Éclairage: harcèlement et intimidation entre élèves
Rejet, moqueries, injures, coups, etc. Le harcèlement et l’intimidation entre élèves se définissent par une répétition de violences et une dynamique de groupe asymétrique qui engendrent l’incapacité pour la victime de se défendre. Les situations peuvent être diverses: harcèlement psychologique, physique ou sexuel, dans la rue, à l’école, dans la famille, sur les réseaux sociaux, etc. Entre 10 et 30% des enfants et des adolescentes et adolescents déclarent y avoir été exposés. Des chiffres inquiétants, d’autant que les violences mettent en danger le développement des victimes et ont un impact négatif sur les autres enfants et sur la famille. De leur côté, les autrices et auteurs de violence sont plus nombreux à déclarer être en mauvaise santé en comparaison des personnes non concernées par la problématique.
L’État, les médecins (pédiatres, pédopsychiatres), l’école (à travers les enseignants, les services de santé scolaire, les médiateurs) ainsi que les familles ont un rôle à jouer pour lutter contre ce fléau et aider les jeunes victimes. Il s’agit de prévenir, détecter et prendre en charge la souffrance en lien avec un contexte de violence à l’école. Exemple dans le canton de Vaud, où les actions des différents dispositifs permettent de mieux cerner le phénomène.
Un organe expert
Le saviez-vous?
En matière de harcèlement et d’intimidation chez les enfants et les jeunes, il n’y a pas de profil type d’élèves impliqués, mais il existe des facteurs de risque. Par exemple, les élèves qui ne se considèrent pas uniquement comme hétérosexuels ont jusqu’à cinq fois plus de risques d’en être la cible. Les filles sont plus touchées (4,5%) que les garçons (2,8%). Elles sont aussi moins souvent autrices de ce type de violences (0,7% des filles contre 2,3% des garçons).
Une situation de harcèlement peut être découverte à l’occasion d’une consultation aux urgences pédiatriques lorsque l’enfant ou le ou la jeune présente des marques de coups sur son corps. Le Service de pédiatrie du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) dispose d’un organe de protection et de soutien aux professionnels pour toutes les situations de violences impliquant des personnes mineures. Le CAN Team (pour Child Abuse and Neglect Team) intervient notamment suite à ces consultations aux urgences pédiatriques de l’Hôpital de l’enfance à Lausanne.
Lors d’un constat de coups, les médecins doivent évaluer le contexte de harcèlement, les blessures et l’impact psychologique de l’agression. La famille est ensuite orientée vers les soins médicaux et sociojuridiques appropriés. Les parents, bien que protecteurs et en recherche d’aide, n’ont souvent pas connaissance des solutions possibles pour protéger leur enfant. Le CAN Team, selon une procédure établie, travaille avec les écoles afin de mettre en place une prise en charge cohérente et soutenante pour les patients et leur famille. Aujourd’hui, des recommandations et marches à suivre pour une prise en charge identique pour tous les jeunes du canton existent. Les cas traités sont répertoriés et, avec l’accord des parents, transmis à l’Unité de promotion de la santé et de prévention en milieu scolaire pour assurer une vue d’ensemble des établissements scolaires concernés.
Le rôle des pédiatres
Les pédiatres installés sont aussi en première ligne pour repérer des signes d’alerte (absentéisme scolaire, troubles alimentaires, troubles du sommeil, isolement social). En consultation, l’enfant ou l’adolescent ou adolescente parle difficilement de ce genre d’expériences, a fortiori devant ses parents. Lors d’une situation de violence interpersonnelle, les pédiatres doivent procéder à une évaluation complète de la situation: constat de coups, appréciation du climat scolaire, type de violence subie, gravité des faits, autres mineurs exposés et mesures déjà entreprises. Une prise en charge du mineur ou de la mineure est recommandée, tenant compte des soins somatiques et psychologiques nécessaires ainsi que des caractéristiques de la violence subie. Des mesures de protection sont prises pour que l’enfant ne soit pas exposé à de nouvelles violences.
La question de la transmission des informations aux parents, mais aussi au milieu scolaire, doit être abordée. Il s’agit d’encourager l’enfant à faire confiance aux adultes et à travailler avec eux pour trouver des solutions adéquates afin de faire cesser la violence.
À l’école
Sur la base de 105 constats de coups recensés par le CAN Team entre septembre 2018 et décembre 2021, il ressort que, dans la majorité des situations (43,8% des cas), le harcèlement ou l’intimidation se produit dans le bâtiment scolaire (classe, corridor, couloir, escaliers) et/ou dans la cour d’école. Certains élèves mentionnent des violences sur le chemin de l’école (15,2% des cas) et/ou sur les réseaux sociaux (4,8% des cas). Le village, le bus, le parc ou la rue sont aussi cités par les victimes.
Les interventions au sein des écoles sont multiples, tant dans la prévention des violences interpersonnelles (développement des compétences socioémotionnelles des élèves, climat scolaire), que dans la détection précoce et la prise en charge de ces situations. Dans chaque établissement scolaire, le corps enseignant est sensibilisé à cette problématique et une équipe de professionnels est formée à la méthode de préoccupation partagée (MPP). La MPP est une approche non blâmante qui permet de minimiser les risques de représailles et de stigmatisation. Afin de briser l’effet de groupe, de courts entretiens individuels sont menés avec les élèves qui intimident. En parallèle, un accompagnement est fourni à l’élève en souffrance par les personnes-ressources de l’école. Enfin, des actions de promotion de la santé et de prévention sont menées par le dispositif cantonal de prévention et de prise en charge des phénomènes de harcèlement et intimidation.
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*Adapté de RedzepiV, SangsueJ, LugonJ, DepallensS. Harcèlement-intimidation entre élèves - De la détection à la prise en charge: comment travailler ensemble? Rev Med Suisse. 2022 Apr 20;18(778):755-758.
Paru dans Planète Santé magazine N° 49 – Juin 2023