Le top de la réanimation sauve un ado d’une mort certaine
De quoi on parle
En juin dernier, un jeune Afghan de 19 ans, a coulé alors qu’il nageait dans le lac de Constance. Le temps que les pompiers le ramènent sur la terre ferme, le malheureux est resté immergé vingt minutes dans une eau à 19 °C, selon la NZZ. Transporté à l’hôpital de Constance, il a été réanimé à l’aide d’une technique performante, l’ECMO (acronyme anglais pour oxygénation par membrane extracorporelle). L’accident n’a pas entraîné de séquelles neurologiques, d’après le quotidien zurichois.
Il s’en est fallu de peu, mais le jeune Afghan qui a coulé dans le lac de Constance, en juillet dernier, a été sauvé de sa quasi-noyade et s’en est sorti sans séquelles. Cette heureuse issue, il la doit à une technique d’assistance respiratoire et cardiaque, l’oxygénation par membrane extracorporelle (ECMO). Quand une personne est en arrêt cardio-respiratoire, son sang ne circule plus et ses organes ne sont plus oxygénés. Dans ce cas, l’ECMO permet de recréer artificiellement les échanges gazeux dans ses poumons.
Le principe consiste à «extraire le sang du système veineux de la personne, à le réoxygéner à l’extérieur de son organisme, puis à le réinjecter dans la circulation sanguine», explique Roland Albrecht, médecin-chef et membre de la direction de la Garde aérienne suisse de sauvetage Rega.
Concrètement, les médecins introduisent dans la veine fémorale du patient une canule reliée à une machine. Celle-ci pompe le sang, le fait passer à travers une membrane qui élimine le CO2 et l’enrichit en oxygène – comme le font naturellement les poumons – puis le propulse, soit dans l’artère fémorale, soit dans une veine jugulaire (située dans le cou). La première de ces techniques, nommée veino-artérielle, apporte un support cardiaque et respiratoire, alors que la seconde, dite veino-veineuse, permet uniquement de suppléer au travail des poumons.
Des unités mobiles
Le procédé n’est pas nouveau. La première machine cœur-poumon a été utilisée en 1953, lors d’une opération à cœur ouvert. La méthode n’a toutefois véritablement commencé à se développer qu’au milieu des années 1970, lorsque Robert Bartlett, un chirurgien américain aujourd’hui considéré comme «le père de l’ECMO», l’a employée pour sauver un nouveau-né qui avait inhalé ses selles.
Depuis, la technique a considérablement évolué, notamment en termes de miniaturisation. «Les premières machines pesaient environ 300 kilos et il fallait vingt personnes pour les transporter», souligne Roland Albrecht. Aujourd’hui, il existe des unités mobiles qui «ont le gabarit d’un couffin pour bébé et ne pèsent que 15 kilos – une seule personne peut les porter à la main». Pour les utiliser, il faut toutefois toujours faire appel à du personnel qualifié, notamment des chirurgiens cardiaques et des infirmiers perfusionnistes.
Qu’elle se pratique à l’aide d’unités fixes ou mobiles, l’ECMO a de multiples utilisations, dans les hôpitaux et hors de leurs murs. On y a recours chaque fois qu’il est nécessaire «de permettre au cœur, aux poumons ou au deux de se reposer», précise le médecin-chef de la Rega. Notamment lors des opérations à cœur ouvert, qui obligent à mettre le muscle cardiaque à l’arrêt. La technique s’applique aussi «en cas de pneumonie très grave, d’hypothermie, d’intoxication au monoxyde de carbone et dans bien d’autres situations de réanimation». Notamment lorsqu’une personne s’est quasi noyée, comme ce fut le cas pour le jeune Afghan.
L’assistance cardio-respiratoire n’est utilisée qu’en dernier recours, lorsque malgré l’emploi de méthodes traditionnelles de réanimation cardio-pulmonaire (massage cardiaque, réanimation médicamenteuse, ventilation artificielle etc.), le patient reste en grande défaillance cardio-pulmonaire. Elle est toutefois devenue une pratique courante. «Sur les quelque 2000 personnes souffrant d’affections cardiovasculaires que la Rega transporte chaque année, nous pratiquons environ 30 missions ECMO», précise Roland Albrecht.
Les gestes qui peuvent sauver en cas d'urgence
Face à une personne inconscience qui ne respire pas normalement, on peut tenter quelques gestes de premier secours en attendant l’arrivée des urgences. Et notamment:
Placer la victime sur un plan dur, le plus souvent à terre.
Demander à quelqu’un de prévenir les urgences en appelant le 144.
Effectuer des compressions thoraciques. A cette fin, agenouillez-vous à côté de la victime, placez le talon de l’une de vos mains au milieu de sa poitrine nue et votre autre main au-dessus de la première. Placez-vous de façon à ce que vos épaules soient à l’aplomb de la poitrine de la victime. Bras tendus, comprimez son sternum en l’enfonçant de 5 à 6 cm et en veillant à n’appuyer ni sur la partie inférieure de celui-ci, ni sur les côtes. Après chaque pression, laissez la poitrine de la personne reprendre sa position initiale. Il est nécessaire de faire environ deux compressions par seconde.
Pratiquer des insufflations – le «bouche-à-bouche». Pour cela, placez une main sur le front de la victime et pincez-lui les narines. De l’autre main, tenez son menton de telle sorte que sa bouche s’ouvre. Couvrez entièrement sa bouche de la vôtre et insufflez y légèrement et régulièrement de l’air pendant une seconde, en vérifiant que la poitrine se soulève.
Alterner 30 compressions thoraciques et 2 insufflations, jusqu’à l’arrivée des secours ou jusqu’au moment où la victime retrouve une respiration normale.
Le plus rapidement possible
En Suisse, la Rega collabore principalement avec les hôpitaux de Berne, de Zurich et de Saint-Gall, qui disposent d’appareillages adéquats. Ses trois avions ambulances peuvent en outre embarquer des unités mobiles d’ECMO. En 2010, l’un d’eux a d’ailleurs fait «le premier vol transatlantique sanitaire avec un ECMO-patient reliant Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe, à Francfort, en Allemagne», rappelle le médecin-chef.
Comme toutes les pratiques médicales, l’ECMO n’est pas indemne de complications. Elle peut entraîner «des saignements, notamment lors de la mise en place des canules, explique Roland Albrecht. Dans de rares cas, la technique peut aussi provoquer des infections et même une ischémie (arrêt de la circulation sanguine), chez les patients ayant de sévères problèmes de circulation artérielle dans les jambes.»
Toutefois, l’ECMO permet de réanimer environ 50% des personnes qui en bénéficient. A condition d’être pratiquée le plus rapidement possible, elle a considérablement augmenté le taux de survie.