Porte-bébé, mode d’emploi
Le témoignage de Xavier, 37 ans, papa kangourou
«Dès son premier mois, j’ai commencé à porter mon fils, Gabriel, dans un porte-bébé ergonomique à bretelles, face contre moi. Puis, lorsqu’il s’est mis à bien tenir sa tête, il préférait être tourné vers le monde. Au-delà du fait que c'était extrêmement pratique, car cela me permettait de faire quelque chose tout en l’ayant sur moi, c'était aussi un moment de proximité très agréable. Nous étions vraiment connectés. Petit à petit, j’ai pris de l’assurance et je l’emmenais alors partout, en balade en ville, en visite aux musées, pour faire des courses… Pour lui, c’était un apaisement immédiat, qu’il s’assoupisse ou profite de la vue. Je l’ai porté jusqu’à ses 8-9 mois environ, lorsqu’il a commencé à devenir plus grand et plus lourd. Je sentais que le porte-bébé devenait de moins en moins confortable pour lui et qu’il préférait avoir plus de liberté de mouvement dans une poussette ou en commençant à faire quelques pas avec nous… Mais je garde un merveilleux souvenir de ces moments partagés ensemble, dès le premier âge.»
Porté durant neuf mois dans le ventre de sa mère, le nouveau-né passe soudain d’un monde liquide à un monde aérien, plus froid, plus bruyant, plus lumineux, plus agité, dans lequel il découvre aussi sa pesanteur. Être porté est une nécessité, puisqu’il ne peut se mouvoir seul. La position verticale facilite également la digestion et diminuerait reflux et coliques. Mais c’est aussi, plus largement, une façon de créer avec lui un lien d’attachement essentiel et pas toujours évident à établir dans les premiers jours après la naissance. «On parle souvent du quatrième trimestre de grossesse, c’est une façon de laisser quelques mois à l’enfant pour se détacher de son parent en confiance», explique Sarah Covas, sage-femme aux Hôpitaux universitaires de Genève.
Les parents aussi y trouvent leur compte. Les gestes affectifs, le peau-à-peau, les câlins stimuleraient la production d’ocytocine, hormone de l’attachement bien étudiée chez les mères mais qui serait aussi activée chez les pères. Même s’ils n’ont pas vécu physiologiquement la grossesse, le portage leur permet, en outre, de développer un lien nouveau et un sentiment de confiance dans leur capacité à répondre aux besoins de l’enfant.
D’un point de vue beaucoup plus pragmatique, porter son enfant est aussi une façon… d’avoir les mains libres. Un sacré avantage quand on connaît le rythme éreintant du quotidien avec un nouveau-né. «Les jeunes parents sont de plus en plus isolés, vivent parfois loin de leur famille, les congés paternité sont courts… tout cela entraîne un besoin rapide de mobilité et de disponibilité gestuelle pour assumer les tâches du quotidien», constate Sarah Covas.
Une pratique que l’on avait perdue
Des ateliers pour apprendre à porter
Face au flot d’informations et aux différentes techniques de portage qui existent, les parents sont parfois un peu perdus, voire découragés. Pour prendre confiance et trouver la méthode la plus adaptée, des ateliers spécifiques existent, en groupe ou à domicile. Ils permettent aux parents de comprendre les bénéfices du portage et d’acquérir les bons gestes. Ces ateliers peuvent être proposés en prénatal dans le cadre de la préparation à l’accouchement, mais le mieux est d’y assister lorsque l’enfant est là, dans les premières semaines de vie. «Il y a ainsi moins de risque d’oublier les techniques de nouage et c’est beaucoup plus concret», explique Alexandra Chambovey, monitrice de portage pour l’Association suisse de portage des bébés (www.aspb.ch).
Au même titre que les mères, les pères sont plus que les bienvenus lors de ces ateliers. «Les papas motivés sont généralement très doués. Ils se sont parfois sentis éloignés de l’aspect concret de la grossesse et ce moment peut leur permettre de tisser un lien privilégié avec leur enfant», constate Sarah Covas, sage-femme et monitrice de portage qui propose des ateliers mensuels, durant le premier mois de vie, aux Hôpitaux universitaires de Genève (inscription en ligne sur le site des cours de préparation à la naissance).
Alors que porter son enfant est un geste ancestral, pourquoi ce sujet semble-t-il faire son grand retour depuis quelques années? Pour Alexandra Chambovey, monitrice de portage pour l’Association suisse de portage des bébés (ASPB), les concepts de la parentalité évoluent en permanence. «La génération des baby-boomers était plutôt dans la recherche d’une autonomie rapide de l’enfant, dictée à l’époque par le discours médical», remarque-t-elle. Laisser l’enfant pleurer, s’en détacher rapidement pour ne pas le rendre «dépendant» de ses parents… étaient alors des attitudes assumées. On assiste aujourd’hui à un retour au maternage intensif, qui regroupe des pratiques basées sur le besoin primaire d’attachement du nouveau-né: portage mais aussi cododo, peau-à-peau, allaitement longue durée… «On constate un vrai retour à ces pratiques, qui entrent parfois en conflit avec nos rythmes actuels effrénés, mais qui témoignent d’une prise de conscience de l’importance de ces moments», note Sarah Covas.
Des gestes à apprendre
Pour autant, le portage, en particulier en écharpe, n’est pas inné et demande un certain entraînement. Pour apprendre les bons gestes, des ateliers sont proposés aux futurs ou jeunes parents (lire encadré). «On leur dit toujours que porter son enfant, c’est bien, mais bien le porter, c’est mieux!», explique Alexandra Chambovey. Peur de faire tomber le bébé, de trop ou pas assez serrer l’écharpe, trouver la position adéquate… les craintes et questions sont nombreuses, mais le moment venu, la technique est à la portée de tous. Quelques règles sont néanmoins à respecter pour limiter tout risque (lire encadré). Il est ainsi préférable de favoriser la position accroupie de l’enfant, jambes légèrement relevées. Le système de portage doit être physiologique et adapté à son âge. Enfin, la position «face au monde» est déconseillée car elle entraîne une surstimulation du nouveau-né. «Une fois ces précautions prises, tous les enfants peuvent être portés, y compris ceux présentant un handicap, rassure Alexandra Chambovey. En revanche, tous les bébés n’aiment pas être portés de la même manière, il faut trouver la bonne façon et le bon moment pour chacun.»
Certains préféreront être contenus, d’autres portés à bout de bras. Certains s’endormiront rapidement, d’autres seront au contraire à l’affût de tout ce qui se passe autour d’eux. À chacun ses préférences!
Quelles méthodes?
Voici les principales techniques de portage utilisées.
L’écharpe en tissu
- Avantages: Elle agit comme un moule autour de l’enfant pour s’adapter parfaitement à sa physiologie en soutenant son dos et sa nuque.
- À partir de quel âge? Dès les premiers jours de vie.
- Inconvénients: Les techniques de nouage nécessitent un petit apprentissage. Risque de mauvaise ventilation pour l’enfant s’il est mal positionné.
Le porte-bébé préformé ventral
- Avantages: Rapide et pratique à utiliser.
- À partir de quel âge? Selon le modèle choisi, l’enfant pourra y être installé entre 8 semaines et 6 mois, jusqu’à 2 ans et plus selon les indications du fabricant.
- Inconvénients:Réglages prédéfinis, moins physiologiques que l’écharpe.
Le porte-bébé dorsal de randonnée
- Avantages: Confort du parent pour de longues promenades. Utilisable jusqu’à 4-5 ans.
- À partir de quel âge? Quand l’enfant se tient bien assis et maintient sa nuque et son cou, vers 6-9 mois.
- Inconvénients: Sac encombrant. Tête de l’enfant non maintenue lorsqu’il dort.
Et pour les parents qui ne veulent ou ne peuvent pas porter leur enfant, qu’ils se rassurent, cela n’entachera en rien le lien d’attachement avec lui. «Le tenir dans les bras, c’est déjà du portage. Les porte-bébés ne sont finalement que des accessoires pour faciliter le quotidien, explique Alexandra Chambovey. Il y a mille et une autres manières de créer du lien avec son enfant.»
Le portage, pas sans danger
Les vertus du portage sont nombreuses, mais des risques existent, surtout dans les premières semaines de vie. Pour porter votre enfant en toute sécurité, voici trois points de vigilance:
- Veiller à la posture de la colonne vertébrale et des hanches : une mauvaise position du squelette, encore souple, peut gêner le développement de l’enfant et celui des articulations. La position « fœtale », jambes repliées et dos arrondi, est la plus confortable et naturelle.
- Maintenir la nuque : dans ses premiers jours de vie, l’enfant n’a pas la nuque suffisamment musclée pour maintenir seul sa tête. Le porte-bébé doit être choisi et réglé pour éviter au maximum qu’elle ne ballotte de droite à gauche ou d’avant en arrière.
- Assurer une bonne ventilation : l’écharpe de portage, recouvrant le visage du bébé, en particulier lorsqu’il est assoupi, peut gêner sa respiration. Pour éviter une ventilation insuffisante, la position en berceau doit être évitée et une vigilance constante lorsque l’enfant dort est requise.
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Paru dans Le Matin Dimanche le 11/07/2021.