Schizophrénie: tout (ou presque) se joue avant 20 ans

Dernière mise à jour 19/12/13 | Article
Schizophrénie: tout (ou presque) se joue avant 20 ans
Psychose se manifestant le plus souvent à l’adolescence, la schizophrénie résulte de l’interaction entre des prédispositions génétiques et des traumatismes vécus au cours du développement cérébral. Mieux compris, les mécanismes en jeu inspirent de nouveaux traitements et invitent à une prise en charge plus précoce.

Quand la schizophrénie survient, hallucinations, délires, troubles de la pensée, envahissent l’esprit. En même temps le langage, la volonté, le sentiment de plaisir et l’attrait pour la vie sociale diminuent. Particulièrement persistants et handicapants, des déficits cognitifs apparaissent, influant sur les facultés intellectuelles, la mémoire, l’attention. Si ces symptômes se manifestent le plus souvent entre 18 et 25 ans, la schizophrénie trouve son origine bien plus tôt.

Traumatismes chez l’enfant ou l’adolescent

Les études se sont en effet multipliées pour mieux comprendre cette psychose complexe. On sait ainsi aujourd’hui que la schizophrénie provient de l’action conjuguée de facteurs génétiques de vulnérabilité (prédisposant un individu à développer la maladie) et d’un impact négatif de l’environnement au cours du développement cérébral, pendant l’enfance ou l’adolescence.

Les facteurs de risque environnementaux peuvent prendre des formes variées: malnutrition et diabète maternels dans la période fœtale ou périnatale, infections virales ou bactériennes pendant le second trimestre de grossesse, complications périnatales (hypoxie, pré-éclampsie), exposition maternelle à des substances toxiques ou à des traumatismes physiques ou psychiques importants. Chez l’enfant ou l’adolescent, il s’agira de traumatismes crâniens ou de stress psychosociaux majeurs, tels que traumatismes psychiques ou abus sexuels. Pris individuellement, ces facteurs ont un effet relatif et aucun n’est spécifique à la schizophrénie. Mais s’ils se produisent en présence de risques génétiques, ces événements précoces peuvent bel et bien être à l’origine d’une psychose une à deux décennies plus tard.

Les mécanismes en jeu ont été identifiés aux confins du cerveau, lors du processus de maturation cérébrale. Le développement du cortex – la zone entourant les deux hémisphères cérébraux – comporte deux phases cruciales. La première se produit pendant la période prénatale et consiste notamment en la prolifération et l’arborisation des neurones. Cette étape aboutit à une surabondance de connexions neuronales, appelées synapses, que la seconde phase de maturation va corriger en en éliminant une partie. Cet élagage se poursuit jusqu’à l’âge adulte pour permettre une réduction progressive d’une partie de la matière grise (constitutive du cortex) et un remaniement des circuits neuronaux. La communication entre les neurones acquiert ainsi un nouvel équilibre à partir de l’adolescence.

Un autre processus essentiel se joue lors de cette seconde phase de maturation: la myélinisation des neurones. Grâce à elle, les faisceaux de fibres nerveuses qui connectent entre elles les différentes parties du cerveau vont se munir d’une couche protectrice permettant une transmission optimale des impulsions nerveuses.

Altération des circuits neuronaux

Or c’est précisément pendant ces étapes de maturation que la survenue d’un traumatisme, physique ou psychique, chez une personne prédisposée par son profil génétique, peut être à l’origine d’une altération des circuits cérébraux. Des études ont ainsi montré que dans la schizophrénie infantile, la matière grise et l’épaisseur du cortex diminuent beaucoup plus que chez un sujet sain. L’hypothèse va donc dans le sens d’un élagage trop important de certaines connexions nerveuses, entraînant un déséquilibre dans la communication entre les neurones. Un défaut de connectivité lié à un déficit de myélinisation, et un stress oxydatif néfaste aux neurones en formation ont également été constatés.

Du côté des gènes impliqués dans l’ensemble de ces processus de neurodéveloppement, de nombreuses variantes ont été identifiées. Une vulnérabilité s’instaure lorsqu’un individu combine plusieurs d’entre elles dans son génome. La survenue d’un traumatisme pourra alors avoir pour conséquence d’affubler ces variantes génétiques de modifications permanentes. Dites «épigénétiques», ces modifications vont perturber l’expression des gènes, et potentiellement conduire au développement d’une psychose.

Antioxydants à titre préventif

La schizophrénie peut évoluer vers la rémission ou la chronicité. Actuellement la prise en charge combine la prescription d’antipsychotiques et un encadrement psycho-social.

Qu’en est-il des pistes d’avenir? Comme il est, à ce jour, impossible d’intervenir sur les gènes impliqués dans la survenue de la maladie, l’idéal serait de pouvoir se concentrer sur une intervention et une prévention aussi précoces que possible. Pour cela, il s’agira de déceler très tôt les personnes susceptibles de développer la maladie, par le biais de marqueurs biologiques de risque fiables. De nombreux groupes de recherche y travaillent. Chez les personnes identifiées «à risque», des antioxydants, appliqués à titre préventif en cas de traumatismes importants, devraient permettre d’éviter les altérations neuronales et l’apparition de symptômes. Un essai est actuellement en cours chez des jeunes souffrant de psychose débutante, dans l’idée de prévenir l’évolution défavorable de la maladie.

 

Références

Adapté de «Gènes, environnement et neurodéveloppement: le cas de la schizophrénie», Pr Kim Q. Do, Lausanne, in Revue médicale suisse, 2013; 9: 1672-7, en collaboration avec l’auteur.

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