Le surpoids et l’obésité sont aussi une affaire d’escaliers
Les chercheurs Richard Ling (Université Concordia de Montréal, Canada) et John Zacharias (Université de Pékin) se sont penchés sur la question de l'incidence sur nos comportements de l'emplacement des escaliers dans les centres commerciaux. Ils viennent de publier leurs résultats dans la revue Environment and Behavior(1).
Les auteurs partaient d’une hypothèse simple, celle selon laquelle il existait un lien entre les distances séparant les escaliers des escalators et le choix d’emprunter les uns ou les autres. Ils se sont installés au cœur de plusieurs centres commerciaux de Montréal, et y ont observé treize escaliers «à l’ancienne» et douze paires d'escaliers mécaniques. Ils ont analysé le flux des clients et recensé les préférences de 33793 promeneurs sur une période de 35 jours.
Résultats identiques à Pékin et Montréal
Les analyses comparatives des données ont révélé que le fait de doubler la distance entre les deux types d’escaliers correspond à des variations de 71% dans les déplacements vers un étage supérieur, et de 21% dans le cas des déplacements vers un étage inférieur. «Une augmentation de 100% de la distance entre les escaliers et les escalators a donc entraîné une hausse de 95% dans l'utilisation des volées d'escalier», constatent les auteurs de l'étude.
John Zacharias a ensuite reproduit cette étude à Pékin en obtenant des résultats presque identiques. Il s’en explique (en anglais) sur Radio Canada. «Qu'ils habitent à Pékin ou à Montréal, les gens se comportent de la même manière; je trouve cela intéressant», souligne Zacharias. Si le responsable du projet s'intéresse avant tout aux aspects architecturaux et économiques d'une telle découverte, Richard Ling, co-auteur de l'étude, parle lui d'une avancée notable dans le domaine sanitaire. «Au départ, nous cherchions à déterminer si la proximité ou l’éloignement des escaliers ordinaires et mécaniques avaient une incidence sur l’option choisie. Les résultats de notre étude fournissent des pistes intéressantes concernant l’aménagement d’espaces publics propices au maintien d’une bonne santé», explique-t-il.
Escaliers vs escalators: un enjeu sanitaire
L'Organisation Mondiale de la Santé s’intéresse aussi à ce sujet dans son dossier «Activité physique et santé en Europe»: «Les escaliers mécaniques et les ascenseurs, notamment, découragent également l’activité. Bien que peu de données soient disponibles, il semble exister une tendance à rendre les escaliers peu visibles dans les bâtiments et à privilégier les ascenseurs».
Si la plupart des organisations de santé publique nous conseillent effectivement de préférer les escaliers «à l'ancienne» aux alternatives motorisées, les bienfaits des marches sont parfois méconnus. L'Agence de santé publique du Canada nous rappelle que gravir deux volées d'escalier par jour peut permettre de perdre 2,7 kg en un an, et que cette activité physique convient au plus grand nombre. La municipalité de New York explique quant à elle que l'on brûle près de sept fois plus de calories en préférant les escaliers aux ascenseurs, que les hommes qui gravissent au moins trois étages par jour seraient mieux protégés face aux accidents cardiovasculaires, et que les grimpeurs de marches voient leurs niveaux de bon cholestérol grimper avec eux.
Si les grandes campagnes d’incitation à l’activité physique voient le jour dans les pays les plus durement touchés par l'obésité (Canada, Etats-Unis…), il ne faut bien évidemment pas y voir un hasard. Les pays les plus développés sont souvent les plus paresseux. Et les statistiques ne trompent pas: selon une étude publiée par la revue The Lancet, l'inactivité physique tuerait une personne sur dix –soit autant que les troubles cardiaques, le tabac ou le diabète de type 2.
Santé publique
On comprend dès lors un peu mieux la volonté des urbanistes publics de nous amener à emprunter les escaliers aussi souvent que possible, entre autres formes d'exercice. «L'activité physique, même modérée (marche, vélo...), peut être source de bienfaits substantiels; il nous faut donc comprendre comment encourager ces comportements au mieux dans les différentes régions et cultures du monde», résume Gregory Heath, chercheur à l'Université du Tennessee et principal auteur de l'étude publiée dans The Lancet. «Il s'agit d'une priorité de santé publique».
A chacun de nous, au quotidien, d’y songer. Et de prendre l’habitude de préférer les vieilles marches statiques aux perfides escaliers mécaniques.
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1 Un résumé (en anglais) de l'étude est disponible ici.
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Obésité
L’obésité est une maladie qui augmente le risque de survenue d’autres maladies et réduit l’espérance et la qualité de vie. Les patients atteints de cette accumulation anormale ou excessive de graisse corporelle nécessitent une prise en charge individualisée et à long terme, diététique et comportementale.