Le profil génétique du migraineux sort de l’ombre
On connaît bien des choses sur la migraine, cette maladie qui affecte plus d’une personne sur dix dans le monde. Et l’on peut ainsi répondre à bien des questions que se posent les migraineux et leur entourage. Reste l’essentiel, qui est encore largement hors de portée: la cause première qui fait que l’on peut souffrir de manière souvent très caractéristique et dans des circonstances similaires à échéance plus ou moins rapprochée.
Des vaisseaux aux neurones
Les origines de la maladie sont encore loin d’être complètement élucidées. Longtemps on a pensé que la cause des douleurs était vasculaire: augmentation du diamètre des vaisseaux (vasodilatation) dans le territoire cérébral douloureux, augmentation de la «perméabilité vasculaire». La souffrance dans la moitié du crâne (caractéristique de la crise migraineuse) résultait de modifications du flux sanguin.
Puis les travaux menés depuis près d’un demi-siècle ont conduit à bouleverser cette lecture: loin d’en être la cause, la vasodilatation des vaisseaux sanguins cérébraux était une conséquence de la crise migraineuse. Il fallait remonter en amont (vers les structures du système nerveux) pour comprendre et, partant, mieux traiter. Le développement des recherches en génétique vint ensuite compléter cette approche. Ceci semblait d’autant plus logique que de nombreuses observations témoignent depuis très longtemps de la dimension héréditaire d’un «terrain migraineux», la maladie elle-même commençant généralement à s’exprimer, passée l’enfance, dans la première partie de la vie.
Plus de 100 000 personnes
Il fallait dès lors parvenir à faire un lien entre le patrimoine héréditaire (les gènes) des migraineux et les observations vasculaires et neurologiques précédentes. Comprendre, aussi, pourquoi le déclenchement des crises est soumis à de très nombreux facteurs de nature hormonale (cycle menstruel), psychologique, physique, alimentaire (boissons alcooliques notamment) ou plus généralement environnementale.
C’est là un gigantesque puzzle moléculaire dont la résolution est en plein développement. Le point actualisé de ces recherches vient d’être fait dans la revue Nature Geneticspar un consortium international de chercheurs travaillant dans de nombreux pays et institutions (comme on peut le voir ici). Cette publication fait la synthèse des données génétiques issues de vingt-neuf études menées au total sur plus de 100 000 personnes. Elle établit que douze régions génétiques bien spécifiques (douze «loci») sont directement impliquées.
Comprendre les raisons de la crise
Ces douze loci sont en effet concernés par des variations génétiques bien particulières, plus fréquentes chez les personnes qui souffrent de migraines. Un «profil génétique» du migraineux sort ainsi progressivement de l’ombre. En toute logique, fournissant une meilleure compréhension des causes de la crise migraineuse, il devrait définir des indications précieuses quant aux voies biologiques et aux mécanismes moléculaires concernés –et donc des pistes pour de nouveaux médicaments efficaces, voire préventifs.
Les auteurs de cette publication ont plus précisément «consolidé» les données de vingt-neuf études «pangénomiques» internationales, portant sur 23 285 personnes migraineuses et 95 425 personnes témoins. Plus de cinq mille patients migraineux étaient suivis dans des centres spécialisés. Les chercheurs ont identifié des variations d'une seule lettre dans douze loci associés à la susceptibilité à la migraine, dont cinq tout à fait nouveaux. Les gènes concernés sont dénommés AJAP1, TSPAN2, fhl5, C7orf10, MMP16, APOA1BP, TBC1D7, FUT9, STAT6 et ATP5B. Trois loci montrent la plus forte association au risque de la migraine et deux la plus forte association aux migraines dites «sans aura» (distinctes de celles «avec aura»). Huit des gènes concernés sont connus pour leur implication étroite dans la physiologie des cellules nerveuses.
L’espoir de nouveaux médicaments
Il faut ajouter ici l’annonce il y a quelques semaines de la découverte du premier gène dont il a pu être démontré qu’une seule mutation était la cause d’une forme typique de la migraine. Ce travail, mené par une équipe de l’Université de Californie San Francisco (UCSF), a été publié dans la revue Science Translational Medicinepar le Dr Louis J. Ptáček, professeur de neurologie (résumé en anglais ici).
Le puzzle est encore loin d’être complet: les chercheurs doivent encore évaluer comment ces variations situées dans ces régions génétiques peuvent très concrètement, par cascade d’événements moléculaires, parvenir au déclenchement des crises. Pour l’heure chaque variation sur chaque loci identifié semble de nature à contribuer à la susceptibilité d'une personne. «Il s’agit là, reconnaissent les chercheurs, d’une compréhension de la susceptibilité à la migraine encore modeste. Mais elle pourra, à terme, contribuer au développement de nouveaux traitements.»
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La migraine est une variété de maux de tête fréquente. Elle s'accompagne souvent de nausées, de vomissements, et d'une intolérance au bruit et à la lumière.