Le test de Rorschach, un outil de diagnostic de la personnalité
Pour mettre au point le test qui portera son nom, le psychiatre et psychanalyste suisse Hermann Rorschach s’est inspiré d’un jeu d’enfant. Celui-ci consiste à déposer une goutte d'encre sur une feuille de papier que l’on plie en deux pour obtenir une forme symétrique. Pour son test, il en a sélectionné dix présentant des taches d’encre qui se différencient par la couleur (noire, noire et rouge ou en couleurs) et par la forme.
«Le test de Rorschach est un outil de diagnostic de la personnalité qui fait partie des tests projectifs. Il est beaucoup utilisé en pédopsychiatrie et aussi, selon les cantons, en psychiatrie adulte», souligne Anelise Fredenrich, psychologue spécialiste FSP en psychothérapie aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Elle-même l’utilise régulièrement dans le cadre de l’examen psychologique des enfants, dès 4 ans, et des adolescents.
Ce test s’adresse aussi bien à des enfants en souffrance qu’à des élèves très doués dont on se demande s’il serait opportun qu’ils sautent une classe. Troisième cas de figure, en particulier dans le canton de Vaud, ce test peut être utilisé dans le cadre d’une expertise psychologique demandée par des juges, dans le but de mieux comprendre un enfant ou un adolescent et d’estimer si la situation familiale difficile dans laquelle il vit présente des risques pour son développement affectif et émotionnel.
Découvrir la personnalité
Lors d’un examen psychologique, les planches de Rorschach sont présentées toujours dans le même ordre au patient. La consigne est simple: «On lui demande ce que ces taches pourraient être ou à quoi elles pourraient ressembler. L’utilisation du conditionnel marque clairement qu’il s’agit d’une interprétation. Les taches ne ressemblent à rien.»
Durant le test, le psychologue note tout ce que le patient dit. «Ce qui est intéressant, c’est plus comment les choses sont dites que ce qui est dit. L’objectif est d’en savoir plus sur la personnalité. Derrière des symptômes de dépression, par exemple, il y a la personnalité qui est stable et unique. Ce test permet de laisser apparaître l’organisation de la pensée, la manière dont on se perçoit, perçoit les autres et le monde. Il permet aussi de repérer certains signes tels que l’angoisse, les mécanismes de défense mis en place, la manière de percevoir la réalité et de faire la différence entre la réalité et l’imaginaire ».
Les planches de Rorschach sont souvent complétées par un autre test projectif intitulé TAT (pour Thematic Apperception Test) qui permet d’explorer si le sujet répond autrement sur une base moins floue. La consigne donnée aux patients est de raconter une histoire à partir des douze planches figuratives qui représentent des personnages. En général, l’examen psychologique comporte aussi un test du QI.
Une question de degré
«Les résultats du test sont interprétés en fonction de l’âge du patient. Il est normal qu’un petit enfant ne fasse pas la différence entre la réalité et l’imaginaire, mais c’est problématique chez un adolescent ou un adulte. C’est comme si les personnes n’avaient pas réussi à grandir sur le plan émotionnel», précise Anelise Fredenrich. «Pour un enfant, vivre un événement traumatique représente un coût émotionnel élevé. Plus tard, il pourra avoir une certaine maturité mais avoir conservé une part de cet enfant traumatisé. Cela peut se traduire par la peur du noir ou de l’abandon, très courante. La personne s’est construite autour de cette peur. En soi, ce n’est ni bien ni mal, c’est une question de degré: à quel point cela entrave-t-il son développement?»
L’analyse des résultats des tests est communiquée aux patients, puis à leurs parents lorsqu’il s’agit de mineurs. «Nous la présentons sous la forme d’hypothèses et nous invitons les patients à dire ce qu’ils en pensent. Ce sont des moments très appréciés, des moments thérapeutiques forts qui entraînent souvent un grand soulagement chez les ados et les parents. Pouvoir dire à un adolescent que ses résultats laissent penser qu’il ne fait pas bien la différence entre la réalité et ce qui se passe dans sa tête peut avoir l’effet d’un déclic pour lui et pour ses parents. Ces derniers pensaient que leur fils mentait, cela créait des tensions fortes, mais il ne le faisait pas exprès…»
Outil de diagnostic, le test de Rorschach donne aussi des indications sur le type de traitement le mieux adapté au patient. «En fonction de sa personnalité, on suggérera une psychothérapie en individuel, en groupe ou encore des séances de psychomotricité».
Un test controversé
A sa sortie, en 1940, le livre dans lequel Rorschach présente son outil de diagnostic est d’abord mal perçu par ses confrères, qui estiment que l’interprétation des réponses des patients est trop subjective puisqu’elle repose entièrement sur l’analyse du psychologue.
Son test connaît ensuite une célébrité croissante tout en restant, aujourd’hui encore, controversé. Longtemps enseignée dans les facultés de Genève et de Lausanne, l’étude des tests de Rorschach ne fait plus partie du cursus de l’étudiant en psychologie depuis quelques années à Genève. Elle continue en revanche de figurer au programme à Lausanne et sur le plan international.
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En savoir plus
- Site internet de la Société du Rorschach et des Méthodes projectives de langue française: www.societerorschach.org
- Site internet de l’International Society of the Rorschach and Projective Methods: www.rorschach.com.