Dépression: savoir quand s’inquiéter
EXPERTS
Souffrance intolérable

Pris isolément, les symptômes qui composent le tableau de la dépression ne sont pas inquiétants. Mais lorsqu’ils s’accumulent, il y a de fortes chances que le fonctionnement social et personnel soit perturbé. Dès le moment où la souffrance est telle qu’elle empêche de vivre et de travailler normalement, la question doit se poser. Rappelons que le risque principal d’une dépression qui s’enlise est le suicide. Raison pour laquelle la prise en charge précoce de cette maladie est essentielle.
Rôle de l’entourage

Prisonnière de ses ruminations et privée d’énergie, une personne qui broie du noir toute la journée sans quitter son fauteuil n’a pas envie de consulter. Elle n’en a ni la force, ni l’envie. Elle a honte de son état et n’a pas très envie de se montrer. Et puis, elle est persuadée que rien ne peut l’aider et qu’il n’y a pas d’espoir que cela puisse aller mieux un jour. Alors, à quoi bon se bouger? D’où le rôle central de l’entourage qui, face au déclin de l’un des siens, va lui faire part de son inquiétude.
Inciter à consulter

Est-il vrai qu’on ne peut pas le presser à consulter, que cela dépend de lui? Non. Le déprimé pense en effet que cela ne sert à rien de voir quelqu’un. Une manière de le motiver à consulter est de lui proposer simplement d’entendre un autre avis que le sien, un regard neutre sur sa situation. «Ce n’est pas normal d’être aussi fatigué, tu devrais aller chez le médecin!» ou «Cela ne peut plus continuer comme ça, je veux que tu ailles te faire soigner!». Les proches doivent parfois se battre pour obtenir du déprimé qu’il se rende chez un médecin.
Il boit trop, il fume trop…

La consommation excessive d’alcool peut cacher un problème de dépression. Face à un proche ayant un problème d’alcool, l’entourage doit se poser la question de la dépression et encourager la personne à consulter un médecin dans tous les cas. Ajoutons encore que les déprimés fument souvent beaucoup ou encore s’adonnent à la prise de stupéfiants.
Grosse fatigue

Devant une fatigue qui dure, avec ou sans raison objective (surcharge au travail, déménagement, maladie…), il est préférable d’en parler avec son médecin. Se réveiller le matin avec un sentiment de fatigue sur une période de plusieurs semaines n’a rien de normal.
Autres situations évocatrices: vous ne vous souvenez plus à quand remonte votre dernière bonne nuit de sommeil… Ou, au contraire, vous avez l’impression d’avoir une couette à la place du cerveau: vous cherchez tout le temps à dormir.
Amaigrissement subit

Une perte de poids significative, sans raison qui l’explique (régime, intoxication alimentaire…) doit toujours motiver une consultation médicale. Le but étant de rechercher la cause de cet amaigrissement subit qui peut être le signe d’une dépression, mais pas seulement. Nombre de maladies physiques peuvent entraîner un amaigrissement. A l’inverse, un comportement boulimique avec prise de poids ne doit pas laisser indifférent: la dépression est souvent associée aux troubles du comportement alimentaire.
Douleur «fantôme»

Tout symptôme physique qui dure et qui ne reçoit pas d’explication claire, médicale ou non, peut être associé à une dépression. Face à des maux de dos, de tête ou de ventre qui n’ont pas de cause organique, un médecin aguerri doit se poser la question d’une dépression masquée.
Deuil récent

Une perte importante telle que le décès d’un proche, une séparation affective, une grave déception est souvent le facteur déclenchant d’une dépression. Le processus de deuil devient pathologique et nécessite un soutien professionnel quand la douleur morale ne s’atténue pas, voire même s’aggrave avec le temps. Sentiment d’impuissance qui envahit toutes les sphères de la vie, incapacité de faire face aux obligations au quotidien: autant d’indices qui doivent inciter à consulter un médecin.
Du désespoir au suicide

Les idées suicidaires sont une des signatures de la dépression. Mais entre le moment où l’espoir disparaît et celui où l’on décide d’en finir, il y a un pas énorme à franchir. On estime que 15% des personnes hospitalisées pour une dépression vont finir par se suicider à un moment ou à un autre de leur vie.
Est-ce vrai que ceux qui parlent tout le temps de se suicider ne le font jamais ? Faux. Un tiers des suicidés en avaient parlé à leur entourage, et deux tiers ont consulté un membre du corps médical dans le mois précédant leur geste.
Idées suicidaires: les signaux d’alarme

Les signaux avant-coureurs d’une tentative de suicide ne sont pas toujours évidents à identifier.
- Propos évoquant de près ou de loin l’idée de mort: «Plutôt mourir que d’être aussi mal» ou «Je suis un poids pour vous».
- Actes évoquant des préparatifs avant le suicide (testament, rangements inhabituels, dons d’objets…).
- Désespoir profond.
- Humeur très instable.
- Etat d’angoisse aigu.
- Idées intenses de culpabilité.
Lassitude de vivre (1/2)

Répétons-le, le déprimé profond ne va pas demander d’aide, car il est intimement convaincu que sa situation est sans issue. A la base de toute velléité de se supprimer, il y a un profond désespoir associé à un constat irrémédiable: la situation n’est plus supportable. Le plus souvent, l’idée du suicide ne va pas s’imposer immédiatement. Peu à peu, le sentiment de désespoir va engendrer une profonde lassitude à l’égard de la vie. La valeur de la vie perd progressivement de son importance. Encore à l’état d’esquisse, l’idée d’arrêter toute cette souffrance commence à germer. On se prend à imaginer qu’un accident de voiture pourrait mettre un point final à tout ce gâchis.
Lassitude de vivre (2/2)

Puis, si rien n’est fait pour arrêter cet enchaînement morbide, vient l’idée d’un scénario pour mettre fin à ses jours. Cette phase de préparatifs est parfois «visible»: il ne faut pas hésiter à questionner face à un comportement évoquant le grand départ, comme des rangements inhabituels, le don d’objets de valeur, la réalisation d’un testament, etc. Malheureusement, les pensées suicidaires n’en restent pas toujours là et se concrétisent souvent par une tentative, «réussie» ou non, de mettre fin à ses jours.
Quand penser à l’hospitalisation? (1/2)

Premier cas de figure: la personne vient de passer à l’acte et nécessite des soins urgents. Ou alors, si elle ne l’a pas encore fait, la menace est évidente. Autre situation très inquiétante: la personne présente tous les traits d’une mélancolie, une des formes les plus graves de la dépression. A quoi la reconnaît-on? La vie semble avoir quitté le corps comme l’esprit du malade. Son visage a les traits figés, son regard est fixe. Prostré, ralenti et inerte, parlant peu, sa voix est monocorde. Il répond avec lenteur et de manière brève. Ses gestes sont lents et pénibles.
Quand penser à l’hospitalisation? (2/2)

Dans des cas extrêmes, la personne ne parvient même plus à accomplir les gestes élémentaires de la vie courante. Sa tristesse insondable et son pessimisme sans bornes peuvent s’accompagner d’idées, parfois délirantes, de culpabilité et d’incurabilité. Il arrive aussi que la personne fasse état d’hallucinations (une voix, une image).
A retenir: la mélancolie est grevée d’un risque suicidaire très élevé. Enfin, dans de rares cas, souvent liés à un problème d’abus de substances, il arrive que le patient se montre très irritable et agressif envers les autres. Cette situation potentiellement dangereuse appelle également une prise en charge rapide.
Plan d’urgence

Lorsque la situation est grave, voire désespérée, il ne faut pas hésiter à utiliser les services d’urgence à disposition. Ces derniers varient selon les régions: visites à domicile, consultations d’urgence à l’hôpital général ou psychiatrique, consultations spécialisées décentralisées.
A noter que, par méconnaissance de leur problème ou par peur d’être stigmatisées, certaines personnes préfèrent se rendre aux urgences de l’hôpital général que de consulter un psychiatre en cabinet privé. Le fait est que, trop souvent, les gens attendent d’être dans la détresse pour demander l’aide d’un médecin, spécialisé ou non.
Help line

Les lignes d’écoute du type «La main tendue» (143) ou la help line proposée par l’Alliance contre la dépression en Suisse (022 305 45 45) sont d’une grande aide pour les personnes déprimées et leurs proches. Outre des entretiens téléphoniques, ce type de service donne des informations importantes sur les différentes possibilités de prise en charge médico-sociale en cas de problèmes psychiques.
Extrait de:
J’ai envie de comprendre… la dépression (éd. 2012), de Suzy Soumaille en collaboration avec Guido Bondolfi et Gilles Bertschy

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