L’allaitement rend-t-il les bébés plus intelligents?

Dernière mise à jour 14/04/14 | Article
L’allaitement rend-t-il les bébés plus intelligents?
Deux chercheurs américains en sociologie apportent des éléments de réponse originaux.

Les avantages procurés par l’allaitement maternel sont bien connus. Et ils demeurent indiscutables en dépit des progrès réalisés dans le domaine des laits maternisés. Sa composition évolue et s’adapte aux besoins de la croissance du nourrisson. Il est gratuit et offre des avantages pour la santé de la mère: les suites de couches sont facilitées (diminution du risque d’infections post-partum, réduction plus rapide du volume de l’utérus), la perte de poids est plus rapide et il faut compter, à distance, avec des effets protecteurs contre les cancers du sein et de l’ovaire.

Prévention de l’asthme et des infections

Mais il y a aussi des avantages pour la santé de l’enfant: diminution de l’incidence et de la gravité des infections digestives, ORL et respiratoires lorsque l’allaitement est exclusif et d’une durée d’au moins trois mois. Son rôle dans la prévention de l’obésité de l’enfant et de l’adolescent est probable. Les spécialistes discutent encore de son effet protecteur dans la prévention des allergies alimentaires. Et son rôle dans la prévention de l’asthme semble certain, comme en témoigne une étude critique très récemment publiée dans la revue Social Science and Medicine(1).

Sensibilités maternelles

Reste la question de son impact dans le développement des facultés cognitives, de l’«intelligence». Deux chercheurs américains,  Benjamin G. Gibbs et Renata Forste (département de sociologie de la Brigham Young University), ont mené l’enquête. Ils viennent d’en publier les conclusions dans le Journal of Pediatrics(2).

Leur équipe a analysé les données de 7500 couples mère-enfant suivis dans le cadre d’une cohorte nationale, et ce de la naissance jusqu’à l’âge de cinq ans. Les informations collectées concernaient le cadre de vie de l’enfant et de l’ensemble des interventions des parents vis-à-vis de leur progéniture, jusqu’à la façon et la fréquence avec lesquelles les parents pouvaient lire des histoires à leurs enfants. Les chercheurs ont également analysé des vidéos de chaque mère effectuant différentes activités avec son enfant. Les degrés de la sensibilité maternelle aux signaux émotionnels de l’enfant ont ainsi été évalués.

De deux mois à quatre ans

Au final, il apparaît bien une relation positive entre l'allaitement maternel, pendant une période de trois mois ou plus, et les compétences de l’enfant dans l’apprentissage de la lecture, vers l’âge de quatre ans. Mais ce lien semble plutôt être le résultat de comportements de soutien des parents ainsi que le fait de niveaux d’éducation plus élevés, généralement retrouvés aujourd’hui chez les femmes qui allaitent un trimestre ou plus.

Dans les faits, les auteurs n’identifient que peu de relations directes entre les modes d’alimentation et le développement cognitif des enfants. En revanche, les comportements associés, comme une sensibilité élevée aux signaux émotionnels et le temps passé à lire aux enfants, optimisent le développement du cerveau de l’enfant. Et ce tout particulièrement sur une période décisive comprise entre deux mois et quatre ans.

Lire des histoires tous les jours

Ainsi, le fait de lire quotidiennement des histoires à un enfant chaque jour dès l'âge de neuf mois, et de rester à son écoute, sont des facteurs plus prédictifs de ses capacités cognitives à l’âge de quatre ans que le seul allaitement. A l’inverse, allaitement ou pas, les enfants privés de cet environnement parental n’ont pas les mêmes chances. C’est tout particulièrement vrai chez les enfants de mères célibataires ou ceux ayant des parents à faible niveau d’éducation, donc moins formés aux meilleures pratiques parentales. Ces enfants sont plus à risque d’avoir un plus faible Q.I. et de mauvais résultats scolaires.

Coups de pouce

Il ne faut pas voir là une impasse définitive mais bien un appel aux interventions de formation à la parentalité dans les groupes de population les moins favorisés. «C'est vraiment la parentalité qui fait la différence. L'allaitement façonne les autres comportements parentaux, développe un meilleur mécanisme de réponse à l'enfant et renforce la confiance des parents sur leurs interventions auprès de celui-ci, résume Benjamin G. Gibbs. Même un petit coup de pouce peut favoriser le développement et la trajectoire scolaire d'un enfant».

(1) Un résumé (en anglais) de cette étude est disponible ici.

(2) Un bref résumé (en anglais) de cette étude est disponible ici.

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