Diabète de type 1: quand la technologie allège le poids de la maladie

Dernière mise à jour 13/11/19 | Article
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Les innovations technologiques se succèdent pour améliorer la qualité de vie des diabétiques insulino-dépendants. Les mesures de glycémie et les injections font désormais partie du passé pour de plus en plus d’entre eux, mais au quotidien les contraintes de la maladie restent nombreuses.

La prise en charge des diabètes insulino-dépendants a connu de nombreuses évolutions depuis la première injection d’insuline à un patient en 1922. Mais le développement des pompes à insuline puis, il y a quelques années seulement, l’arrivée des dispositifs de mesure du glucose en continu (MGC) a été une révolution pour de nombreux patients. Fini les mesures au bout du doigt, un capteur collé sur la peau suffit désormais. Et depuis quelques mois, certains patients suisses bénéficient d’un système qui couple capteur et pompe afin d’automatiser davantage la délivrance d’insuline. Des innovations qui certes apportent une nette amélioration de la qualité de vie, mais qui ne doivent pas occulter la charge mentale que la maladie fait peser au quotidien sur les diabétiques insulino-traités, presque tous atteints d’un diabète appelé «de type 1».

Pancréas défaillant

Ce diabète de type 1 est souvent diagnostiqué dans l’enfance ou durant l’adolescence. Aujourd’hui encore, les facteurs déclenchants de cette maladie, qui concerne environ 40'000 personnes en Suisse, ne sont pas entièrement compris. Chez ces patients, le pancréas ne produit pas ou pas assez d’insuline, hormone qui permet au glucose d’être capté par les cellules. «En conséquence, d’une part, les patients n’arrivent pas à utiliser le sucre issu de leur alimentation pour fournir l’énergie nécessaire au bon fonctionnement de leurs cellules. Et d’autre part, ils ont une concentration de glucose dans le sang trop élevée, qui peut à la longue provoquer des complications, telles que des rétinopathies, des atteintes rénales ou vasculaires», explique le Pr Jacques Philippe, endocrinologue diabétologue à la Clinique Beaulieu et Genolier, à Genève.

Depuis le début du 20e siècle, des insulines de substitution, d’abord issues de l’animal puis synthétiques, ont été utilisées pour permettre de pallier le manque de production par le pancréas. Mais pendant longtemps, les patients ont en plus dû adapter leur mode de vie à leur traitement, les injections ne parvenant pas à mimer avec une précision suffisante la sécrétion endogène. «Le développement du concept d’insulinothérapie fonctionnelle a été un grand pas, relève la Pre Anne Wojtusciszyn, médecin-adjoint au Service d’endocrinologie, diabétologie et métabolisme du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Le principe est d’adapter les doses aux besoins du patient, en fonction de ses apports en sucre et de son activité physique par exemple. Ceci a été rendu possible par le développement des lecteurs de glycémie qui analysent en temps réel une goutte de sang prise au bout du doigt, et celui d’insulines de plus en plus sophistiquées avec des durées d’action différentes.»

Cette avancée n’a cependant pas permis de sortir du cliché sur le sucre: «Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai dû me justifier parce que j’étais en train de manger une confiserie ou parce que je voulais aller déjeuner au fast-food, déplore Filipe, membre de l’Association Neuchâteloise des Diabétiques, diagnostiqué durant son adolescence il y a une dizaine d’années. Les gens pensent toujours qu’un diabétique ne peut pas manger de sucre, alors que tant que je suis vigilant et que je m’injecte correctement mon insuline, je peux faire ce que je veux!»

Monitorer le glucose en continu

Si manger un gâteau ou une pizza est aujourd’hui possible sans craindre une hyperglycémie, les patients ne sont pour autant pas libérés des injections, au moins trois ou quatre fois par jour, et surtout du contrôle de leur taux de glucose sanguin. «Les gens pensent souvent que ce sont les injections qui pèsent le plus sur les patients, mais on se rend compte que c’est le contrôle glycémique pluriquotidien qui s’avère le plus difficile à tenir au fil du temps, souligne Anne Wojtusciszyn. Cet auto-contrôle permanent est une contrainte lourde, parfois perçue comme stigmatisante par certains patients. Sans compter que se piquer le bout des doigts de manière répétitive est douloureux et peut à la longue altérer la sensibilité des doigts.»

Les pompes à insuline qui délivrent elles-mêmes l’hormone via un cathéter sous-cutané avaient déjà permis d’affranchir les patients des injections pluriquotidiennes. «C’est une vraie libération, car avoir sur soi en permanence ces seringues participe aussi à la stigmatisation, rappelle Filipe. Quand j’étais au gymnase, certains racontaient que je me droguais par exemple!» Depuis deux ou trois ans, c’est un autre dispositif qui a encore amélioré le confort des patients: les capteurs qui rendent superflue la mesure de la glycémie au bout du doigt. Ces dispositifs sous forme de patch cutanés ou sous-cutanés, mesurent le glucose contenu dans le liquide interstitiel, juste sous la peau, et envoient les données à un lecteur – ou pour certains modèles, directement sur le smartphone des patients. «Il ne s’agit pas vraiment d’une mesure de la glycémie, on parle donc de "mesure du glucose en continu" ou MGC, précise Jacques Philippe. C’est un bon reflet de la concentration sanguine de glucose, mais il y a toujours un petit décalage temporel et ça n’exonère pas le patient de rester attentif à ses sensations pour éviter les mauvaises surprises.» En effet, des petits dysfonctionnements nécessitent parfois de revenir à la surveillance capillaire, renchérit la Pre Wojtusciszyn.

Le «Graal» du pancréas artificiel

Ce que redoutent le plus les patients, ce sont les épisodes d’hypoglycémie, qui surviennent notamment quand la dose d’insuline injectée est trop importante, provoquant une diminution subite de la concentration de glucose dans le sang. «Ces hypoglycémies peuvent provoquer des pertes de connaissance, avec parfois des conséquences graves, chutes, accidents, fractures. Les patients qui en font souvent ne ressentent plus les signes avant-coureurs et sont donc particulièrement angoissés par cette épée de Damoclès au-dessus de leurs têtes», explique le Pr Philippe. Pour ces personnes, les systèmes de contrôle en continu sont particulièrement utiles, surtout ceux qui disposent d’alarmes pour alerter le patient sur une évolution anormale de sa glycémie.

Les chercheurs travaillent aussi sur le développement d’un «pancréas artificiel», c’est-à-dire un système qui mime l’organe, appelé boucle fermée, et qui associe capteur de glycémie et pompe à insuline, les deux communiquant à travers un algorithme mathématique pour une délivrance totalement automatisée. En attendant que la technologie soit au point, des systèmes semi-automatisés existent déjà. Filipe est équipé depuis quelques semaines du dernier modèle mis sur le marché. «J’avoue que je me méfiais des arguments marketing, mais ça a vraiment changé ma vie. Après une semaine où le système recueille des données, je n’ai plus maintenant qu’à lui indiquer la quantité de glucides ingérés à chaque repas et l’algorithme adapte ma dose d’insuline.» Le jeune homme souligne quand même que le dispositif nécessite de rester vigilant et d’apprendre à bien compter les apports alimentaires en glucides.

Si ces technologies promettent d’alléger le quotidien des patients, tous n’ont pas encore abandonné les seringues. Seuls 30% des diabétiques de type 1 environ seraient aujourd’hui équipés d’une pompe à insuline. Quant aux capteurs permettant une mesure en continu, ils ne sont pas encore généralisés à tous les patients sous injections. «Les études ont démontré que ces dispositifs permettent d’améliorer le contrôle du diabète, mais encore faut-il que les patients acceptent de les porter en permanence», relève Anne Wojtusciszyn. Certains refusent les capteurs par peur d’être constamment en train de suivre leur glycémie et d’en faire une obsession. Pour d’autres, c’est afficher leur maladie qui pose problème. «Bien sûr que ces technologies sont un plus, moi je ne reviendrai pas en arrière. Mais porter une pompe, avoir un cathéter à changer tous les trois jours, des alarmes qui bipent, ce sont autant de rappels permanents de votre maladie, et je comprends que ce soit difficile pour certains, confie Filipe. On préférerait tous pouvoir oublier qu’on souffre d’une maladie chronique.»

Des molécules qui protègent mieux dans le diabète de type 2

Les patients atteints de diabète de type 2 représentent plus de 90% des cas de diabète. Ce diabète de type 2 est lié au vieillissement et/ou au mode de vie (surpoids, sédentarité, alimentation grasse, sucrée…). Contrairement aux diabétiques de type 1, le pancréas produit de l’insuline en cas de diabète de type 2, mais en quantité insuffisante, et l’organisme développe une résistance à cette hormone. Cette résistance induit des augmentations importantes de la glycémie quand le patient ingère des glucides. Les diabétiques de type 2 doivent donc adopter un régime équilibré et éviter les aliments sucrés en trop grande quantité. Quand les mesures hygiéno-diététiques ne suffisent plus, des traitements qui visent à réduire la glycémie peuvent être prescrits. Parmi les plus récents, deux molécules, les glifozines (inhibiteurs des cotransporteurs sodium-glucose de type 2, iSGLT2) et les incrétino-mimétiques (agonistes des récepteurs du glucagon-like peptide-1 AR GLP-1), ont amené fin 2018 à une modification des recommandations de prise en charge du diabète de type 2. Certains médicaments de ces deux classes permettent de réduire significativement l’incidence des événements cardiovasculaires majeurs (infarctus du myocarde, accidents vasculaires cérébraux ischémiques, etc.) ainsi que la mortalité cardiovasculaire. Les glifozines ont par ailleurs démontré des effets protecteurs sur le rein, un organe souvent touché par les complications du diabète.

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Paru dans Le Matin Dimanche le 03/11/2019.

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