Les graisses jouent un rôle bénéfique pour la santé
De quoi on parle
Une étude observationnelle de grande envergure, publiée fin août dans la revue scientifique Lancet et présentée lors du Congrès européen de cardiologie à Barcelone, démontre que limiter les graisses dans son alimentation est non seulement inutile, mais délétère pour la santé. Selon cette étude, un tel régime est associé à une augmentation du risque cardiovasculaire et de la mortalité. Des résultats qui vont à l’encontre des recommandations nutritionnelles actuelles.
Et si la fin de la diabolisation des graisses avait sonné? C’est ce qui ressort d’une vaste étude observationnelle, baptisée PURE (Prospective Urban Rural Epidemiological), incluant plus de 135’000 personnes (entre 35 et 70 ans) issues de milieux socio-économiques variés et provenant de dix-huit pays différents sur les cinq continents. Une recherche de grande envergure dont le but était de déterminer, au cours du temps, l’impact du profil alimentaire sur la survenue d’accidents cardiovasculaires (infarctus, AVC, etc.) et sur la mortalité des sujets interrogés. Pour le savoir, ces derniers ont dû remplir des questionnaires concernant leurs habitudes alimentaires à plusieurs reprises sur une période de sept ans. Les résultats, présentés lors du Congrès européen de cardiologie à Barcelone fin août, et parallèlement publiés dans la prestigieuse revue scientifique The Lancet, jettent un pavé dans la mare et appellent à revoir les recommandations nutritionnelles actuelles.
Il apparaît que les personnes qui limitent leurs apports en graisse vont moins bien que celles qui en consomment beaucoup. Une prise élevée de graisses –quelles qu’elles soient– est en effet associée à une mortalité moindre et à une réduction du risque cardiovasculaire. L’étude confirme parallèlement qu’une alimentation riche en hydrates de carbone (glucides) est liée à une mortalité supérieure.
Le gras, cette obsession
Évaluer ses risques personnels
L’alimentation à elle seule ne suffit pas à prévenir les accidents cardio-vasculaires. Pour évaluer le risque, plusieurs facteurs de risque doivent être pris en compte: tabagisme, activité physique, antécédents familiaux (événement avant 60 ans), taux de glycémie (diabète) et de cholestérol, poids et pression artérielle. «Si ces facteurs sont bons, c’est-à-dire pas de tabac, un poids sain, une activité physique régulière, taux sanguins de sucre et cholestérol dans les normes, absence d’antécédents familiaux, pas d’hypertension –alors la personne peut être rassurée», déclare le Pr Mach. Ce dernier conseille de vérifier ces paramètres chez son médecin dès 40 ans pour l’homme et 45 ans pour la femme, voire plus tôt en cas d’antécédents familiaux.
Or, depuis des décennies, les messages de santé publique vont dans le sens d’une limitation des apports en graisses et des aliments riches en cholestérol (œufs, beurre, etc.). Car l’accumulation de dépôts graisseux sur les parois des vaisseaux crée des plaques d’artériosclérose venant rétrécir, voire obstruer les artères, et provoquer un accident cardiovasculaire. De son côté, l’industrie alimentaire a largement nourri cette obsession du low fat en proposant de nombreux produits allégés (margarine, yoghourt écrémé, etc.).
«Mais depuis quelques années, ce dogme est fortement remis en question par des études scientifiques», affirme le Dr David Nanchen, médecin adjoint au Centre de prévention clinique et communautaire de la Policlinique médicale universitaire de Lausanne (PMU). PURE, forte de la quantité de ses données, confirme qu’il est inutile, voire mauvais pour la santé, de réduire ses apports en graisses. Comment l’expliquer? Il semblerait que manger moins gras soit compensé par une augmentation des apports en hydrates de carbone. Un mécanisme de compensation d’autant plus problématique que «l’ingestion d’aliments sucrés –y compris les boissons– appelle toujours plus de sucre et perturbe notre alimentation», explique le Pr François Mach, spécialiste en cardiologie aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Or, explique le Dr Nanchen, «consommés en excès, les hydrates de carbone qui proviennent de produits raffinés (riz blanc, pain blanc, etc.) peuvent augmenter la prise de poids, les risques de diabète, d’obésité, d’accidents cardio-vasculaires et de mortalité». Une autre étude, publiée dans le même numéro de The Lancet, rappelle justement que ce sont les hydrates de carbone provenant de produits raffinés qui semblent liés à une surmortalité. Les fruits et légumes, autre source d’hydrates de carbone et de fibres, sont à l’inverse associés à une plus faible mortalité et devraient constituer la base de notre alimentation.
Les graisses végétales, toujours
L’une des observations de l’étude PURE fait toutefois polémique. La réduction de la mortalité et des événements cardio-vasculaires est significative quel que soit le type de graisse, y compris les saturées, réputées nocives. Pourtant, sur ce point, la littérature scientifique est abondante : «C’est le remplacement des acides gras saturés (qu’on trouve par exemple dans la viande, ndlr.) par des acides gras poly- et mono-insaturés (qu’on retrouve dans le poisson et les graisses végétales comme l’huile d’olive, de colza, les fruits oléagineux tels que les noix et noisettes, ndlr.) qui réduit le risque cardio-vasculaire. Ceci a été démontré dans des études de haute qualité méthodologique qui comparaient un régime pauvre en graisses versus riche en graisses végétales et poisson», déclare le Dr Nanchen. Dès lors, comment expliquer le résultat de l’étude PURE? La réponse réside peut-être dans l’échantillon utilisé, qui implique des populations défavorisées souffrant par ailleurs de carences nutritionnelles.
Quoi qu’il en soit, et malgré l’intérêt réel de PURE, le Pr Mach soulève qu’il n’y a pas forcément de corrélation entre ce que l’on mange et le taux de lipides (graisses) dans le sang, autrement dit de cholestérol: «On sait désormais que des mutations génétiques peuvent limiter, ou au contraire favoriser, l’absorption de lipides par l’organisme. Ainsi, la génétique, mais peut-être aussi le tube digestif, le microbiote, voire la personnalité, pourraient avoir un impact sur notre façon de les digérer.»
En attendant de nouvelles recommandations, retenons qu’on a tout intérêt à consommer avec modération les hydrates de carbone provenant de produits raffinés et à ne pas limiter ses apports en graisses végétales. Les experts interrogés concluent en rappelant les bénéfices réels sur la santé du régime méditerranéen, riche en fruits et légumes, en poisson et en graisses végétales.
Les mystères de la graisse brune
Mal aimée, la graisse joue néanmoins un rôle important dans notre organisme, au point qu’on l’envisage comme un organe à part entière. Ses fonctions et ses propriétés sont multiples si bien que la recherche s’y intéresse de plus en plus. On sait aujourd’hui qu’il existe plusieurs types de graisse: la blanche et la brune, notamment. Cette distinction pourrait avoir à l’avenir toute son importance puisqu’elle constitue une piste de recherche dans la lutte contre l’obésité.
«À la naissance, la présence de graisse brune permet aux bébés, qui n’ont pas encore le réflexe de frissonner, de réguler leur température corporelle et de se réchauffer. Cette graisse serait localisée sur des zones stratégiques du corps. Avec le temps, elle se raréfie et ne serait présente chez l’adulte qu’à l’état dormant. Toutefois, des expériences chez les souris –et plus récemment chez l’homme– ont montré qu’il est possible de convoquer ces cellules adipeuses brunes», explique le Pr Abdul G. Dulloo du Département de médecine et physiologie de l’Université de Fribourg. Lors d’une exposition au froid, les cellules s’activent et vont puiser de l’énergie dans la graisse blanche pour produire de la chaleur. Il en résulte une perte de la graisse blanche, alors utilisée pour réchauffer l’organisme. «On ignore encore si cette perte est ensuite compensée par un regain d’appétit, et donc suivie d’une possible reprise calorique.» Néanmoins germe l’idée de trouver des médicaments capables d’activer cette graisse brune, afin de brûler la mauvaise graisse sans les inconvénients du froid, en vue d’affiner la silhouette.
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Paru dans Le Matin Dimanche du 01/10/2017.
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Obésité
L’obésité est une maladie qui augmente le risque de survenue d’autres maladies et réduit l’espérance et la qualité de vie. Les patients atteints de cette accumulation anormale ou excessive de graisse corporelle nécessitent une prise en charge individualisée et à long terme, diététique et comportementale.