Environ 15% des individus souffrent un jour de dépression
De quoi on parle?
Les faits
Dans un documentaire consacré au groupe Genesis diffusé sur la chaîne anglaise BBC2, Phil Collins avait confié souffrir d’un profond mal-être. Depuis son divorce d’avec la Suissesse Orianne Cevey, le chanteur aurait même sombré dans la dépression. L’alcool, la solitude et différents problèmes de santé ont remplacé les paillettes.
Le bilan
Malgré son immense fortune, le Vaudois d’adoption (il habite Féchy) n’a pas pu échapper à ce mal qui peut tous nous concerner un jour.
Tout le monde peut être touché par la dépression. En octobre dernier, après un divorce, beaucoup d’alcool, une perte d’élan vital accompagnée de maux somatiques, c’était au tour de Phil Collins, 63 ans, de sombrer dans la dépression.
Comme lui, 15% de la population connaît, un jour ou l’autre, un épisode dépressif. Dans deux tiers des cas, il s’agit d’un épisode unique, après lequel la personne reprend le cours de sa vie, non sans un réaménagement. «On n’est jamais le même après une dépression», déclare le Pr Panteleimon Giannakopoulos, chef du département de santé mentale et de psychiatrie aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Malheureusement, dans environ un tiers des cas, après une première cassure, une certaine fragilité s’installe et donne lieu à des troubles dépressifs récurrents qui nécessitent des changements en profondeur.
L’absence de motivation à se lever, évoquée par le musicien, est assez caractéristique. Le trouble s’accompagne en effet d’une perte de toute envie ou de plaisir de vivre, mais aussi de tristesse, d’isolement, d’un sentiment d’inutilité, de dévalorisation de soi et d’une forte anxiété. Les ruminations négatives à propos du passé ou de l’avenir sont aussi caractéristiques. Parfois s’y ajoutent des idées suicidaires. Sur le plan cognitif, des difficultés de concentration et d’attention peuvent survenir. Mais une «vraie dépression» est une constellation de symptômes qui, selon l’expression du Pr Giannakopoulos, «prennent en otage la vie de l’individu».
Corps et esprit impliqués
Souvent, les premiers signes sont d’ordre somatique, avec des troubles du sommeil (difficulté à s’endormir, sommeil fragmenté, cauchemars, parfois hypersomnie) et de l’appétit (fringales ou au contraire une perte d’appétit). L’origine de l’état dépressif est à la fois biologique et psychologique.
Au niveau cérébral, une perturbation des neurotransmetteurs (des messagers chimiques comme la dopamine, la sérotonine, la noradrénaline) semble impliquée dans la régulation de l’humeur et de l’énergie. «On ignore encore si un déficit de ces substances ou un simple dysfonctionnement en est responsable», explique le Dr Nicolas Belleux, vice-président du Groupement des psychiatres-psychothérapeutes vaudois et psychiatre à Lausanne.
Sur le plan psychologique, une spirale de pensées et d’émotions négatives s’installe, auxquelles certains individus seraient plus enclins: «Ceux-ci sont généralement touchés très tôt dans leur vie, à l’adolescence déjà, et présentent ensuite des formes plus graves de la maladie», précise le Pr Giannakopoulos. La dépression aurait également une composante héréditaire, sans qu’on ait pu identifier de gènes spécifiques. Toujours est-il que le risque d’en souffrir est plus élevé si un parent est atteint.
Indépendamment d’une prédisposition familiale, les facteurs déclencheurs sont divers. Il peut s’agir d’un événement unique et traumatisant comme le suicide d’un proche, une expérience violente comme un braquage, la guerre. Mais aussi de perturbations chroniques de l’existence, comme une violence psychologique ou physique, une carence affective, le harcèlement au travail, des problèmes de couple ou de santé.
Quelques règles pour éviter de sombrer
Une hygiène de vie saine peut prévenir la dépression:
- Dormir suffisamment.
- Adopter une alimentation équilibrée, riche en fruits et légumes.
- Cultiver des liens sociaux.
- Pratiquer une activité physique, le sport étant un puissant antidépresseur.
La rupture ou la perte de sens
Phil Collins évoquait de son côté son divorce comme le début de sa descente aux enfers. En effet, confirme le professeur genevois, «lorsqu’une relation significative s’arrête ou qu’un être cher décède, on peut avoir la sensation qu’une partie de soi-même s’en va». «Ce sentiment de perte de sens survient aussi quand on passe d’une situation connue à une situation inconnue, corrélée avec la perte de quelque chose d’important», complète le Dr Belleux.
En d’autres termes, toute période de transition, que ce soit l’adolescence, la grossesse, la perte d’un emploi, le départ des enfants, la ménopause, la retraite, une opération chirurgicale importante, peut déclencher de profonds questionnements existentiels: «A chaque fois, les cartes se rejouent et les capacités adaptatives de l’individu sont sollicitées», explique le professeur genevois.
Mais nous ne sommes pas tous égaux face à ces stress de la vie. Certains plongent dans la tristesse ou se replient, tandis que d’autres les prennent comme un défi. C’est la notion même de «résilience, complète le Dr Belleux, c’est-à-dire la capacité à rebondir et à trouver des solutions face à des épreuves».
Hommes et femmes inégaux face à la dépression
Les scientifiques ignorent pourquoi, mais les femmes sont plus exposées aux troubles dépressifs que les hommes: 15% des femmes contre 10% des hommes seraient touchées.
Plusieurs hypothèses sont avancées par les médecins: des raisons sociologiques d’abord, «les femmes connaîtraient beaucoup de frustrations dans une société encore très masculine», avance le Pr Panteleimon Giannakopoulos, chef du département de santé mentale et de psychiatrie aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG).
D’autres facteurs, de type hormonaux, culturels et en lien avec la maturation cérébrale, pourraient être également en cause.
L’expression de la maladie est elle aussi différente selon les sexes. La femme demande plus facilement de l’aide ou consulte pour des problèmes somatiques. Chez l’homme, des conduites à risques (en voiture ou s’exprimant par une violence domestique) et une association forte avec une addiction – l’alcool notamment – sont des signes avant-coureurs qui remplacent une demande d’aide verbalisée.
Toutefois, la société évoluant, les hommes s’autorisent aujourd’hui davantage à discuter de leurs difficultés.
Entourage impuissant
Comme le montre l’exemple du chanteur britannique, la reconnaissance sociale et l’argent ne sont pas des facteurs protecteurs face à la dépression. «Un enfant dont les parents sont riches mais qui reçoit peu d’affection sera plus exposé à la dépression qu’un enfant pauvre mais choyé», illustre le Dr Belleux. Ce qui compte surtout, c’est le vécu subjectif de chacun et le sens qu’on donne aux événements de sa vie.
Cultiver des relations affectives avec des personnes de confiance est précieux pour faire face aux remous de l’existence. Mais lorsque la dépression frappe, les proches ne suffisent bien souvent pas pour s’en sortir. «La dépression est une maladie qui suscite souvent l’intolérance et un manque de compréhension», confirme le Dr Belleux. Toutefois, oser se confier est primordial pour sortir de l’isolement, selon le spécialiste lausannois pour qui la dépression n’est pas un mal incurable. Une psychothérapie, parfois associée à des antidépresseurs, permet dans beaucoup de cas d’en guérir.
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