Enfin du nouveau pour les migraineux
En Suisse, dix à quinze personnes sur cent souffrent de migraines et trois sur cent ont des céphalées chroniques. Cette maladie, qui représente un énorme marché pour les entreprises pharmaceutiques, a fait l’objet d’intenses recherches. Les efforts ont été couronnés de succès puisqu’un nouveau médicament réellement innovant devrait bientôt être commercialisé dans notre pays.
Inflammation des méninges
La migraine n’a rien à voir avec de simples maux de tête. Elle provoque des douleurs intenses qui souvent «tapent» d’un côté de la tête, parfois précédées d’auras (taches ou lignes lumineuses, fourmillements, voire troubles du langage). A cela s’ajoutent des nausées et des vomissements, ainsi qu’une sensibilité accrue à la lumière et au bruit qui oblige les personnes qui en souffrent à s’isoler dans le noir. C’est dire si la maladie est invalidante, surtout pour ceux souffrant d'une migraine chronique –qui se traduit par une crise plus d’un jour sur deux, au moins pendant trois mois.
Bien qu’elle soit courante, la migraine est encore mal comprise. «Ses mécanismes restent incertains, mais nous savons qu’ils incluent une dilatation et une inflammation des vaisseaux sanguins des méninges, ces enveloppes qui entourent le cerveau», explique le neurologue Philippe Ryvlin, chef du département des neurosciences cliniques du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Chez certaines personnes, notamment celles qui ont des auras, «ces phénomènes seraient enclenchés par une altération au niveau cérébral».
Les facteurs déclenchant les crises varient d’ailleurs d’une personne à l’autre: cela peut être la boisson (notamment le vin blanc), le manque de sommeil, le stress, des variations du cycle hormonal et bien d’autres choses encore.
Pour soulager la douleur en période de crise, les médecins prescrivent des antalgiques –du paracétamol ou de l’ibuprofène, «un peu plus efficace» selon le spécialiste du CHUV. Quand ces traitements ne font pas suffisamment d’effet, on recourt à des médicaments antimigraineux, les triptans, qui contractent les vaisseaux trop dilatés.
Quant au traitement de fond, destiné à prévenir les crises ou à réduire leur fréquence, il passe par des bêta-bloquants, des antidépresseurs ou des antiépileptiques. Toutefois, «ces médicaments s’accompagnent d’un risque important d’effets secondaires. Les bêta-bloquants font baisser la tension artérielle de façon excessive, ce qui peut poser problème chez certains patients, et les antiépileptiques sont des médicaments très puissants qui ont tendance à ralentir le fonctionnement cérébral. Les antidépresseurs sont les mieux tolérés s’ils sont pris à petite dose». En outre, ces différents traitements sont contraignants puisqu’ils obligent à prendre quotidiennement un médicament.
Une injection par mois
D’où l’espoir que suscite l’arrivée d’une nouvelle classe de médicaments spécialement développée pour traiter la migraine, la première depuis la commercialisation des triptans, il y a vingt ans. Ces anti-PRGC (Peptide Relié au Gène Calcitonine) sont des anticorps monoclonaux capables de reconnaître et de neutraliser le peptide qui, «lorsqu’il est libéré en excès dans le cerveau, favorise l’inflammation des méninges».
Ces médicaments «ne sont pas des produits miracle», précise Philippe Ryvlin, mais ils présentent plusieurs avantages. A en juger par les résultats «très positifs» des essais cliniques, ils seraient «globalement plus efficaces que les traitements actuels tout en entraînant moins d’effets secondaires, car ils ont une action très spécifique». En outre, ils ne nécessitent qu’une injection par mois, «ce qui faciliterait la vie des jeunes adultes en bonne santé qui ont de la peine à prendre un médicament tous les jours».
Quatre anti-PRGC sont actuellement en phase avancée de développement. L’un d’eux, élaboré par Novartis, vient d’être approuvé aux Etats-Unis par la FDA (l’autorité américaine de la santé) et il a reçu un avis favorable de l’Agence européenne du médicament. En Suisse, sa commercialisation a été annoncée à plusieurs reprises et chaque fois repoussée, mais elle semble maintenant imminente. Philippe Ryvlin espère donc pouvoir disposer de ce nouveau traitement «d’ici la fin de l’année».
Autres moyens de soulager la migraine
Outre les médicaments, il existe plusieurs autres moyens d’atténuer les douleurs ou de prévenir les crises de migraine.
La stimulation électrique transcutanée: Elle consiste à stimuler les nerfs à l’aide d’une électrode adhésive. Celle-ci est placée dans un bandeau en plastique que l’on garde sur son front pendant vingt minutes, tous les soirs avant de se coucher. Utilisée en traitement de fond, la neurostimulation permet de prévenir les crises et, quand elles sont là, de les atténuer. Chez certaines personnes, «elle peut avoir un effet remarquable, constate Philippe Ryvlin, neurologue au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Mais d’autres n’y répondent pas ou ne la supportent pas».
Les injections de Botox: Injectée dans diverses régions du crâne, la toxine botulique (utilisée aussi en médecine esthétique pour gommer les rides) est «une option que nous proposons au CHUV, précise le spécialiste. Le Botox peut diminuer l’intensité et la fréquence des migraines chroniques, mais il n’est pas efficace pour traiter les migraines épisodiques». Les effets du produit ne durent que trois à quatre mois et les injections doivent être répétées régulièrement.
L’autohypnose: «De nombreux patients souffrant de migraines fréquentes et invalidantes ont une sensibilité particulière au stress», souligne Philippe Ryvlin. Toutes les méthodes permettant de gérer le stress sont donc les bienvenues, qu’il s’agisse de la relaxation, du yoga, de la méditation en pleine conscience ou encore de l’autohypnose qui peut être aussi utilisée «pendant les crises pour atténuer la douleur».
La kétamine: Encore en phase expérimentale, la kétamine, un produit anesthésiant, pourrait être utilisée pour soulager les personnes souffrant de céphalées très intenses qui résistent aux thérapies habituelles. Une bonne piste pour les patients chez lesquels les traitements conventionnels n’ont pas eu d’effet, même si, selon le spécialiste du CHUV, «ce produit est délicat à manipuler».
L’intervention chirurgicale: Proposée par une clinique de Suisse romande, l’opération vise à décompresser des nerfs sensitifs de la tête en écartant les ligaments, les muscles ou les vaisseaux qui les compriment. «L’ensemble de la communauté des spécialistes de la migraine est opposé à cette méthode qui n’a pas fait la preuve de son efficacité», commente Philippe Ryvlin. En outre, compte tenu de ce que l’on connaît des mécanismes conduisant à la maladie, «il est difficile de faire un lien entre l’origine de la migraine et ces nerfs sensitifs». Le spécialiste du CHUV met aussi en garde ceux qui seraient tentés par l’expérience: «quand on opère les nerfs, on prend le risque de créer des lésions secondaires qui peuvent conduire à des douleurs séquellaires, dites neuropathiques».
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Paru dans Le Matin Dimanche le 22/07/2018.
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