L’activité physique pour les enfants: un juste équilibre aussi précieux que l’or
Cette performance qui peut forcer l’admiration, est loin de remporter l’approbation de la communauté des pédiatres qui, avec raison, s’interroge sur les conséquences à long terme d’une activité physique intense sur le squelette de l’enfant. Cependant, Keelan n’est pas la seule à prendre de tels risques.
Lors de courses populaires, certains parents n’hésitent pas à inscrire leurs enfants dans des catégories d’âge supérieures, afin qu’ils puissent courir des distances plus longues. On peut en avoir la preuve en consultant les listes de départ de la firme de chronométrage qui gère la plupart des courses en Suisse, et sur lesquelles nous pouvons retrouver des coureurs aux noms identiques, inscrits sous différentes années de naissance.
Cependant, nous vivons une situation où l’on observe, du nord au sud, une détérioration de la forme physique chez les enfants avec l’apparition d’une épidémie d’obésité qui ne fait que s’accroître. Les prévisions de l’OMS sont de ce fait alarmantes car elles envisagent pour la première fois une inversion de la courbe de la longévité de vie.
Un enfant, habitué au mouvement pendant l’enfance, gardera un tel mode de vie et pratiquera régulièrement une activité physique à l’âge adulte. Les conséquences sont en général positives sur la santé, le développement social, l’esprit d’équipe, l’apprentissage du succès et de l’échec et sur l’amélioration de l’estime de soi. L’activité physique permet aussi de canaliser les énergies dans une bonne direction, alors que le diagnostic de syndrome d’hyperactivité est de plus en plus évoqué chez nos jeunes adolescents.
Conséquences sur le développement
De plus, il n’existe à l’heure actuelle aucune norme permettant de définir à quelle intensité d’exercices un risque de fragilisation du squelette est susceptible d’apparaître, et pourrait perturber les processus de croissance et de maturation de l’appareil musculo-squelettique. Les enfants ne sont pas des adultes en miniature! Si l’on considère une certaine classe d’âge, il existe de grandes différences dans le développement des individus et il est impossible de décider avec certitude, pour chacun d’entre eux, à quel moment la pratique d’une activité physique devient excessive et dangereuse. Rappelons ici que les fractures de fatigue surviennent également chez l’enfant et l’adolescent.
Nous pouvons citer quelques exemples de la nocivité d’une activité physique intense (plus de 15 heures/semaine) sur le développement du squelette, en particulier dans la gymnastique artistique. L’activité physique pratiquée à haute intensité est responsable de retard de croissance et à l’âge adulte d’une taille plus petite que celle prévue. Ces assertions sont par ailleurs renforcées par certaines études animales, dans lesquelles on a constaté une fermeture précoce du cartilage de conjugaison chez des chiens en phase de croissance, soumis à un entraînement intensif.
Quelle activité à quelle intensité?
Selon les recommandations de l’OMS, il est proposé une activité physique de 60 minutes par jour comme élément nécessaire à un développement harmonieux dans le groupe d’âge de cinq à dix-sept ans. Cette activité doit être d’une intensité modérée, voire soutenue, c’est-à-dire que les adolescents doivent ressentir un sentiment d’essoufflement au cours de jeux ou d’exercices organisés sous toutes sortes de forme. En Suisse, seuls 34% des enfants en âge scolaire satisfont à ces recommandations et encore seulement cinq jours par semaine, alors qu’aux Etats-Unis l’activité mesurée a été de moins de 20 minutes par jour.
Cependant, les propositions de diverses associations sportives sont moins péremptoires. La Fédération suisse d’athlétisme émet diverses recommandations selon l’âge: un enfant âgé de moins de neuf ans ne devrait pas courir une distance de manière continue au-delà de 3 kilomètres; entre neuf et onze ans, il est autorisé à courir 5 kilomètres, et entre douze et quatorze ans, il ne peut s’inscrire à une distance supérieure à 10 kilomètres. La distance du semi-marathon est envisageable uniquement à partir de quinze ans. Les inscriptions pour le marathon ne sont pas acceptées avant l’âge de dix-huit ans.
Par contre, aucune recommandation n’existe pour les sports d’équipe (hockey sur glace ou football), dans lesquels on peut retrouver de jeunes adolescents particulièrement doués qui s’entraînent et jouent avec plusieurs équipes de classes d’âge différentes. Ils sont à risque de blessures de surcharge et également traumatiques puisqu’ils sont opposés à d’autres adolescents plus grands et plus lourds. Le risque de blessures graves est alors plus important.
Alors, comment prendre la mesure de ce qui est suffisant et de ce qui est excessif en matière d’activité physique? Les recommandations des autorités étant pratiquement inexistantes, il est nécessaire de rappeler que le premier signe évocateur d’une activité physique trop intense est la survenue d’une fatigue, accompagnée d’une modification de l’humeur et d’une baisse du rendement scolaire. Ces symptômes sont un signal d’alerte qui doit interpeller l’entourage.
Par ailleurs, l’enfant pense rarement de lui-même en premier à la compétition. Il est donc très important de diversifier ses activités physiques par la pratique de multiples sports; ceci permettra aux appareils musculo-squelettiques et cardiovasculaires de gagner en résistance grâce à une augmentation progressive et saine de l’effort demandé. Par la suite, une fois les qualités de coordination et d’équilibre acquises, le jeune adolescent pourra se diriger vers une spécialisation sportive de son choix, avec toujours pour principale motivation le «plaisir».
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Références
«L’activité physique pour les enfants: "un juste équilibre aussi précieux que l’or"», Revue Médicale Suisse 437, 2014;1435-1436.