Zoom sur le vaccin contre la grippe
Le vaccin contre la grippe est-il récent?
Le vaccin contre la grippe saisonnière a une longue histoire. Le premier a été développé en 1938. Dix ans plus tard, l'OMS mettait en place un programme de surveillance mondiale des épidémies de grippe. Aujourd'hui les deux vont de pair: les données de la surveillance mondiale servent à définir la composition du vaccin.
Le vaccin contre la grippe protège-t-il contre une seule maladie?
Oui, mais contre différentes espèces de celle-ci. Le vaccin protège contre le virus influenza, autrement dit contre la grippe. Mais il immunise contre plusieurs types et sous-types de virus influenza présents chez l'Homme: A(H1N1), A(H3N2) et B.
Le parcours de l'épidémie
«Deux modèles décrivent le chemin de la grippe sur la planète, détaille Yves Thomas. Pour le premier, les nouveaux virus de grippe naissent en Asie. On y trouve en effet une très grande variété de climats et un réservoir humain et animal important. A un instant donné, on trouve dans cette zone presque toutes les variétés possibles de virus influenza à la fois humain et animal. A partir de l'Asie partiraient donc une à trois variantes de virus humains qui feraient le tour de la planète en deux à trois ans.
- Pour le second, les nouveaux virus naissent près de l'équateur. On observe dans ces zones une présence de la grippe toute l'année. On y trouverait donc une hétérogénéité supérieure au reste du globe qui "déborderait" régulièrement vers le nord ou le sud.
- »La première hypothèse est plus solide car elle se base sur un plus grand nombre de souches. Elle jouit aujourd'hui de plus de crédit chez les spécialistes de l'influenza.»
Peut-on attraper la grippe si l'on a été vacciné?
Oui, bien que vacciné, il est toujours possible d'être contaminé par un virus influenza. C’est le cas pour les personnes avec un système immunitaire affaibli (personnes âgées ou immunosupprimées notamment). Il peut aussi exceptionnellement arriver que la souche circulante soit différente de celles que cible le vaccin. Néanmoins, dans les deux cas, «la maladie sera bien mieux contrôlée et ses complications fortement réduites, précise le Dr Thomas. De même, on transmettra bien moins le virus.»
De plus, l'efficacité du vaccin ne se limite pas aux trois souches précises qu'il vise. «Les anticorps qu'il produit vont reconnaître toute une gamme de virus proches de ces souches.»
Pourquoi faut-il se refaire vacciner chaque année?
Pour deux raisons. En premier lieu, l'efficacité du vaccin diminue avec le temps. On estime ainsi qu'elle dure de huit à dix mois pour les personnes en bonne santé, explique Yves Thomas. «Pour les individus dont l'immunité est diminuée, comme les personnes âgées, il s'agit plutôt de six mois.» La réponse immunitaire que le corps met en œuvre face au vaccin n'est en effet pas optimale. Le vaccin contre la grippe saisonnière crée moins d’immunité que d'autres vaccins, notamment parce qu'il ne contient pas d'adjuvant.
Cela explique en partie pourquoi les campagnes pour promouvoir la vaccination commencent en octobre et pas plus tôt dans l'année. Il faut en effet que les personnes vulnérables puissent être immunisées jusqu'à la fin de l'épidémie.
En deuxième lieu, le virus influenza mute régulièrement et les souches contre lesquelles protège le vaccin d’une année donnée ne seront pas forcément les plus répandues l'année suivante.
Cette répétition annuelle est "lourde", admet Yves Thomas. Quelqu'un qui se fait vacciner cette année n'est pas forcément "acquis à la cause". Le fera-t-il encore dans dix ans?»
La composition du vaccin contre la grippe saisonnière change d'année en année. Comment décide-t-on de quelles souches il sera composé?
A travers le monde, l'OMS coordonne un gigantesque réseau de surveillance de la grippe, détaille Yves Thomas. Ainsi, «dès que l'épidémie arrive et tout au long de celle-ci, des analyses sont réalisées pour identifier les variétés de virus qui circulent. Quand arrive le mois de février, les experts internationaux de la grippe font le point durant une semaine à l'OMS, à Genève.» Et à l'issue de cette réunion, ils présentent des recommandations internationales sur la composition du vaccin de la saison suivante. Les entreprises pharmaceutiques entament alors la production des doses vaccinales.
Mais cela suppose que huit mois se passent entre le moment où l'on fixe la composition du vaccin et l'arrivée de l'épidémie qu'il doit atténuer.
Oui, et parfois l'une des souches ciblées par le vaccin mute avant même d'arriver en Europe. Ou se transforme au cours de l'épidémie. Il peut donc arriver que le vaccin ne protège pas contre l’une des souches de grippe qui circule de manière significative (soit qui compose au moins 30% de l'épidémie).
La situation ne devient cependant préoccupante que si le vaccin prévient mal la souche de grippe qui est la plus répandue au sein de l’épidémie. Or, c'est un événement plutôt rare. «En 1997, nous avons eu un réel problème, se souvient Yves Thomas. Le virus influenza H3N2 qui a le plus circulé était très différent de celui que ciblait le vaccin.» En 2012 par contre, «le vaccin protégeait mal contre l'influenza B. Mais celle-ci ayant très faiblement circulé, on ne peut pas dire qu'on ait eu un problème de vaccination.»
Par ailleurs, on observe depuis quelques années que les trois souches d'influenza humaine (les deux A et la B) circulent en parallèle, sans qu'il y ait une prédominance nette de l'une des trois. Une réédition de la situation connue en 1997 paraît de ce fait moins probable.
Est-il possible que les experts réunis à l'OMS ratent leur prédiction et que le vaccin soit complètement inefficace?
Il n'est jamais arrivé que le vaccin rate ses trois cibles à la fois.
Les experts sont cependant depuis dix ans confrontés à un nouveau défi: deux lignées différentes d'influenza B circulent chaque année. Or, le vaccin n'en cible qu'une. Les Etats-Unis ont donc inclus en septembre 2013 dans leurs recommandations annuelles l’usage de vaccins quadrivalents qui visent les deux virus influenza A et les deux lignées B.
L'horizon d'un vaccin universel
Chaque année, il faut un nouveau vaccin contre la grippe saisonnière. A développer, fabriquer et dispenser. Un processus long et dispendieux.
Les chercheurs espèrent donc développer un vaccin universel contre la grippe. Qui demeurerait efficace d'année en année ou qui, du moins, conférerait une immunité prolongée par rapport aux vaccins actuels.
Dans un article paru sur le site de la BBC, le journaliste scientifique Ed Yong cite trois pistes prometteuses pour obtenir une telle panacée.
- On a découvert que certains patients produisent des anticorps qui les défendent contre une large palette de virus de la grippe différents. Il s'agirait donc de créer un vaccin qui puisse faire fabriquer à tout un chacun de tels anticorps.
- Une autre stratégie consiste à «booster» le vaccin en fabriquant un hybride entre des molécules de ferritine et les parties du virus de la grippe que notre immunité reconnaît (hémagglutinines). La structure de la ferritine lui permet d'être plus efficacement reconnue par notre système immunitaire qu’un vaccin classique, dans une proportion de 10 à 40 fois supérieure. Pour l'instant, un tel vaccin n’a été testé que sur l'animal.
- Enfin, une autre piste consiste à doper la réponse immunitaire en forçant l'organisme à produire à l'avance des lymphocytes T, des globules blancs puissants mais qui s'activent trop lentement pour faire habituellement face à la grippe.