Une enfance tout en mouvement
Tout petit déjà, l’enfant cherche à explorer le monde qui l’entoure. Une fois qu’il sait marcher, il court, sautille, grimpe, se balance, se suspend, quelques fois trébuche et souvent tombe… De quoi donner aux parents quelques sueurs froides ou susciter l’agacement face à tant d’agitation. En réalité, ces comportements sont non seulement naturels, mais ils sont surtout excellents pour le développement. «Il faut créer l’espace et les opportunités pour que l’enfant développe sa motricité, sa coordination, son équilibre et son endurance», déclare le Pr Bengt Kayser, médecin à l’Institut des sciences du sport de l’Université de Lausanne.
Bouger, oui mais combien?
Selon les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (2020), les enfants et adolescents âgés de 5 à 17 ans devraient pratiquer au moins 60 minutes par jour en moyenne d’activité physique essentiellement aérobique, d’intensité modérée à soutenue et ce, tout au long de la semaine. Il est également recommandé d’intégrer des activités aérobiques d’intensité soutenue, ainsi que des activités qui renforcent le système musculaire et l’état osseux au moins trois fois par semaine. Souvenez-vous, mieux vaut bouger un peu que pas du tout. Donc même si votre enfant n’atteint pas ces objectifs, encouragez-le à persévérer, car même avec un niveau d’activité inférieure, la santé en retire des bénéfices. Équilibre, motricité globale et fine, endurance… l’activité physique doit être aussi complète que possible.
Il est essentiel d’encourager l’activité physique dès le plus jeune âge, pour que l’enfant parte avec un bon capital santé dans la vie, tant sur les plans cardiorespiratoire que musculaire, métabolique et osseux. En effet, les os et les muscles ont tout à y gagner, explique le Pr Kayser: «La solidité de l’ossature se détermine très tôt, entre l’âge de 10 et 20 ans. Durant cette période clé, où les os sont en croissance, il est important que l’enfant les sollicite en courant et en sautillant pour qu’ils se densifient.» Sinon, le risque d’ostéoporose (maladie plus fréquente chez la femme) précoce est plus grand. Un manque de mobilité et une perte de motricité dans l’enfance risquent de se payer tout au long de la vie. Quant à la musculature, elle gagne peu à peu en endurance à force de bouger.
L’activité physique favorise également une croissance harmonieuse et est bonne tant pour le corps que pour l’esprit (santé mentale). Elle est bénéfique pour la qualité et la durée du sommeil ainsi que pour les apprentissages (lire encadré). Elle permet enfin de canaliser l’énergie, de garder un poids sain et d’améliorer son estime de soi.
Le rôle des parents
Les parents ont leur rôle à jouer pour stimuler leur enfant dans une vie tout en mouvement. Il est en effet capital de laisser aux enfants suffisamment de temps durant la journée pour se dépenser physiquement et leur permettre de jouer dehors. La sédentarité étant un facteur de risque majeur pour la santé (surpoids, obésité, maladies cardiovasculaires, cancer, diabète), il s’agit d’inculquer très tôt de bonnes habitudes de vie à l’enfant. Le temps passé devant les écrans est d’ailleurs problématique car il est justement synonyme de sédentarité, d’où l’importance de fixer un cadre et des limites claires.
Pour le Pr Kayser, l’activité physique doit être un réflexe au même titre que celui de se laver les dents. Elle doit s’inscrire dans la culture familiale. Comment s’y prendre? On peut jouer sur différents tableaux. Intégrer l’activité physique dans le quotidien, de façon utilitaire, pour commencer. Renoncer à la voiture et privilégier les trajets à pied, à vélo ou en trottinette pour aller à l’école, par exemple. Balades en famille, promenades en forêt, jeux libres dans les parcs, voire jeux de société qui mobilisent le corps sont autant d’occasions de bouger et de partager du temps ensemble. Nos enfants nous regardent beaucoup, il ne faut donc pas oublier de montrer l’exemple. Lorsque l’enfant grandit, il va découvrir l’activité sportive avec ses pairs et développer l’esprit d’équipe dans des jeux à plusieurs. En plus de l’aspect purement physique, ce sont là des moments de sociabilité et d’apprentissage précieux. «L’enfant apprend à se comporter, à respecter les règles, à se mesurer à autrui, à laisser une chance aux autres, à gagner et à perdre», décrit l’expert.
Faire des expériences
En matière de sport, il est recommandé de varier les plaisirs et de laisser l’enfant essayer différentes activités plutôt que de restreindre le choix et le cantonner à une seule discipline. Profiter de l’offre à proximité, suivre les goûts et les intérêts de l’enfant, même si sa motivation est d’abord d’être avec ses copains, l’inscrire à des camps de sport (voile, basketball, football) ou multisports pendant les vacances: en tant que parent, il faut rester ouvert et dynamique. Pour le Pr Kayser, il convient de viser le plaisir et le jeu avant tout, les progrès et la performance doivent rester au second plan: «Pendant longtemps, on pensait qu’il fallait se spécialiser très tôt dans une discipline pour devenir performant. La recherche a montré que c’était plutôt le contraire. Ce sont les jeunes qui s’adonnent aux multisports qui s’en sortent le mieux. Federer en est un bon exemple.» L’expérimentation et le jeu valent donc mieux que le culte de la réussite et de la performance. «Si l’enfant a un talent particulier pour une discipline, cela finira de toute façon par prendre le dessus», poursuit le spécialiste.
Baisse d’activité à la puberté
Souvent preneur lorsqu’il est petit, il n’est pas rare que l’enfant se détourne des activités sportives lorsqu’il atteint la puberté. L’adolescence, voire même la préadolescence, marque en effet un tournant par rapport à l’investissement dans l’exercice physique. Une étude menée par des chercheurs de l’Université de Genève, publiée dans la revue Psychology of sport and Exercise, montre que les enfants perdent, dès l’âge de 9 ans, le goût pour l’activité physique. Plusieurs raisons sont en cause: augmentation du temps passé devant les écrans, pression scolaire, nouveaux centres d’intérêt, renforcement de motivations extrinsèques (faire plaisir aux autres, se conformer à une image, éviter la culpabilité, avoir une bonne appréciation) au détriment des motivations intrinsèques (plaisir, sentiment de compétence, appartenance au groupe, choix personnel) qui pourtant sont propices au maintien d’une activité à long terme. En être conscient peut être utile pour contourner ces freins et encourager son adolescent à maintenir une activité physique régulière, pour son plaisir et sa santé.
Se dépenser, c’est bon pour la tête
Être actif physiquement est bon pour le corps mais aussi pour l’esprit. La recherche scientifique a déjà démontré l’impact positif d’une activité physique sur les fonctions cognitives (concentration, mémorisation). Une récente étude menée à l’Université de Genève s’est intéressée en particulier aux liens entre la capacité cardiorespiratoire des enfants et leurs capacités cognitives ainsi que leurs résultats scolaires. Il existe bel et bien un lien entre de bonnes capacités cardiorespiratoires et de bonnes notes en mathématiques et en «français 2» (grammaire). Un lien de nature indirecte : ce sont les bonnes capacités exécutives, en particulier la flexibilité cognitive, qui se répercutent sur les résultats scolaires. Ce type d’étude souligne l’importance de ne pas diminuer l’activité physique (heures d’éducation physique) dans l’emploi du temps scolaire des élèves. Souvent pensée comme secondaire, cette discipline aurait au contraire une influence positive sur les matières jugées plus importantes dans le cursus de l’élève.
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Paru dans le hors-série «Votre santé», La Côte/Le Nouvelliste, Novembre 2021.