Le lupus est difficile à diagnostiquer
De quoi on parle?
Les faits
La chaîne américaine Fox met un terme à la série culte «Dr House» en raison de coûts de production trop élevés et d’une audience en baisse.
Les dates
Après huit saisons et un ultime épisode, diffusé le 21 mai dernier aux Etats-Unis, la série la plus populaire au monde s’arrête.
Le bilan
Hugh Laurie, alias Gregory House, se consacrera dorénavant à la musique. Il se produira le 9 juillet prochain au Festival de jazz de Montreux avec son album «Let Them Talk».
C’est la fin des consultations pour le Dr House et pour ses millions de fans. Confrontés aux pires scénarios, combien de fois, au cours des huit saisons, les héros se sont-ils demandé: «Et si c’était un lupus?» Grâce à la série américaine, cette maladie est devenue très populaire auprès des téléspectateurs. Mais qui, au juste, en connaît les caractéristiques?
Au Dr Camillo Ribi, chef de clinique au Service d’immunologie et d’allergologie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et coresponsable de la Cohorte suisse sur le lupus érythémateux systémique (SSCS), de nous éclairer: «Le lupus érythémateux systémique est une maladie autoimmune, chronique, dans laquelle le système immunitaire s’attaque aux cellules de l’organisme. Il s’agit d’une maladie rare. On estime à environ 4000 le nombre de personnes qui en souffrent en Suisse.» Dans neuf cas sur dix, elle touche des femmes en âge de procréer, en particulier qui approchent la quarantaine. Mais elle peut aussi atteindre les enfants et les personnes âgées. En fait, il existe plusieurs types de lupus. La forme la plus sévère, le lupus «systémique», s’attaque à de nombreuses parties du corps (peau, reins, articulations, coeur, poumons, cerveau, etc.). Dans certains cas, l’inflammation se limite à la peau. On parle alors de lupus «cutané». Chez 10% de ces patients seulement, la maladie finit par s’étendre à d’autres organes.
De multiples facettes
Mais pourquoi le lupus est-il souvent évoqué dans les réflexions diagnostiques du Dr House et de son équipe? «Comme l’inflammation est susceptible d’affecter tous les organes et les tissus, ses manifestations cliniques peuvent être très diverses: poussées de fièvre inexpliquées, perte de poids, fatigue, malaise général, douleurs articulaires ou musculaires, lésions cutanées (chute de cheveux, aphtes, plaques rouge en forme de papillon autour des yeux et du nez), gonflement des ganglions, troubles de la vision, difficultés de concentration, état dépressif, symptômes psychiatriques aigus…», détaille le Dr Ribi.
Complexe sur le plan de ses manifestations, le lupus l’est aussi en termes de causes. On suppose qu’une combinaison de facteurs génétiques, hormonaux, environnementaux (déclenchement de la maladie par une maladie infectieuse comme la mononucléose ou exposition aux rayons UV, par exemple) en est à l’origine.
En raison de ses multiples facettes, cette maladie peut ressembler à beaucoup d’autres, au même titre que la syphilis, souvent suspectée par les médecins de la série. «Ainsi, lorsqu’on se trouve face à un cas complexe, il s’agit d’avoir en tête les différentes manifestations du lupus en vue d’un diagnostic aussi rapide que possible», relève le Dr Pierre-Alexandre Bart, médecin adjoint au Service d’immunologie et d’allergie du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Pour aboutir à ce diagnostic, quatre critères (sur onze) sont requis: manifestations cutanées, arthrite, atteintes rénales et neuropsychiatriques. Au niveau sanguin, la maladie se marque, en général, par la présence d’anticorps spécifiques dirigés contre les protéines et débris cellulaires de l’organisme.
Traître et imprévisible
Bien que rare, le lupus est l’une des maladies auto-immunes les plus fréquentes. «Les médecins sont sensibilisés à son existence, mais il arrive que le diagnostic soit posé tardivement, poursuit le Dr Bart. C’est le cas lorsque les manifestations sont peu spécifiques. Un patient traité, par exemple, pour des douleurs articulaires simples peut, des années plus tard, présenter des symptômes plus graves qui mèneront à des investigations plus poussées et au diagnostic de la maladie.»
Car le lupus est aussi traître qu’imprévisible. Calme pendant des années, il peut ressurgir et devenir difficilement maîtrisable. Sa sévérité est fort variable selon les patients et selon les périodes chez un même individu.
Certains vivent normalement, tandis que d’autres doivent renoncer à une activité professionnelle. On peut même mourir de ses complications, en cas de défaillances d’organes (hémorragie cérébrale ou pulmonaire, insuffisance rénale), d’où l’intérêt d’un diagnostic précoce et d’un suivi régulier. «Il est essentiel que les patients soient bien informés de smanifestations de la maladie, en particulier de la nécessité de se protéger du soleil et de prendre leur traitement régulièrement», souligne le Dr Bart.
Aujourd’hui, pour prévenir les rechutes et éviter les complications, on prescrit, pour les formes légères à modérées, des antimalariques (qui traitent la malaria) et, pour les lupus les plus sévères, des immunosuppresseurs. Et ces prochains mois, des médicaments biologiques spécifiques et prometteurs pour les cas légers seront mis sur le marché.
Des Dr House dans nos hôpitaux?
Prise en charge
S’il n’y a pas de cellule diagnostique identique à celle dirigée par le Dr House dans les hôpitaux universitaires romands, ceux-ci s’organisent à leur manière pour prendre en charge les cas les plus complexes. Au CHUV, depuis 2009, une petite unité placée sous l’égide du Service d’immunologie et allergie accueille les patients présentant les signes d’un syndrome inflammatoire. Chaque semaine, un collège de spécialistes (en immunologie, néphrologie, pneumologie, gastro-entérologie, entre autres) se réunit pour définir la démarche diagnostique, prévoir les investigations nécessaires et, le cas échéant, débuter un traitement. «Cette prise en charge rapide, en présence de tous les intervenants, est un vrai plus pour les patients.
C’est également très stimulant pour les spécialistes, qui doivent argumenter leur position en vue d’obtenir une attitude consensuelle», déclare le Dr Pierre-Alexandre Bart, coordinateur de l’unité.
Aux HUG, l’Unité d’investigations et de traitements brefs a pour vocation d’offrir aux patients complexes, envoyés par les médecins généralistes, une prise en charge centralisée et multidisciplinaire dans un laps de temps réduit.
«Une batterie d’examens est programmée à l’avance et réalisée sur quelques jours pour préciser un diagnostic, évaluer le degré d’atteinte du patient et ajuster son traitement», explique le professeur Jean-Michel Gaspoz, chef du Département de médecine communautaire, de premiers recours et des urgences.
La vicodine n’existe pas en Suisse
Antidouleur
Célèbre pour son sale caractère, le Dr Gregory House l’est aussi pour son addiction à la vicodine. Que sait-on de ce produit qui calme ses douleurs à la jambe et agit en même temps comme véritable leitmotiv de la série? «Il s’agit d’un médicament contenant deux substances différentes: le paracétamol, bien connu pour son action contre la douleur, et l’hydrocodone. L’association de cet opiacé renforce les effets de l’antalgique», explique Nicolas Schaad, pharmacien responsable de la Pharmacie interhospitalière de la Côte. En Suisse, la vicodine n’existe pas sous forme isolée.
L’hydrocodone elle-même est enregistrée comme un stupéfiant et s’utilise contre les toux très rebelles. «Mais de manière générale, poursuit Nicolas Schaad, on lui préfère le tramadol ou la morphine, dont les effets ont été davantage étudiés. L’hydrocodone provoque une tolérance et une dépendance très marquées et ne présente pas d’intérêt particulier par rapport à d’autres substances». Aux Etats-Unis, en revanche, on la prescrit de manière plus globale dans les centres de la douleur, mais aujourd’hui avec prudence en raison d’une augmentation des décès par overdose.