Trisomie 21: un nouveau traitement source d’espoir

Dernière mise à jour 08/12/22 | Article
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Des chercheurs du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), en collaboration avec une équipe de l’Inserm (France), ont montré qu’il était possible d’améliorer les capacités cognitives des patients atteints de trisomie 21 grâce à une thérapie hormonale. Les résultats de cette étude pilote ont été publiés dans la revue Science.

Une consultation unique en Suisse romande

Les Hôpitaux universitaires de Genève proposent une consultation unique en Suisse romande pour les personnes porteuses d’une trisomie 21 – quel que soit leur âge – et leurs familles. « Celle-ci permet d’installer, dès le départ, un suivi médical régulier et d’établir des repères sur le plan psychosocial pour entourer et accompagner les patients et leurs proches », indique la Pre Ariane Giacobino, responsable de cette consultation. Touchés par une myriade de problèmes de santé (troubles visuels, auditifs, épilepsie, malformations cardiaques, troubles du comportement, du spectre autistique, hyperactivité, etc.), ces patients nécessitent une prise en charge spécialisée visant à améliorer leur qualité de vie et à favoriser leur adaptation dans la société.

En Suisse, malgré la possibilité d’un dépistage prénatal (lire encadré), un enfant sur 800 naît porteur d’une trisomie 21 (appelé aussi syndrome de Down). Ce syndrome se traduit par un éventail de symptômes, parmi lesquels un déficit intellectuel de degré variable ainsi qu’une perte progressive de l’olfaction. Après 40 ans, la plupart des patients présentent un déclin des capacités cognitives qui se rapproche de celui de la maladie d’Alzheimer.

Dans une étude pilote1, dont les résultats ont été publiés dans la revue Science, des chercheurs du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) ont montré qu’il était possible d’améliorer les capacités cognitives de ces personnes en restaurant le rythme de sécrétion de l’hormone GnRH (Gonadotropin-Releasing Hormone). «De récentes découvertes ont suggéré que les neurones localisés dans l’hypothalamus exprimant l’hormone GnRH, connus pour réguler la reproduction, présentent aussi une action dans d’autres régions du cerveau, incluant celles impliquées dans la cognition», indique la Pre Nelly Pitteloud, cheffe du Service d’endocrinologie, diabétologie et métabolisme du CHUV et co-auteure de cette recherche, menée en collaboration avec l’Inserm en France.

Partant de ces données, les chercheurs de l’institut français se sont intéressés au mécanisme de régulation de la GnRH chez des souris trisomiques. Ces derniers ont mis en évidence, aux niveaux génétique et cellulaire, que ce chromosome surnuméraire entraînait des anomalies dans les neurones sécrétant la GnRH, elles-mêmes à l’origine de déficiences cognitives et olfactives progressives. Ils ont par la suite démontré que la remise en fonction de ce système GnRH permettait d’améliorer la cognition et l’olfaction des souris, au bout de quinze jours seulement.

Un traitement pulsé de GnRH déjà existant

Sur la base de ces résultats, la Pre Pitteloud et son équipe ont décidé de tester l’efficacité du traitement pulsé (pas en continu) de GnRH sur les capacités cognitives et olfactives de sept patients atteints de trisomie 21, âgés de 20 à 50 ans, en collaboration avec la Pre Ariane Giacobino, responsable de la consultation Trisomie 21 aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) (lire encadré). «Nous utilisons déjà cette hormone pour soigner la déficience congénitale de GnRH, une maladie rare se manifestant par une absence de puberté spontanée. Il s’agit d’un traitement approuvé, efficace et qui comporte très peu d’effets secondaires», indique la Pre Pitteloud. «Dans notre étude, les patients ont reçu un traitement pulsé de GnRH toutes les deux heures en sous-cutané pendant six mois, à l’aide d’une pompe placée sur le bras», poursuit Michela Adamo, chercheuse et co-auteure de cette étude pilote.

Bien que le traitement de GnRH n’ait pas eu d’impact sur l’olfaction, les effets sur la cognition sont en revanche très encourageants. D’un point de vue clinique, une amélioration des capacités cognitives a été observée chez six des sept patients, avec une meilleure représentation tridimensionnelle, une meilleure compréhension des consignes, une amélioration du raisonnement, de l’attention et de la mémoire épisodique. «Ces progrès cognitifs sont associés à un changement de la connectivité fonctionnelle observée par imagerie cérébrale», souligne la Pre Pitteloud. Ceci suggère que le traitement agit sur le cerveau notamment en renforçant la communication entre certaines régions du cortex.

Des résultats à confirmer

Ces résultats prometteurs devront néanmoins être confirmés par une étude clinique de plus grande envergure, incluant un groupe traité par GnRH pendant six mois et un groupe contrôle à qui sera délivré un placebo. Les centres hospitaliers universitaires de Lausanne, Genève et Bâle vont participer à cette étude multicentrique qui doit réunir une soixantaine de patients âgés entre 16 et 50 ans – dont des femmes – pour un essai clinique2. «Au travers de notre recherche, nous espérons améliorer la qualité de vie des personnes trisomiques en les rendant plus autonomes dans la vie de tous les jours», conclut la Pre Pitteloud. Si cette étude confirme une efficacité du traitement pulsé de GnRH sur les déficits cognitifs des patients trisomiques, ce dernier pourrait être étudié dans le cadre d’autres maladies neurodégénératives comme la maladie d’Alzheimer.

Un dépistage en trois temps

Le dépistage prénatal des trisomies 21, 13 et 18 se déroule en trois temps. Un test précoce peut être effectué dès la 9e semaine de grossesse, visant à déterminer la concentration de deux paramètres sanguins maternels. Ce résultat est mis en rapport avec l’âge de la mère et l’épaisseur de la «clarté nucale» du fœtus, mesurée par échographie vers 12 semaines. La combinaison de ces facteurs permet de calculer la probabilité statistique que l’enfant soit porteur d’une des trois anomalies chromosomiques. En effet, précise la Pre Ariane Giacobino, responsable de la consultation Trisomie 21 aux HUG, «à ce stade, il s’agit d’une évaluation du risque et non d’un test diagnostic. Même si le risque est faible, il n’est pas nul pour autant». Lorsque le risque est supérieur à 1/1000 naissances (par exemple risque de 1 naissance sur 50, sur 150, sur 500, etc.), d’autres tests, cette fois à visée diagnostique, sont proposés. En cas de risque modéré, un test prénatal non invasif peut être réalisé à partir d’une prise de sang maternel afin d’analyser le matériel génétique du fœtus. Si, sur la base des estimations du premier trimestre, le risque est élevé ou que les résultats du test non invasif l’exigent, un examen diagnostic invasif (choriocentèse ou amniocentèse) est effectué.

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(1) DOI: 10.1126/science.abq4515

(2) Plus d’informations sur l’étude Lutre-UP: www.chuv.ch/fr/edm/edm-home/patients-et-familles/etude-lutre-up-trisomie-21

Paru dans Le Matin Dimanche le 27/11/2022

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