Mieux identifier les adolescents en souffrance

Dernière mise à jour 23/05/19 | Article
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Pour aider les jeunes les plus vulnérables, on prône aujourd’hui des interventions précoces et un accompagnement pluridisciplinaire.

Ils ne sont plus tout à fait des enfants et pas encore des adultes. On le sait, les adolescents sont en proie à d’importants changements physiques, hormonaux et cérébraux. Au cours de cette période de transition à la fois physique, psychique et émotionnelle, les jeunes vivent de nouvelles expériences, font de nouvelles rencontres et connaissent leurs premiers émois. Ils sont également confrontés à leurs premiers choix de vie et d’orientation, à l’heure où sonne la fin de l’école obligatoire.

Tout cela fait de l’adolescence une période délicate qui peut en fragiliser plus d’un. Conduites à risque, consommation de substances, troubles alimentaires, anxiété ou dépression peuvent survenir et susciter des inquiétudes légitimes chez les parents. C’est parfois à l’adolescence également que se manifestent les premiers épisodes de troubles de la personnalité et de psychoses (schizophrénie).

Ne pas banaliser les signes précurseurs

Troubles transitoires ou durables?

Lorsque l’enfant ou l’adolescent grandit, il peut rencontrer des difficultés d’adaptation qui ont des répercussions dans sa vie courante et dans ses relations avec l’entourage. Ces difficultés sont généralement transitoires et propres au développement, mais elles peuvent aussi relever de troubles psychiques. Pour les spécialistes consultés, il s’agit de déterminer la frontière entre le transitoire et ce qui relève d’une pathologie et qui nécessite un traitement, à l’aide de catégories et d’outils diagnostics. Une tâche malheureusement pas aisée, confirme la Pre Kerstin von Plessen, cheffe du Service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent au CHUV.

Quel que soit le type de fragilité, les spécialistes prônent aujourd’hui des interventions précoces pour augmenter les chances de résilience et de guérison. Mais comment? Toute la difficulté réside dans le repérage. D’abord parce qu’il est rare que le jeune lui-même soit demandeur de soins. «Au contraire, plus il va mal, moins il va demander de l’aide, avec le risque que les problèmes se chronicisent», explique la Dre Line Guillod, coresponsable du programme Départ, rattaché au Service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), destiné aux jeunes consommateurs de substances.

Ensuite, il est difficile de déterminer si la crise d’adolescence est «normale» ou si elle mérite des soins (lire encadré). «On peut tolérer qu’un adolescent soit triste, aille moins bien, et qu’il fasse des expériences propres à cette tranche d’âge», nuance la spécialiste. En revanche, si la souffrance est importante ou l’inquiétude trop forte, il faut en parler. Il s’agit en effet de ne pas banaliser les signes précurseurs, mais de ne pas non plus dramatiser. A cet égard, les parents, bien sûr, ont un rôle à jouer, mais ils ne sont pas les seuls. Les professionnels de tous bords (éducateurs, coachs, enseignants, etc.) qui sont en contact avec des jeunes sont aujourd’hui formés à mieux repérer ceux qui sont en difficulté, comme le veut notamment le programme du CHUV.

Envisager la situation d’un point de vue global

Quels sont les signaux à ne pas manquer? «Il est important d’envisager la situation d’un point de vue global», précise pour commencer la Dre Guillod. Il s’agit d’être attentif à la façon dont l’adolescent s’intègre et fonctionne, non seulement à l’école, mais aussi en famille et avec ses pairs. Des cassures brutales dans le développement ou dans la scolarité doivent alerter, de même que des changements brusques de comportement, des conduites à risque (alcool, substances, sexualité, etc.), un désintérêt soudain à l’égard d’activités que pourtant le jeune affectionnait, une tendance au repli et à l’isolement – surtout chez une personne d’ordinaire expansive — ou des difficultés scolaires.

Toutefois, avertit la spécialiste, «il est rare qu’un coup de tonnerre éclate dans un ciel bleu». On identifie plusieurs facteurs de risque: une vulnérabilité génétique, mais aussi des facteurs individuels (manque de confiance en soi ou de sécurité interne, préoccupations prononcées à l’égard du corps, par exemple), relationnels et environnementaux (faible monitorage ou désintérêt parental, climat scolaire délétère ou peu motivant avec absence de liens, manque de valorisation de la part des enseignants, etc.) sur lesquels la prévention peut avoir un impact.

L’accompagner sur le chemin de la résilience

Que faire alors lorsqu’un adolescent traverse une mauvaise passe? Les parents peuvent, en premier recours, s’adresser au pédiatre de leur enfant pour une première évaluation de la situation. Ensuite, une démarche auprès d’un psychothérapeute (psychologue ou psychiatre) ou d’une unité psychiatrique ambulatoire peut s’avérer nécessaire.

Si tout dépend bien sûr de la situation et du diagnostic, pour la Dre Guillod, la résilience du jeune ne se limite toutefois pas au soin psychiatrique, mais résulte d’une approche globale. L’aider à donner du sens à ce qu’il vit, porter un regard encourageant sur sa personne, mais aussi favoriser son insertion scolaire ou professionnelle en le soutenant dans ses démarches sont des formes de soin, qui peuvent avoir un impact important sur l’estime de soi. C’est ce à quoi s’attellent les équipes pluridisciplinaires où interviennent psychologues, psychiatres, infirmiers ou éducateurs.

Plus généralement, souligne la Pre Kerstin von Plessen, cheffe du Service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent du CHUV, «dans des situations difficiles, les relations avec la famille et les pairs sont très importantes dans ce chemin vers la résilience. Faire confiance à l’adolescent et lui accorder de l’autonomie comme une façon de lui redonner du pouvoir sur sa vie lui sera également bénéfique», conclut-elle.

Difficultés psychiques et marqueurs biologiques

En Suisse, on estime à environ 20% le nombre d’enfants et d’adolescents qui rencontrent un jour des difficultés d’ordre psychique. Les études se multiplient pour tenter de mieux comprendre ces vulnérabilités dans le but de mieux les détecter et de modifier le cours des événements. La Pre Kerstin von Plessen, cheffe du Service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent du CHUV, mène actuellement de telles recherches, en incluant dans des études des enfants à risque et des enfants diagnostiqués pour un trouble psychique.

«On détecte des signes biologiques dans le cerveau des enfants ayant un trouble psychique, mais on ignore encore si ces différences sont la cause des troubles, leur conséquence ou la marque des effets des traitements (médicament, psychothérapie)», note la psychiatre. Des marqueurs biologiques peuvent ainsi être mis en évidence dans la schizophrénie, les troubles bipolaires, les troubles obsessionnels compulsifs (TOC), les troubles de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). Attention, note toutefois la spécialiste: «Chez les enfants ayant une vulnérabilité génétique, ce n’est pas parce que l’on trouve des marqueurs biologiques que l’enfant va véritablement développer des troubles, car tout cela résulte d’une conjonction de facteurs en lien avec la vie de l’individu.» Mais surtout, grâce à des interventions précoces, on essaie de modifier les circuits cérébraux, à des âges où le cerveau jouit d’une plus grande plasticité. Cela passe aussi bien par de la prévention que par des soins (psychothérapie), avec le soutien, si indiqué, d’une médication.

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Paru dans le Quotidien de La Côte le 24/04/2019.

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