Tristesse, émotivité à fleur de peau... Si c’était une dépression?
Quels sont les signes d’alerte d’un état dépressif?
La dépression est souvent mise au jour au décours d’une consultation avec le médecin généraliste. Pour diagnostiquer une dépression, les médecins s’appuient bien sûr sur les critères de classification de référence en psychiatrie. Mais les signes les plus typiques lors d’un entretien entre le médecin et son patient sont des plaintes concernant la fatigue, des maux de ventre ou de dos inexpliqués, et une faiblesse émotionnelle au cours de l’entretien. Tristesse et anhédonie, c’est-à-dire une incapacité à éprouver du plaisir dans les activités qui d’habitude en procurent, sont les deux symptômes que le médecin doit rechercher systématiquement, en s’informant également du contexte de vie.
Ces symptômes ressemblent beaucoup à ceux du burnout. Comment être sûr qu’il s’agit d’une dépression?
Les symptômes sont grossièrement similaires mais les conséquences sont très différentes. Le burnout n’est d’ailleurs pas officiellement reconnu, il s’est glissé dans les pratiques, comme le mobbing. Il est en relation avec des situations de surcharge professionnelle, de durcissement des contraintes auxquelles nous sommes tous soumis au travail. Certains signes sont, c’est vrai, caractéristiques du burnout - le cynisme par exemple. Mais la véritable différence est que les périodes de congé améliorent l’humeur du patient en burnout. Alors que, pour sa part, le patient déprimé se sent encore moins bien lors des congés: ils augmentent sa culpabilisation.
Existe-t-il un seul type de dépression?
C’est une question clé. Elle est liée au débat sans fin autour de la classification des troubles mentaux, pour lesquels manquent des signes biologiques ou neurobiogiques que l’on trouve dans plusieurs maladies comme le diabète ou la maladie de Parkinson par exemple. La dépression est une affection à plusieurs facettes souvent accompagnée par d’autres signes de souffrance psychique, comme l’anxiété par exemple: la considérer comme une entité étanche, selon les critères de classification actuels, me semble réductionniste.
En dehors du contexte de vie, connaît-on des facteurs favorisant la dépression?
La médecine psychiatrique a fondé beaucoup d’espoirs, à travers de larges études génomiques, sur la recherche d’une prédisposition génétique aux troubles mentaux, dont la dépression ; mais les seuls pour lesquels nous avons eu des résultats dans ce sens sont la schizophrénie, les troubles bipolaires et l’autisme. Concernant la dépression et de nombreuses autres maladies d’ailleurs, une nouvelle piste s’ouvre, bouleversant d’anciens dogmes énoncés il y a trente ans : l’épigénétique, c’est-à-dire l’influence de l’environnement et de l’histoire personnelle sur l’ADN. En d’autres termes, le discours tout génétique est désormais pondéré par celui sur l’impact de l’environnement.
Quels sont les traitements?
Pour les dépressions de sévérités légère et moyenne, les approches psychothérapeutiques sont tout aussi efficaces que les approches pharmacologiques. Pour les dépressions sévères par contre, le traitement médicamenteux s’avère nécessaire pour corriger un déséquilibre important sur le plan neurobiologique, combiné à un traitement psychothérapeutique pour avoir le meilleur effet sur l’humeur. Nous sommes très sensibles à cet aspect-là en Suisse, ce qui n’est pas le cas de pays limitrophes comme la France, où la prescription de psychotropes se fait trop facilement, sans toujours proposer cet accompagnement psychologique.
Y-a-t-il des risques de rechute?
La dépression est une maladie récidivante et après deux ou trois épisodes dépressifs, elle se déclenche presque automatiquement. Un facteur de stress majeur – comme la perte d’un emploi, un deuil, une séparation – n’est même plus nécessaire pour retomber en dépression. Un événement mineur peut suffire, parfois même une baisse légère et transitoire de l’humeur. Mais prévenir la rechute est possible. Nos données et celles provenant d’autres pays montrent qu’une approche de huit semaines de «méditation en pleine conscience», une thérapie dans laquelle le patient apprend à modifier sa propre attitude face aux symptômes de la dépression, qu’il a appris à reconnaître, réduit de moitié le risque de rechute, de résultats comparables à ceux obtenus avec les traitements médicamenteux seuls dans la prévention des rechutes.
Un état dépressif peut-il s’observer au niveau cérébral?
Aujourd’hui, grâce à la neuroimagerie, il est possible d’étudier et observer les modifications cérébrales. Par exemple, on sait que la dépression est davantage une hyperactivité qu’une sous-activité cérébrale. Il existe typiquement dans la dépression une hyperactivité de la zone du cerveau dédiée aux émotions, comme un feu que l’on n’arriverait pas à éteindre. On peut soit baisser le feu, ce qui est le rôle des médicaments qui agissent à ce niveau-là pour réduire l’hyperactivité, soit le recouvrir, ce que font les psychothérapies. Dans la prévention de la rechute nous avons pu observer les effets de la méthode de méditation en pleine conscience. Chez les méditants novices ou ayant suivi uniquement notre formation de huit semaines, ce sont plutôt les mécanismes de «couverture» qui interviennent, correspondant à une réévaluation des émotions en cours. Chez les méditants expérimentés comme les moines, il s’agit carrément de mécanismes d’extinction.
Référence
Adapté de «Dépression: la méthode de «pleine conscience», une nouvelle approche de la rechute», M. Casselyn, B. Kiefer, G. Bondolfi, in Revue médicale suisse 2013;9:91-93, en collaboration avec les auteurs.
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