Au troisième âge, le binge drinking accélère l’Alzheimer
L’alcoolisme peut prendre bien des visages ; et des visages parfois bien changeants. De nombreuses études (essentiellement menées au Royaume-Uni, aux Etats-Unis et en Europe du nord) concluent à la tendance à la généralisation de la pratique du binge drinking (ou «biture express») chez les adolescents. C’est là un phénomène inquiétant face auquel les autorités sanitaires (sans parler des parents) semblent aujourd’hui très largement démunies. Mais ce phénomène pourrait bien toucher également d’autres tranches d’âge. C’est ce que laisse redouter une étude présentée à la Conférence internationale de l’Alzheimer Association organisée à Vancouver. Elle tend à montrer que l’abus d'alcool ainsi consommé (de manière à obtenir très rapidement une alcoolémie élevée) augmente de 60% le risque de déclin cognitif et de démence chez les personnes âgées.
Peut-on parler de binge drinking chez les personnes âgées? En toute hypothèse, l’affaire ne touche pas que les adolescents. Aux Etats-Unis, un adulte américain sur six y goûte et ce environ quatre fois par mois. C’est du moins le constat récemment établi par le Morbidity and Mortality Weekly Report (MMWR) des Centers for Disease and Prevention (CDC) américains. En d’autres termes, plus de trente-huit millions d’adultes américains pratiquent le binge drinking. Ce dernier y est défini comme la consommation sur une très courte période de temps de 4 verres « standards » (ou beaucoup plus) pour les femmes et de 5 verres (idem) pour les hommes.
Outre Atlantique, ceux qui « bingent » (la pratique a d’ores et déjà donné naissance à un verbe du 1er groupe) ont tendance à le faire fréquemment et avec une intensité élevée. La prévalence globale dubinge drinking s’y élève à 17,1%. Parmi les buveurs excessifs, la fréquence est de 4,4 épisodes par mois, l'intensité de 7,9 verres par occasion. La prévalence du binge drinking (28,2%) et l'intensité (9,3 verres) sont plus élevés chez les personnes âgées de 18 à 24 ans.
Plus inquiétant, ce sont précisément certains groupes considérés auparavant comme peu enclins qui s'y adonnent le plus souvent et qui consomment alors le plus. Mais alors que la pratique semblait généralement plus courante chez les jeunes adultes âgés de 18 à 34 ans, on voit apparaître dans les statistiques une nouvelle entité : les buveurs excessifs de 65 ans et plus déclarant coutumiers du binge drinking et ce cinq à six fois par mois. On «bingerait» plus fréquemment dans les foyers à revenus supérieurs (75’000 $ ou plus) mais la pratique gagnerait aussi dans les ménages à revenus inférieurs à 25’000 $), à raison de 8 à 9 verres par «séance», soit bien au-delà du volume d’alcool qui peut mener à l’intoxication et à la dépendance. Les palmes nationales reviennent au Midwest, à la Nouvelle-Angleterre, au District de Columbia, à l'Alaska et à Hawaï. En toute rigueur, dans ce pays qui se souvient encore de sa célèbre politique de prohibition, de tels résultats devraient déclencher une mise en œuvre drastique de nouvelles mesures de contrôle de l'accès à l'alcool et d’augmentation des prix.
C’est dans ce contexte que des chercheurs se sont plus particulièrement intéressés au binge drinking et à ses conséquences chez les seniors. Le travail a été mené sous l’égide du Peninsula College of Medicine and Dentistry de l’Université d'Exeter (Royaume Uni). En pratique, les auteurs ont analysé – avec un suivi de huit ans - les données de 5’075 participants âgés de 65 ans ; un travail mené dans le cadre d’une enquête nationale représentative des adultes américains: la Health and Retirement Study. Il s’agissait d’évaluer les effets de la consommation excessive d'alcool sur la fonction cognitive. D’une manière générale, les liens entre consommation excessive d'alcool chez les personnes âgées et le risque de développer une démence ne sont guère explorés à la différence notable des risques cardio-vasculaires et de blessures intentionnelles ou non intentionnelles.
L’étude montre que dans le groupe étudié, 8,3% des hommes et 1,5% des femmes de 65 ans et plus s’adonnent au binge drinking une fois par mois ou plus (4,3% des hommes et 0,5% des femmes, 2 fois par mois ou plus). Les participants qui déclarent un binge drinking au moins une fois par mois ont un risque accru de 62% de faire partie du groupe qui connaît le déclin le plus important (-10%) de ses fonctions cognitives et un risque accru de 27% d'être dans le groupe qui connaît la plus grande perte de mémoire. Ceux qui déclarent «binger» deux fois par mois ou plus s’avèrent 2,5 fois plus susceptibles de connaître à la fois déclin cognitif et perte de mémoire majeurs.
Ces faits étant établis et statistiquement significatifs, la question soulevée n’est pas des plus simples : faut-il développer toute une stratégie préventive pour lutter contre ce phénomène? Faut-il au contraire considérer que, tout bien pesé, le libre arbitre est différent à cet âge. Ne suffirait-il pas d’informer au mieux les personnes âgées concernées. Au risque de s’entendre répondre qu’elles assument le risque auquel elles s’exposent. Voire pire: qu’elles s’adonnent à cette pratique, précisément, pour ne plus se souvenir. Boire, en somme, pour oublier.
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