Le psoriasis est difficile à cacher mais se traite bien
De quoi on parle?
Kim Kardashian, Britney Spears et Cara Delevingne ont un point commun insoupçonné: un psoriasis, maladie visible qui s’invite parfois sur les clichés. L’épouse de Kanye West a décidé d’assumer en l’évoquant sans détour dans un épisode de l’émission de télé-réalité «L’incroyable famille Kardashian»: «J’ai un psoriasis, je ne peux rien y faire donc il n’y a aucune raison que je me sente mal à l’aise. Donc, pour me sentir mieux, je parle de tout ce que je n’aime pas chez moi avant un shooting en espérant que personne ne se focalisera dessus», a-t-elle déclaré.
Chronique, non contagieux, douloureux, défigurant et incurable: c’est en ces termes implacables que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) décrit le psoriasis dans une résolution datée de mai 2014. L’objectif affiché y est clair: il faut absolument mieux informer sur la maladie et améliorer l’accès aux soins. On sait qu’entre 2 et 3% de la population mondiale en est affecté. Mais même dans les pays développés, le psoriasis reste insuffisamment traité: une étude américaine a révélé que 45% des personnes qui en sont atteintes n’avaient pas consulté de spécialistes dans les douze derniers mois. Pire: près de 60% de ceux qui souffrent d’arthrite psoriasique, une complication touchant les articulations, étaient sans traitement. Comment l’expliquer? L’étude avance deux thèses: d’abord, les patients se résignent face à des symptômes qu’ils estiment peu graves et, ensuite, ils sont convaincus qu’un médecin ne pourra rien pour eux.
Une origine génétique
Un état d’esprit qu’a constaté le Dr Curdin Conrad, médecin adjoint au service de dermatologie et responsable du Centre du psoriasis au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), lors de ses consultations: «Quand un patient atteint de psoriasis arrive, c’est parfois cinq à dix ans après le dernier contrôle médical. Meurtri par le regard des autres, peu informé sur les traitements existants, il a basculé dans le défaitisme.»
Et pourtant, consulter est crucial. «Le psoriasis n’est pas qu’un problème cosmétique! alerte le Pr Wolf-Henning Boehncke, médecin-chef du service de dermatologie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Non seulement les lésions de la peau peuvent bénéficier de traitements efficaces, mais il y a également des complications fréquentes, inhérentes à la maladie. Parmi elles: un risque accru de troubles cardio-vasculaires, de diabète et, dans 20 à 25% des cas, l’apparition d’arthrite psoriasique, potentiellement dévastatrice pour les articulations. Ces conséquences sont indépendantes de l’intensité des plaques observées sur la peau.» Un diagnostic précis et un suivi régulier, y compris par un rhumatologue si nécessaire, sont donc essentiels pour adapter au mieux le traitement, et prévenir l’apparition de telles complications.
D’origine génétique, les causes de cette maladie restent mystérieuses. Qu’il s’agisse du psoriasis «en plaques chroniques» (80% des cas), «pustuleux palmoplantaire» (pustules présentes sur les mains et les pieds), «en gouttes» (le plus fréquent chez les enfants et les adolescents), ou encore «érythrodermique» (cette forme rare mais violente peut nécessiter une hospitalisation), le mécanisme en jeu est celui d’une maladie auto-inflammatoire. En effet, le psoriasis provient, dans la plupart des cas, d’un «dialogue perturbé» entre des cellules de défense de l’organisme –macrophages et lymphocytes notamment– qui, pensant à tort devoir agir contre un intrus, déclenchent une attaque contre les cellules pourtant saines de la peau, les kératinocytes. L’assaut s’opère par le biais d’agents de terrain, appelés interleukines. C’est ce qui cause l’inflammation ainsi que les démangeaisons. Des plaques rouges apparaissent sur la peau qui, en réaction, décuple la vitesse de renouvellement de ses cellules. Ces cellules en surnombre finissent par mourir. Et c’est l’accumulation de cellules mortes qui génère les taches blanches que l’on observe sur la peau des malades. Le grand problème du psoriasis est que ce cercle vicieux inflammatoire ne s’arrête pas de lui-même. En période de «crise» comme dans les semaines d’accalmie, l’inflammation demeure. En cela, la maladie est dite incurable.
Une bonne hygiène de vie est indispensable
Le psoriasis ne se résume pas à un problème de peau, il peut avoir des répercussions sérieuses sur l’organisme. Et une bonne hygiène de vie a le pouvoir de l’apaiser. Le Pr Wolf-Henning Boehncke, médecin-chef du service de dermatologie des Hôpitaux universitaires de Genève, donne ces quelques conseils.
- Surveiller sa ligne: Un problème d’obésité est souvent rencontré en cas de psoriasis. Le surpoids est-il la cause ou la conséquence de la maladie? Des études sont en cours pour le déterminer, mais sans hésiter, le médecin conseille de normaliser son poids. En plus des bénéfices sur l’état général, cela agira sur l’efficacité du traitement anti-psoriasis.
- Ne pas fumer: Parce qu’il favorise les processus inflammatoires, le tabac est particulièrement déconseillé en cas de psoriasis.
- Dompter le stress: Le trop-plein de stress est un facteur déclenchant des poussées de psoriasis. Adopter des stratégies pour mieux gérer les situations éprouvantes est donc essentiel.
- Jouer un rôle actif dans le traitement: «Je me marie dans deux mois», «Je peux prendre le temps qu’il faut», «Je ne supporte plus les crèmes»: parler sincèrement à son médecin de ses souhaits et des problèmes éventuels liés aux soins permet d’adapter au mieux le traitement.
Remèdes révolutionnaires
Mais peut-être pas pour toujours… «Nous disposons depuis les années 2000 de traitements révolutionnaires: des médicaments biologiques créés à partir d’anticorps capables de neutraliser les interleukines à l’origine de l’inflammation», reprend le Dr Conrad. Ce traitement, principalement réservé aux cas sévères de psoriasis en plaques, a vu une nouvelle génération arriver en avril dernier. Il s’agit d’injections capables d’éteindre l’interleukine 17, sans doute l’un des agents inflammatoires les plus féroces. «Les premiers résultats sont spectaculaires, tant dans l’atténuation des symptômes qu’au niveau de la vitesse d’action», se réjouit le spécialiste.
A noter que dans la majorité des cas – ceux dont les lésions touchent moins de 10% de la surface du corps – le traitement classique est l’application de pommades concentrées en corticoïdes et en dérivés de vitamine D, doublées de crème réhydratante. Des séances de photothérapie peuvent compléter ce traitement.
Reste que tous les psoriasis, les formes rares en particulier, n’ont pas livré leurs secrets, ni trouvé leur traitement. «La génétique a encore plusieurs défis à relever, confirme le Dr Conrad. L’objectif ultime est de pouvoir un jour repérer dans le sang les marqueurs génétiques propres à chaque patient pour pouvoir lui prodiguer un traitement personnalisé, donc parfaitement adapté.»
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