Dépression: les facteurs de risque
EXPERTS
Influence des gènes
Le gène de la dépression n’existe pas. Après des années de quête vaine, les chercheurs parlent dorénavant de vulnérabilités génétiques au pluriel, une multitude de gènes étant vraisemblablement impliqués.
On sait que la dépression a des implications biochimiques au niveau du cerveau et que l’activité des neurones et de leurs neurotransmetteurs est défaillante. La prédisposition à ces dysfonctionnements, qui se traduit par une tendance à la dépression, peut se transmettre d’une génération à l’autre.
Susceptibilité familiale et environnementale
Reste que la susceptibilité génétique à la dépression est à prendre au sens large: elle est à la fois familiale et environnementale. En effet, nous recevons en héritage des gènes, mais aussi une certaine manière de faire face aux événements négatifs, pertes et autres frustrations. L’environnement affectif et éducatif contribue donc aussi à la vulnérabilité d’un individu à la dépression.
Les enfants de parents dépressifs ont un risque quatre fois plus élevé de développer un trouble affectif. Mais la vulnérabilité génétique n’est qu’un aspect: l’environnement éducatif et les perturbations familiales provoquées par la dépression sont également en cause.
Antécédents personnels
La dépression est une maladie hautement récidivante. Toute personne ayant connu un épisode dépressif doit rester sur ses gardes et apprendre à repérer les signes d’une éventuelle rechute.
Blessures d’enfance (1/2)
Perte d’un parent, maltraitance, abus sexuels, carences affectives: les événements de vie négatifs survenus pendant l’enfance peuvent de toute évidence devenir des facteurs de vulnérabilité à l’âge adulte. Le risque est d’autant plus élevé que l’enfant n’a pas bénéficié d’autres sources affectives capables de «réparer» les souffrances subies. Plus tard, au cours de la vie adulte, les blessures du passé peuvent être réveillées lors d’un événement donné.
Blessures d’enfance (2/2)
On sait, par exemple, que chez les personnes prédisposées ayant subi une perte parentale dans leur jeunesse, une séparation à l’âge adulte agira particulièrement comme facteur déclenchant d’une dépression. De même, une souffrance liée à un vécu d’abandon pendant l’enfance peut se réveiller à l’occasion de déceptions ou de conflits. Bref, les blessures mal cicatrisées ont cette fâcheuse tendance à faire mal encore longtemps après.
Garçons/filles
Avant la puberté, filles et garçons sont égaux face à la dépression. Mais à la puberté, l’écart se creuse. Une des explications tient à l’éducation qui varie selon le sexe. Par exemple, on tolère mieux une fille qui pleure qu’un garçon. Autre piste, les transformations physiques liées à la puberté sont plus visibles chez les filles, rendant plus difficile leur acceptation. Sans parler des idéaux de maigreur véhiculés par notre société, propices au développement de troubles du comportement alimentaire (boulimie et anorexie), eux-mêmes générateurs de dépression.
«Accidents» de parcours
La survenue dans l’existence d’événements douloureux constitue indéniablement un facteur de risque. Ces coups durs impliquent tous une perte (matérielle ou affective), ou une déception par rapport aux autres ou à soi-même qui mettent à mal les capacités d’adaptation de l’individu.
A noter que si des circonstances malheureuses sont souvent présentes lors du premier épisode dépressif, leur rôle semble moins significatif lors des rechutes. La dépression semble se réactiver d’autant plus facilement qu’elle s’est déjà manifestée.
Evénements stressants
Les épreuves de la vie les plus impliquées dans le déclenchement de la maladie sont:
- Décès d’un enfant, un conjoint, un proche
- Emprisonnement
- Problème financier majeur, faillite
- Licenciement, chômage
- Infidélité du conjoint, divorce, séparation conjugale
- Citation en justice
- Grossesse non désirée, avortement
- Maladie personnelle grave
- Ménopause
- Echec à un examen important
- Déménagement, changement d’école
Etapes de vie «normales»
Les pertes et les renoncements font partie de l’existence. C’est pourquoi tous les changements de vie importants sont potentiellement des périodes à risque. Entrée à l’école, puberté, mariage, naissance d’un enfant, déménagement, départ d’un enfant du foyer, ménopause, départ à la retraite et même une promotion professionnelle. Ces passages obligés provoquent provisoirement la perte de l’équilibre antérieur et exigent une nouvelle adaptation. Certaines «mues» sont parfois si douloureuses qu’elles préparent le terrain à une dépression.
Stress au travail
Le stress est la réponse de l’organisme à toutes les contraintes de son environnement physique, affectif et social. Côté face, le stress a tout pour lui: il propulse les battants, soutient les bourreaux de travail, et transforme la fatigue en énergie. Côté pile, il est toxique: un excès de surchauffe finit par griller les circuits avec, à la clé, le spectre d’un «burn-out».
Le manque de contrôle de la situation est le point commun à tous les stress professionnels. Patrons ou ouvriers, cadres ou employés, toutes les catégories sociales sont concernées.
Le stress est aussi le signe d’une frustration ou d’une agression. Quand le travail n’offre pas de reconnaissance personnelle, le sentiment d’insatisfaction prend le dessus et la dépression n’est jamais loin.
Problèmes d’emploi (1/2)
En période de récession, le chômage cristallise à lui seul une collection de pertes: perte du statut social, sentiment d’inutilité, dégradation de l’image de soi. Dans une société où le travail est le principal vecteur de l’identité, perdre son emploi constitue une blessure narcissique plus ou moins profonde selon les individus.
Problèmes d’emploi (2/2)
Pour autant, la prospérité économique ne résout pas tous les problèmes et génère aussi ses exclus. Le marché de l’emploi est très exigeant et ne fait pas de cadeaux aux personnes peu formées. Ces laissés-pour-compte de la croissance ressentent un fort sentiment d’injustice. Enfin, la nécessité de progresser dans la vie active peut également être une source de souffrance. Ceux qui ne parviennent pas à s’élever dans la hiérarchie comme leurs collègues sont tentés de se dévaloriser, de se reprocher leur manque d’initiative. Pour finir, ils pensent qu’ils valent moins que les autres et se sentent exclus.
Isolement social
Entourage pauvre ou inexistant, l’isolement social et affectif est une forme de gangrène morale pouvant mener à la dépression. Et comme si cela ne suffisait pas, le processus s’auto-alimente: plus on est déprimé, plus on s’isole, moins on s’investit, plus on déprime…
La femme «piégée» à la maison avec ses enfants, l’immigré perdu dans une ville qu’il ne connaît pas, l’adolescent timide parachuté dans un nouveau collège, le vieux monsieur veuf dont les enfants habitent très loin. Autant de situations à risque.
Maladies physiques
Une foule de maladies somatiques chroniques et invalidantes exposent à un risque de dépression.
Dans la liste, on trouve les affections neurologiques (Parkinson, sclérose en plaques, attaques cérébrales…), les maladies endocriniennes (troubles de la thyroïde, diabète), celles touchant directement ou indirectement le cerveau, les cancers, le sida, l’infarctus du myocarde. La survenue de l’épisode dépressif est souvent liée à la perte de la bonne santé et celle de l’autonomie. Des renoncements majeurs qui nécessitent des trésors d’adaptation pour accepter une nouvelle réalité physique faite de limitations et de contraintes.
Maladies psychiques
Les troubles anxieux, en particulier les phobies sociales, le trouble panique et les troubles obsessionnels compulsifs sont clairement des facteurs de risque dans l’apparition d’une dépression. Citons également les dépendances telles que l’alcoolisme et la toxicomanie ainsi que d’autres affections psychiatriques comme la schizophrénie et la maladie d’Alzheimer.
Dépendance à l’alcool
Non seulement la consommation excessive d’alcool tue directement (maladies du foie, cancers), mais aussi indirectement. En effet, en raison de ses effets désinhibiteurs, elle augmente clairement le risque suicidaire.
En freinant la libération des neurotransmetteurs dans le cerveau, l’alcool instille la dépression chez ceux qui en abusent chroniquement. Explications: une fois la dépendance installée, le manque d’alcool favorise angoisse et mal-être. La personne n’a alors pas d’autre choix que de reboire pour fuir la réalité de sa vie qui se détruit à petit feu. Autre preuve du rôle délétère de l’alcool sur le mental: le sevrage met un terme à la dépression dans deux tiers des cas.
Mauvaise estime de soi
La dévalorisation personnelle est une constante dans la dépression. Cause ou conséquence de la baisse de l’humeur, elle participe dans tous les cas à la vaste entreprise «d’autosabotage» du déprimé. Toutes les sources d’altération de l’estime de soi, telles que les deuils précoces, les graves carences affectives ou les abus sexuels, sont susceptibles de fragiliser une personne et de miner durablement son capital de confiance en soi. La valeur de soi se construit dans l’interaction. On peut même dire qu’elle se transmet au berceau puis tout au long de l’enfance. Autant dire que le contexte familial joue un rôle central dans le développement de cet aspect fondamental de la personnalité.
Extrait de:
J’ai envie de comprendre… la dépression (éd. 2012), de Suzy Soumaille en collaboration avec Guido Bondolfi et Gilles Bertschy
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