Alzheimer: la prévention fonctionne
La recherche bat son plein et ne lâche rien. A ce jour, sur plus de 250 médicaments testés en laboratoire contre la maladie d’Alzheimer, seuls quatre ont franchi les phases décisives de tests permettant leur commercialisation. Leur nom: Donépézil, Rivastigmine, Galantamine, Memantine. Leur action: favoriser la communication cérébrale pour compenser la mort de neurones. Mais la pilule miracle est encore loin. «Ces molécules freinent l’évolution de la maladie, mais chez 40% des patients seulement et sur une année environ. Au-delà, les bienfaits stagnent», explique le professeur François Herrmann, épidémiologiste et gériatre aux Hôpitaux universitaires de Genève. Alors les investigations se poursuivent.
Quelques pistes pour démêler le vrai du faux
On la sait ennemie de la mémoire, mais elle n’est pas que cela. Aperçu de quelques spécificités de la maladie d’Alzheimer avec le Pr François Herrmann, épidémiologiste et gériatre aux Hôpitaux universitaires de Genève.
La maladie d’Alzheimer commence par des troubles de la mémoire | VRAI ET FAUX
Pour 75% des patients atteints de la maladie d’Alzheimer, des trous de mémoire sont le premier signe du trouble; les 25% restants en sont donc préservés, au début. Parmi les faits caractéristiques, les tâches complexes du quotidien: préparer un repas, faire ses comptes, deviennent de plus en plus laborieuses, l’entrain pour les loisirs et la vie sociale s’éteint, le caractère change.
Une démence comme une autre | FAUX
Les démences les plus fréquentes sont la maladie d’Alzheimer, les démences vasculaires et les démences mixtes, mélange des deux premières. La maladie d’Alzheimer se distingue notamment par une réduction – observable par IRM – d’une structure cérébrale clé de la mémoire, l’hippocampe.
Les femmes sont plus touchées que les hommes | VRAI
Sur 144 156 cas d’Alzheimer relevés en Suisse en 2015, on comptait 94 639 femmes contre 49 517 hommes. La raison d’un tel écart est encore mal comprise et l’espérance de vie augmentée des femmes n’explique qu’une partie de cette différence.
En attendant, l’action se place sur le terrain de la prévention. «Les facteurs de risque et les comportements protecteurs ont été clairement identifiés, souligne le spécialiste. Parmi les agents néfastes: l’hypertension artérielle, le tabagisme, l’obésité. Côté alliés: le niveau d’instruction, l’activité physique ou encore une vie sociale stimulante. Et surtout, on sait aujourd’hui qu’agir sur ces leviers peut être payant».
Succès des actions de prévention
C’est ainsi qu’une étude réalisée en 2011* a montré des résultats éloquents: diminution du risque de développer la maladie d’Alzheimer de 19% en élevant le niveau d’instruction, de 14% en luttant contre le tabagisme, de 13% en favorisant l’activité physique, de 11% en traitant la dépression et de 5% en endiguant l’hypertension artérielle.
«Preuve qu’agir sur l’hygiène de vie fonctionne: la maladie d’Alzheimer recule, se réjouit la Doctoresse Rebecca Dreher, gériatre à l’Ensemble hospitalier de La Côte et responsable du Centre mémoire de La Côte, à Rolle. En effet, entre 1977 et 2008, une diminution de 20% de l’incidence de la maladie par décennie a été constatée. L’hypothèse la plus probable est le succès des actions de prévention, notamment du traitement de l’hypertension artérielle, qui reste un fléau aux conséquences multiples.»
Dimension génétique
L’espoir est donc permis, mais la recette n’est pas encore infaillible. Notamment parce que la maladie n’est pas que la conséquence d’une mauvaise hygiène de vie. La dimension génétique, bien qu’encore mal comprise, joue un grand rôle. Il y a les formes génétiques de la maladie d’Alzheimer: rares (moins de 1% des malades), familiales, elles dépendent directement de la présence de gènes induisant la maladie. Quant aux formes les plus fréquentes de la pathologie, plusieurs gènes semblent impliqués, mais le tableau exact est encore mystérieux. «Une personne peut sembler “génétiquement à risque”, mais rester en bonne santé, quand une autre va développer la maladie sans explication génétique», reconnaît le Pr François Herrmann.
Agir le plus tôt possible
Le mot d’ordre quand la maladie survient: agir le plus tôt possible, y compris pour poser le diagnostic. «Malheureusement, les personnes tardent souvent à consulter. Il y a le déni des troubles, un déclin insidieux et l’entourage, qui compense naturellement les failles, constate la Doctoresse Dreher. Le diagnostic se base sur des tests cognitifs, des entretiens avec la personne et ses proches, et souvent une IRM pour observer d’éventuelles lésions cérébrales.»
Une fois le diagnostic posé, c’est une prise en charge globale qui commence. «Il y a la prescription d’un traitement “stabilisateur”, même si l’action est limitée, mais l’essentiel du suivi n’est pas médicamenteux, explique la spécialiste. Les axes d’action sont l’amélioration de l’hygiène de vie (diminution de la consommation d’alcool, tabac, somnifères, par exemple), la stimulation cognitive, l’activité physique. Notre objectif est double: permettre à la personne de rester autonome le plus longtemps possible et éviter l’épuisement des proches.» Et d’ajouter: «Nous proposons aussi aux patients de participer à des études, comme celles qui se déroulent au Chuv ou aux HUG, sur de nouveaux médicaments.» L’une des pistes est d’attaquer la maladie avant même qu’elle ne se traduise en symptômes.
«S’Approcher au plus près des besoins »
Le Centre mémoire de La Côte est installé à Rolle depuis le mois d’août 2016. Il est l’un des quatre centres mémoire du canton de Vaud (www.vd.ch/centresmemoire). Pour sa responsable, la Doctoresse Rebecca Dreher, ces antennes locales sont cruciales. «Les structures doivent pouvoir s’approcher au plus près des besoins, même si pour les cas sévères, le Centre hospitalier universitaire vaudois (Chuv) prend le relais.» L’objectif de ces centres est d’accueillir toute personne inquiète pour sa mémoire. «Dans 20% des cas, il s’agit de personnes uniquement angoissées qu’il sera possible de rassurer une fois les tests passés. Dans 30% des demandes, les examens détectent des troubles cognitifs légers qui, pour une personne sur dix, vont évoluer en maladie d’Alzheimer dans les deux ans. Et pour 50% des patients, nous sommes face à une maladie d’Alzheimer installée. Pour ces deux derniers cas de figure, nous agissons sans attendre par le biais d’une prise en charge médicale, psychologique, cognitive et sociale visant à adapter le quotidien.» Une équipe interdisciplinaire alliant médecins, neuropsychologues, psychologues, infirmières de liaison et de nombreux acteurs extérieurs sont impliqués. Parmi eux: Alzheimer Suisse (www.alz.ch), Centre accueil temporaire (www.vd.ch/cat), Espace proches (www.espaceproches.ch).
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Références:
* Barnes DE, Yaffe K. «The projected effect of risk factor reduction on Alzheimer’s disease prevalence». Lancet Neurol 2011; 10 (9):819-28.
Paru dans le Quotidien de La Côte du 17 avril 2017.
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