Allergie à l’arachide: la traiter avant la naissance
La cacahuète n’a qu’à bien se tenir. Début 2013 on apprenait qu’il était possible de nourrir quelques espoirs dans le traitement des personnes souffrant d’une allergie à l’arachide. Début 2014 une nouvelle piste, préventive, se dessine. Elle est exposée par une équipe de chercheurs dirigés par le Dr A. Lindsay Frazier (Dana-Farber Children’s Cancer Center, Boston) sur le site de la revue médicale spécialisée Jama Pediatrics1.
De l’apéritif au hamburger
Seules les personnes allergiques à l’arachide savent à quel point elle est omniprésente dans notre environnement. Des extraits de la graine de cette plante originaire du Mexique sont en effet utilisés dans de multiples préparations de l’industrie agro-alimentaire: huile, margarine et beurre d’arachide mais aussi (et surtout) farines d’arachide, largement employées en biscuiterie industrielle. Il faut aussi compter avec les arachides décortiquées, les arachides salées, les arachides pour confiseries.
Elle peut encore entrer dans la composition d'aliments divers comme les hamburgers et les substituts de viande (aux Etats-Unis), le lait (en Inde), les céréales, les soupes, les plats préparés et les gâteaux. Elle peut également être utilisée dans des produits divers comme le plastique, les adhésifs, les savons ou les shampoings.
Surprenante conclusion
On estime aujourd’hui que l’allergie à l’arachide affecterait plus d’1% de la population et qu’elle serait clairement à la hausse, notamment chez les enfants. Et il semblait d’autre part acquis que la consommation de cacahuètes sous une forme ou sous une autre durant la grossesse multipliait ultérieurement les risques allergiques de l’enfant, puis de l’adulte.
Or voici que cette donnée est brutalement remise en question: une expositionin uteroà l'allergène de l’arachide augmenterait la tolérance et réduirait le risque d’allergie alimentaire. Telle est la conclusion, surprenante, de l’étude récemment publiée par leJama Pediatrics, et qui plaide pour un régime alimentaire varié durant la grossesse.
Ce travail a été mené auprès de 8205 enfants nés de mères participant à la Nurses' Health Study II. Mères qui avaient fourni un certain nombre de renseignements sur leur alimentation avant, pendant et après leur grossesse. Au final 308 cas d'allergie alimentaire ont été recensés chez ces enfants, dont 140 cas d’allergie à l’arachide (ou aux noix). L’analyse des données montre que les enfants dont les mères non allergiques ont consommé le plus (soit cinq fois ou plus par semaine) de noix ou de cacahuètes (ou du beurre de cacahuètes), ont le risque le plus faible d’allergie.
Arachides et noix conseillées
Il faut ici être prudent:ces conclusions ne prouvent nullement une relation de cause à effet. Elles confirment toutefois que l'exposition avant la naissance à ces allergènes est associée à des probabilités accrues de tolérance et de diminution du risque d’allergie alimentaire à l’enfance. En d’autres termes, les mères non allergiques n’ont donc pas à éviter noix et arachides (cacahuètes) durant leur grossesse et leur période d’allaitement.
Dans un éditorial publié dans la même revue, le Pr Ruchi S.Gupta (Feinberg School, Northwestern University, Chicago) souligne ainsi que ces nouvelles données confirment que la femme enceinte ne doit pas restreindre son alimentation pendant la grossesse. Quant aux femmes allergiques à certains allergènes, si elles doivent continuer à éviter les risques, leur alimentation doit rester la plus variée possible. Il faut ici rappeler que les noix et les cacahuètes sont une bonne source de protéines et fournissent également l'acide folique nécessaire à la prévention de certaines anomalies du tube neural.
Possible prévention
Il est important de rappeler également qu’on a longtemps recommandé aux femmes d'éviter les aliments très allergènes, comme les cacahuètes et les noix, pendant la grossesse et l'allaitement. Dans le même temps on conseillait aussi d’éviter ces allergènes potentiels dans l’alimentation des enfants, et ce jusqu'à l’âge de 3 ans. L’idée était simple: en l’absence de données scientifiques suffisantes, il fallait minimiser au maximum l'exposition aux allergènes.
Aux Etats-Unis, les responsables de l’Academy of Pediatrics avaient approuvé ces recommandations en 2000. Toutefois, face à la hausse spectaculaire des allergies alimentaires, ils les avaient annulées en 2008. Ces nouvelles données, qui plaident pour une exposition précoce aux allergènes, fournissent une nouvelle et intéressante piste de prévention.
1. Un résumé (en anglais) de cette étude est disponible ici.