteintes d’un cancer du sein alors qu’elles ne sont pas encore ménopausées (elles représentent 20% des cas de cancer du sein).
Comment cela?
L’annonce de la maladie provoque un coup émotionnel qui peut suffire à faire diminuer la fonction des ovaires. Mais c’est surtout le traitement du cancer qui entraîne la ménopause prématurée. Les ovaires sont en effet définitivement mis à l’arrêt si l’on doit recourir à la chimiothérapie ou à l’ablation de ces organes qui sont le siège de la production des hormones sexuelles et des ovocytes. La patiente se retrouve alors du jour au lendemain en ménopause alors que cette transition dure normalement des mois, voire des années et qu’on peut l’accompagner en douceur.
Quel est le lien entre la ménopause et la sécheresse vaginale?
Les femmes ménopausées, que la cause soit naturelle ou pas, ne produisent plus assez d’hormones, en particulier les œstrogènes. Ces derniers sont un fertilisant extraordinaire. Ils favorisent notamment la fabrication par les cellules de glycogène. Cette forme complexe de glucose donne aux tissus du volume, de la douceur et de la souplesse. Dans le vagin, une concentration élevée de glycogène va de pair avec une flore microbienne de qualité ainsi que des sécrétions qui assurent une bonne lubrification. Lorsque les œstrogènes viennent à manquer, la production de glycogène diminue. Les cellules qui tapissent l’intérieur du vagin s’aplatissent et perdent leur élasticité. La flore microbienne s’appauvrit et les sécrétions se tarissent. La vulve et le vagin s’assèchent et s’atrophient.
Le traitement contre le cancer provoque-t-il une chute d’œstrogènes plus importante que la ménopause naturelle?
Lors de la ménopause naturelle ou induite, il reste toujours un taux d’œstrogènes «résiduel» dans le corps. Même si les ovaires cessent de fonctionner, les cellules graisseuses produisent également une forme d’œstrogènes. Les antihormones, administrées pendant plusieurs années, cherchent à les supprimer le plus possible.
Que ressentent les femmes souffrant de sécheresse vaginale?
Une sécheresse des muqueuses du vagin et de la vulve peut provoquer des douleurs dès que l’on croise les jambes. Des activités telles que la marche, le sport ou encore l’équitation deviennent alors impossibles. À la piscine, le risque d’infection mycotique augmente. Dès qu’il fait chaud, on ressent des brûlures. Les problèmes urinaires se multiplient (infections chroniques, douleurs à la miction, incontinence). Le plaisir sexuel en pâtit aussi. L’espace entre les cellules nerveuses est rempli par des substances telles que l’acide hyaluronique. Si ces dernières s’atrophient, les nerfs se touchent et, même en présence de lubrifiant artificiel, l’organe du plaisir ne fonctionne plus correctement.
Peut-on administrer des œstrogènes aux patientes?
Le problème, c’est que les œstrogènes sont un fertilisant pour toutes les cellules, y compris tumorales, du moins celles qui ont à leur surface des récepteurs spécifiques, ce qui est souvent le cas avec le cancer du sein. Dès lors, donner cette hormone aux patientes, c’est leur faire courir un risque important de récidive. La suppression hormonale est un résultat recherché par le traitement contre ce cancer car elle est associée à un meilleur taux de survie.
Quelles autres solutions proposez-vous?
Pour obtenir une renaissance du tissu vulvo-vaginal, on peut faire appel à des crèmes hydratantes, à des lubrifiants ou encore à des produits à base d’acide hyaluronique que l’on injecte dans les tissus du vagin. Cette molécule, utilisée pour la régénération de la peau et le comblement des rides, s’est avérée également capable d’atténuer la sécheresse vaginale. On peut aussi administrer des probiotiques pour rétablir la flore vaginale (lire encadré).
Faut-il appliquer ces traitements avant chaque relation sexuelle?
Oui. Il est important de rendre les rapports sexuels agréables afin de réveiller le désir d’en avoir d’autres. Les relations sexuelles stimulent la production d’autres hormones dans le cerveau qui procurent, entre autres, un meilleur sommeil qui, à son tour, diminue les risques de dépression. En résumé, hydrater son vagin contribue au bien-être cérébral. Mais tous ces traitements ne sont pas la panacée. Ils lubrifient mais ne permettent en aucun cas la réhydratation des cellules atrophiées de la muqueuse vaginale. Ils doivent donc être répétés à une fréquence peu acceptable sur le long terme.
N’existe-t-il pas de traitement définitif?
La sécheresse vaginale est un vieillissement des tissus. C’est comme avec les cheveux blancs. On peut les teindre mais quand on arrête la coloration, ils redeviennent blancs. Cela dit, la technique qui se rapproche le plus d’une forme de réversibilité est la réjuvénation au laser.
De quoi s’agit-il?
C’est un appareil que l’on introduit dans le vagin et qui émet un faisceau laser permettant d’enlever la première couche de cellules atrophiées. Cette opération non douloureuse envoie un signal aux cellules souches qui sont en dessous pour qu’elles régénèrent cette couche. Une nouvelle muqueuse, mieux hydratée, se met alors en place. Il faut répéter le processus trois fois, à quelques semaines d’intervalle. Et c’est terminé.
Pour toujours?
C’est ce qu’on espère. Bien sûr, après le traitement, il faut continuer à entretenir son vagin avec des crèmes et des produits destinés à enrichir la flore vaginale. Le mieux est encore la technique naturelle. Les rapports sexuels rendent en effet la muqueuse plus souple et le sperme contient des substances bénéfiques pour entretenir l’hydratation. En cas d’inactivité totale, il est possible que l’on doive réitérer l’opération au laser 3 à 5 ans plus tard.
Cette technique est-elle répandue en Suisse?
Non, beaucoup moins qu’en France ou en Italie. La population suisse est assez prude. Les femmes ne parlent pas facilement de leur vie intime. Elles consultent leur gynécologue pour les contrôles usuels (grossesses, accouchement, maladies) mais pas pour des questions ayant trait au plaisir sexuel.
Comment expliquez-vous cette attitude?
Certaines patientes ignorent qu’elles ont le droit d’exister en tant que femme après un cancer du sein. Cette maladie prend tellement de place qu’elles se contentent parfois d’être le support de sa guérison. Certaines femmes ne guérissent jamais totalement. Et puis, avec le cancer du sein, on est touché dans sa santé et dans sa féminité mais on perd parfois aussi son emploi, son statut social ou encore son conjoint. Cette histoire de vagin tout sec devient alors secondaire. C’est pourquoi il est important d’informer les femmes qu’elles peuvent y remédier. Quand on survit à cette maladie à 50 ans, il reste tout de même encore en moyenne plus de trente ans à vivre. Il faut éviter de jeter sa féminité en même temps que le cancer.
Est-il important de traiter rapidement la sécheresse vaginale?
Plus on agit vite, plus on obtient de bons résultats. Plus on attend, plus les tissus deviennent rigides et plus il devient difficile d’éviter les douleurs et l’inconfort liés à l’atrophie des tissus.
Ces traitements sont-ils remboursés par les assurances?
Non. Mais on y travaille.
Que faut-il éviter à tout prix, si l’on a recours à l’automédication?
Les œstrogènes sont à prohiber ainsi que les molécules qui leur ressemblent et qui ont un effet similaire. De manière générale, il ne faut rien prendre sans en référer au préalable à son médecin. Même avec les médecines les plus douces, il est toujours possible de créer des synergies indésirables capables de provoquer des catastrophes.
En pratique
Contre la sécheresse vaginale chez les patientes traitées contre le cancer du sein, il existe trois catégories de remèdes. Le point avec Isabelle Celardin, pharmacienne à Genève:
- Les huiles végétales apportent des propriétés régénérantes et nourrissantes qui permettent de lutter contre la sécheresse de la muqueuse vaginale. Toutefois, ces huiles contiennent parfois des substances pouvant mimer l’effet de l’œstrogène, hormone impliquée dans la croissance tumorale. Il convient donc, jusqu’à preuve scientifique du contraire, d’éviter l’huile de grenade, les huiles obtenues à partir de graines pressées (jojoba, sésame, lin, argan...) et de favoriser celles d’avocat, de coco, de rose musquée, parmi d’autres.
- Ces huiles végétales servent également de véhicule à d’autres principes actifs, comme l’acide hyaluronique à haut poids moléculaire ou certaines huiles essentielles (carotte, lavande par exemple) à des concentrations bien précises.
- L’acide hyaluronique à haut poids moléculaire, qui a la propriété de retenir l’eau et possède une action hydratante, s’applique sous forme de gel.
- Les probiotiques, administrés sous forme de petits ovules, permettent de restaurer une flore vaginale que la sécheresse des muqueuses a tendance à décimer. Cela permet notamment de lutter contre les infections devenues plus fréquentes.
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Paru dans: Newsletter Observatoire des effets adverses, Association Savoir Patient, Octobre 2018.
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Littérature scientifique
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Chaque année en Suisse, on dénombre environ 310 nouveaux cas de cancer de la vésicule ou des voies biliaires. Le cancer de la vésicule biliaire touche un peu plus souvent les femmes (53 %) que les hommes (47 %). Il survient presque exclusivement à un âge avancé : deux tiers des patients ont 70 ans et plus au moment du diagnostic.
Myélome multiple (plasmocytome)
Chaque année en Suisse, on dénombre environ 560 nouveaux cas de myélome multiple (plasmocytome), ce qui représente environ 1 % de toutes les maladies cancéreuses.
Lymphome non hodgkinien
Chaque année en Suisse, près de 1450 personnes développent un lymphome non hodgkinien, ce qui correspond à environ 4% de toutes les maladies cancéreuses. 48% des patients ont 70 ans et plus au moment du diagnostic. 54% des personnes touchées sont des hommes, 46% des femmes.