Surpoids: maintenir la perte de poids est le véritable enjeu
Tandis que les régimes en tout genre rivalisent de popularité, que les pertes de poids sublimes ou spectaculaires occupent réseaux sociaux et discussions entre amis autour de l’heureux vainqueur, un sujet reste dans l’ombre : l’après. En effet, comment maintenir la perte de poids, une fois terminé le régime, le programme global ou l’intervention chirurgicale qui a permis de se débarrasser des kilos délétères ou superflus? On a longtemps entendu qu’il fallait miser sur une durée de vigilance égale à celle qui a permis la perte de poids, il n’en serait rien. «À ce jour, on ne connaît pas la recette miracle, souligne Maaike Kruseman, professeure au sein de la Filière Nutrition et diététique de la Haute Ecole de Santé de Genève. Mais une chose est sûre: tout repose sur un changement de vie qui s’inscrit sur la durée. L’idée n’est pas de se mettre au régime indéfiniment, mais d’établir ses propres règles à partir de principes reconnus (lire encadré), afin de maintenir le cap, tout en s’épanouissant. Car invariablement, reprendre ses mauvais réflexes va de pair avec un retour en arrière…»
Si la stratégie se doit d’être si personnelle, c’est parce qu’à ce jour, aucune étude n’a pu établir de recommandations universelles régissant le maintien de la perte de poids. Le chiffre de 10 % a longtemps circulé parmi les professionnels de la santé comme étant le taux de succès de ce maintien à long terme. Un pourcentage pessimiste minant les espoirs des patients, voire des médecins eux-mêmes, mais qui est en réalité erroné: «Le regard des experts sur ce processus au long court est souvent biaisé, car ne viennent en consultation que les personnes qui s’estiment en échec, après avoir multiplié les régimes “yoyo“ et, invariablement, les reprises de poids, indique Maaike Kruseman, elle-même auteure d’une étude* sur le sujet. Mais des observations à large échelle – comme la National Weight Control Registry américaine – ont permis de redonner espoir. Une étude allemande menée au sein de la population générale a même pu montrer que le taux de maintien de la perte de poids frôlerait les 30 %.»
Patience et bienveillance envers soi-même
Alors, par où commencer? «Quelle que soit la stratégie qui a permis la perte de poids, la première étape est de s’astreindre à un état des lieux avec un objectif clair: repérer les erreurs qui nous font manger trop, trop souvent, de façon trop calorique», estime la spécialiste. Il s’agit alors d’être sans concession avec soi-même. Noter tout (vraiment tout) ce que l’on mange, jour après jour, pendant une semaine peut être édifiant. Simple en apparence, l’exercice s’avère insurmontable pour certains. «Dans un contexte de surpoids ou d’obésité, le rapport à l’alimentation est souvent bouleversé, explique la Dre Élise Trierweiler, cheffe de clinique adjointe en psychiatrie de liaison au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Certaines personnes ne parviennent tout simplement pas à faire le lien entre prise alimentaire et prise de poids. Elles pensent “bien faire“, estiment manger peu et cultivent un sentiment d’échec.» Or la dimension psychologique du processus est considérable. «Une personne qui est – ou a été – en surpoids ou obèse s’est bien souvent construite au fil du temps avec cette composante d’elle-même, avec flamboyance pour certains, l’envie d’être invisible pour d’autres, poursuit la spécialiste. Mais dans tous les cas, l’épaisseur du corps a pu s’installer comme une protection, vis-à-vis de soi-même, de ses émotions, des autres.»
C’est donc un état des lieux global, une remise en question de soi qu’il s’agit d’entreprendre, sans concession, avec de l’aide si besoin. «Dans 95 % des cas, surpoids et obésité s’installent au fil du temps en lien direct avec le mode de vie et l’alimentation. Seuls 5 % de ces situations s’expliquent par une pathologie organique, rappelle Élise Trierweiler. Comprendre les comportements en jeu, les accepter, changer n’est pas si simple et peut donc nécessiter le soutien de plusieurs experts pour aborder les divers aspects en jeu.»
Et Maaike Kruseman de conclure: «Maintenir une perte de poids dont on est fier nécessite patience et bienveillance envers soi-même. Avec le temps, le corps s’ajuste, tout comme il s’est ajusté aux excès. Et bien souvent, les changements de vie enclenchés rayonnent, par leurs bienfaits, bien au-delà du seul maintien de la perte de poids.»
* Etude HOMAWLO.
«Les événements de la vie bousculent parfois la meilleure des lignes de conduite…»
Ses quelque dix kilos de trop, Patrice, 59 ans, était parvenu à les perdre durablement, jusqu’à un récent accident de montagne le clouant au lit plusieurs semaines. Témoignage.
«L’été dernier, j’ai fait une lourde chute en montagne. Résultat: deux mois d’hôpital, une dizaine de fractures au dos et autant de kilos en plus sur la balance. La faute à un peu trop de bons repas, de chocolat et à l’absence d’activité physique. Une conjoncture que je m’étais promis d’éviter, mais les événements de la vie bousculent parfois la meilleure des lignes de conduite… Et pour cause, il y a huit ans, dans un contexte de vie bousculé par un divorce et un changement professionnel, j’avais également vu les kilos s’accumuler au fil des mois. Le déclic était survenu grâce à la course à pied: j’ai soudain pris conscience que je me traînais et cela m’a agacé. J’ai aussitôt entrepris un régime et me suis imposé de nouvelles habitudes de vie : quatre séances de sport en moyenne par semaine et une réelle vigilance sur les calories ingérées, en limitant notamment les sucreries et l’alcool, redoutables pour la ligne. En trois mois, j’ai perdu les onze kilos que j’avais pris. Cela a tenu plusieurs années, jusqu’à l’accident de cet été. Depuis quelques semaines, je peux refaire du sport, et je freine les excès alimentaires. Cela commence à payer, puisque je me suis délesté de quatre kilos. Mon objectif est de perdre tout ceux que j’ai pris, même si avec l’âge, je constate que c’est plus compliqué. Le métabolisme change, les kilos s’accumulent plus vite et disparaissent moins facilement. Le secret pour moi? La motivation par et pour soi. J’entends souvent: “Tu es très bien comme ça, ne te prends pas la tête.“ Alors certes je ne suis pas obèse, mais j’ai besoin de perdre ces quelques kilos que j’ai en trop, simplement pour me sentir bien.»
Maintenir sa perte de poids: une recette à la carte
Elaborer sa propre stratégie en puisant dans une liste de «bonnes résolutions» à l’efficacité éprouvée: voilà ce que propose Maaike Kruseman, professeure au sein de la Filière Nutrition et diététique de la Haute Ecole de Santé de Genève et auteure du livre Changer de poids, c'est changer de vie**. L’idéal? Adopter trois ou quatre d’entre elles, et s’autoriser à en changer au fil du temps, si le besoin s’en fait sentir.
Parmi les pistes payantes:
- Structurer les prises alimentaires, en vue de limiter le grignotage.
- Se peser régulièrement, pour éviter les mauvaises surprises.
- Fuir la junk food.
- Éviter les calories liquides, redoutables pour la ligne.
- Débusquer le rassasiement, en écoutant réellement son corps.
- Garder les quantités à l’œil.
- Anticiper et planifier les repas, pour éviter des improvisations périlleuses.
- Après un excès, compenser en retrouvant tout naturellement sa routine.
- Multiplier les occasions de bouger.
- Ne pas hésiter à se faire aider par un professionnel de l’alimentation.
** Changer de poids, c'est changer de vie, Ed. Planète Santé, 2020
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Paru dans Planète Santé magazine N° 38 – Octobre 2020