L’allergie aux médicaments est très répandue
De quoi on parle?
Les faits
La chanteuse américaine Miley Cyrus n’a pas supporté un traitement antibiotique pour soigner une infection aux sinus. Quelques jours après avoir ingéré les médicaments, sa gorge a gonflé au point de l’empêcher de parler.
Le bilan
Hospitalisée, elle a dû annuler plusieurs dates de sa tournée pour se remettre de son infection et d’une probable allergie médicamenteuse.
«Cette allergie est la cause numéro un des réactions allergiques aiguës ou anaphylactiques», explique François Spertini, spécialiste en allergologie au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). N’importe quelle substance avalée, respirée ou injectée – aliments, pollen ou venin, par exemple – peut être analysée par l’organisme comme étrangère. Elle devient alors un antigène, susceptible de déclencher une réponse allergique. Si l’allergie aux médicaments est si répandue, c’est sans doute «en raison de l’hyperconsommation médicamenteuse, des renouvellements inutiles de prescriptions, mais aussi de la disponibilité de toutes sortes de produits sur Internet», déplore le professeur Spertini. Leur fort pouvoir allergénique s’explique quant à lui par la concentration élevée des principes actifs qui les composent.
Allergie immédiate ou retardée?
Il existe quatre types de réactions allergiques (voir infographie). Mais les deux formes de réactions médicamenteuses les plus fréquentes sont celles dites d’hypersensibilité immédiate ou retardée. L’immédiate, d’abord: les anticorps mis en contact avec un allergène l’identifient comme tel et se collent à lui. Ils envoient des messages à certains globules blancs du sang (les mastocytes et les basophiles) qui libèrent des substances inflammatoires responsables des symptômes de l’allergie. Ceux-ci se manifestent dans les minutes ou les heures qui suivent. Dans le cas d’une réaction allergique retardée, les symptômes n’apparaissent que plusieurs heures voire plusieurs jours après l’exposition. Là, ce sont des globules blancs particuliers qui déclenchent l’allergie. «L’allergène est capté par des cellules «présentatrices d’antigène», qui ensuite migrent dans les ganglions et le présentent à des lymphocytes T. Ces derniers vont, par l’intermédiaire d’autres médiateurs et signaux, provoquer la réaction inflammatoire», explique le Dr Julien Ducommun, spécialiste en allergologie à Vevey.
L’allergie médicamenteuse est imprévisible et peut se déclencher chez n’importe qui, même chez ceux qui ne souffrent d’aucune autre allergie connue. Dans sa brochure d’information1, le Centre d’allergie suisse Aha! précise toutefois que «les personnes qui ont une infection virale grave sont plus souvent allergiques aux antibiotiques, ou que les patients souffrant d’asthme sévère ne supportent pas certains antidouleurs».
En théorie, tous les médicaments sont susceptibles de provoquer une réaction allergique. «Toutefois, certains le sont plus que d’autres, soit parce que la substance est très fréquemment consommée par la population, soit à cause du produit lui-même qui est plus allergisant», précise le Dr Julien Ducommun. C’est le cas des antibiotiques (pénicillines et macrolides, notamment), des anti-inflammatoires non stéroïdiens (aspirine) ou des anesthésiques généraux utilisés pendant une intervention chirurgicale. Le mode d’administration du médicament joue aussi un rôle: la voie intraveineuse entraîne davantage de risques allergiques que la voie orale.
Tous les composants du médicament peuvent être responsables d’une allergie, même si les excipients tels que les parabènes ou les sulfites, sont rarement en cause. Le plus souvent, l’allergie est induite par la structure moléculaire même du médicament ou par des parties de cette molécule, appelées haptènes.
Interactions fâcheuses ou dangereuses
En plus d’être liés à des allergies, les médicaments peuvent interagir entre eux quand ils sont pris en même temps. Deux types d’effets sont alors possibles: une plus grande toxicité ou une baisse de leur efficacité.
Mais ils peuvent aussi interagir avec d’autres substances ou aliments. C’est ainsi que le pamplemousse augmente la concentration dans le sang de 80% des médicaments, avec un risque accru d’effets secondaires.
Des légumes (dont le chou et le brocoli) ou des plantes (millepertuis, tabac) peuvent accélérer leur élimination de l’organisme, et diminuer leur pouvoir traitant. Par exemple, le millepertuis soulage les dépressions légères mais affaiblit le pouvoir contraceptif de la pilule. Et bien sûr, l’alcool, qui ne fait pas bon ménage avec certains médicaments, notamment antibiotiques.
De simples boutons à une issue fatale
Dans le cas d’une allergie immédiate, on observe le plus souvent des lésions cutanées de type urticaire, un gonflement du visage ou des extrémités, ou encore des symptômes digestifs. Parfois, la réaction touche l’ensemble du corps et devient sévère. Des problèmes respiratoires peuvent apparaître (asthme, œdème de la gorge) ainsi qu’une chute de tension. On parle alors de réaction ou de choc anaphylactique. Doit s’ensuivre une prise en charge immédiate.
Lors d’une réaction retardée, les symptômes sont souvent accompagnés de petits boutons rouges. Dans de rares cas (syndromes de Stevens-Johnson et de Lyell), la réaction allergique entraîne de graves atteintes cutanées, avec décollement de l’épiderme comparable à des brûlures au troisième degré, l’apparition de bulles sur les muqueuses, voire une atteinte des organes (rein, foie, cœur). Exceptionnellement, la réaction allergique atteint les vaisseaux et entraîne des lésions rénales, hépatiques ou neurologiques.
Le diagnostic d’allergie médicamenteuse n’est pas toujours simple à poser, car allergies et effets indésirables du médicament se manifestent parfois de la même façon. Sans compter que les patients prennent souvent plusieurs médicaments et qu’ils mangent en même temps: définir la source des problèmes peut demander une enquête minutieuse. Si l’allergie est avérée, une désensibilisation est parfois essayée. Mais le plus simple reste de cesser la prise du médicament incriminé ou de le remplacer.
D’une manière générale, rappelle le professeur Spertini, «mieux vaut éviter de prendre des médicaments dont on n’a pas un réel besoin. Car plus on en prend, plus on s’expose à un risque allergique.»
Que faire si on suspecte une allergie? «Il faut consulter rapidement le médecin qui a prescrit le traitement ou le médecin de famille, conseille le Dr Ducommun. En cas de doute ou si le spécialiste n’est pas atteignable, ou si on peut se passer du médicament, il est raisonnable d’en cesser la prise et de consulter.» Mais attention à ne pas rater une urgence, complète le professeur Spertini: «En cas de difficultés respiratoires, de vertiges, d’éruptions violentes comme des bulles sur la peau, de perte de connaissance ou de fièvre, il faut immédiatement consulter ou appeler le 144.»
1. Allergie médicamenteuse et intolérance aux antidouleurs; téléchargeable sur www.aha.ch.