Le régime cétogène, la bonne recette pour maigrir?
Anne a perdu 25 kilos en à peine 5 mois. Réaction universelle: mais comment a-t-elle fait? «J’ai complètement repensé mon alimentation et supprimé la quasi-totalité de mes apports en glucides», explique-t-elle simplement. Réduire sa consommation de sucre, tel est le principe de nombreux régimes. Mais la particularité du régime cétogène est qu’il propose de le remplacer par… du gras. Un concept étonnant qui va à l’encontre de l’idée habituelle d’une diète amincissante.
Les autres applications du régime cétogène
Au-delà de la perte de poids, les vertus thérapeutiques présumées du régime cétogène font l’objet de discussions. Dans les années 1920, c’est dans le but de soigner des enfants épileptiques que les indications nutritionnelles précises de la diète ont été mises en place, avec des résultats souvent plus probants que ceux des traitements médicaux.
Si aucune étude n’a pour l’instant permis de le mettre en évidence, certains chercheurs s’intéressent également aux effets positifs du régime cétogène sur le cancer. Car les cellules cancéreuses s’avèrent souvent moins capables de tirer leur énergie des corps cétoniques que les cellules saines. Ce régime pourrait donc les fragiliser. De la même façon, les cellules cérébrales semblent bénéficier de cette source d’énergie alternative. Un fonctionnement qui serait bénéfique dans le cas de certaines maladies dégénératives comme l’alzheimer ou dans le traitement des céphalées et migraines.
Mais pour l’instant, «aucune étude scientifique probante n’a mis en évidence un effet bénéfique à long terme de la diète cétogène sur ces pathologies», rappelle le Dr Jornayvaz.
Et pourtant, la perte de poids est réelle et rapide. Elle repose sur un processus appelé «cétose». Privé d’hydrates de carbone (aussi appelés glucides: glucose, fructose, saccharose, lactose, amidon, etc.), le foie se met à produire des corps cétoniques à partir des acides gras. Et l’organisme utilise ces corps cétoniques comme principale source d’énergie. C’est le même mécanisme qui se met en place et qui permet de survivre lors d’un jeûne prolongé.
Contrairement à une assiette type, qui se compose de 50% de glucides, de 35% de graisses et de 15% de protéines, celle d’un adepte du régime cétogène contient au moins 65% de graisses (huiles, noix, fromage, beurre, etc.), une part importante –30% environ– de protéines (viandes, poissons, etc.) et moins de 5% de glucides.
Comment cette restriction en glucides –et non en calories– fait-elle maigrir? D’abord, la fabrication des corps cétoniques demande plus d’énergie au métabolisme humain que la simple utilisation du glucose. Ensuite, elle favorise le déstockage des graisses corporelles, donc la perte de poids. François Jornayvaz, médecin adjoint agrégé responsable de l’unité de diabétologie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), explique ce mécanisme: «Le corps entre en cétose au bout de deux à trois jours environ. Rapidement, les organes vont donc puiser dans les graisses pour fonctionner et "détruire" ainsi le tissu adipeux.»
Un régime (trop?) contraignant
S’il ne nie pas son efficacité flagrante, le Dr Jornayvaz tient cependant à alerter sur la reprise de poids à moyen terme: «Ce régime est tellement restrictif, avec de nombreux aliments à supprimer, qu’il est très difficile de le suivre sur la durée, explique-t-il. La reprise de poids et l’effet yoyo sont quasi inévitables.»
Le régime cétogène ne serait donc pas plus que les autres diètes la recette magique pour garder la ligne une fois pour toutes. À cela s’ajoute la probabilité de ressentir des effets secondaires durant les premiers jours du régime: maux de tête, fatigue, nausées.
Autre élément à prendre en considération si l’on décide malgré tout de s’y mettre: le risque élevé de carences. «Il ne faut pas oublier que dans les aliments qui contiennent des glucides, il y a des nutriments essentiels», prévient Stéphanie Vergotte, médecin nutritionniste au Centre de l’obésité et du métabolisme de La Côte à Nyon (VD) et à l’hôpital de La Tour à Meyrin (GE). Pour éviter d’éventuelles carences, un apport suffisant en vitamines et en fibres doit donc être conservé et une supplémentation vitaminique envisagée. Enfin, ce régime peut être contre-indiqué pour certains, notamment les diabétiques de type 1 et les patients atteints d’insuffisance hépato-cellulaire ou de certaines maladies métaboliques. Dans tous les cas, il est fortement recommandé de demander un conseil à un médecin ou à un nutritionniste avant de se lancer.
Reste que ce régime, comme «n’importe lequel, peut être efficace sur le court terme. Mais dès qu’on arrête, on reprend forcément du poids… et souvent plus qu’au départ, explique le Dr Jornayvaz. Si vous voulez maigrir, ne faites pas un régime, mais modifiez durablement vos habitudes alimentaires.» Alimentation équilibrée et activité physique régulière, voilà semble-t-il la vraie recette pour perdre du poids efficacement.
Témoignage: «Il est inenvisageable de revenir à mon alimentation d’avant»
Johanne, 36 ans, sportive intensive et adepte de la diète cétogène depuis deux ans.
Alors qu’une grosse assiette de pâtes a longtemps été recommandée avant un exercice physique, certains sportifs commencent à changer leurs habitudes. Correctement conduit, un régime cétogène pourrait améliorer les performances énergétiques. Mais les études manquent pour l’affirmer avec certitude.
Pourquoi avez-vous entrepris le régime cétogène? Au départ, pour perdre du poids très rapidement. Je n’avais pas l’intention de le faire durer.
Aviez-vous testé d’autres méthodes? Oui, tout un tas de régimes et de compléments alimentaires, qui ne m’ont pas apporté grand-chose.
Avez-vous rapidement ressenti les effets du régime sur votre pratique sportive? Non, parce que la phase d’adaptation a été très longue. Au début, ça a été plutôt difficile de m’entraîner, je manquais d’énergie. J’ai dû accepter de diminuer l’intensité de ma routine sportive. Par contre, une fois «céto-adaptée», ça a été magique. L’énergie et la récupération font vraiment la différence.
Qu’est-ce qui a été le plus difficile? Le plus dur, c’est d’augmenter réellement le gras. Nous sommes tous bloqués par des croyances sur les matières grasses, qui nous font peur. Pourtant, c’est primordial car on retire beaucoup de glucides à l’organisme et pas mal de protéines, il faut donc compenser par autre chose.
À l’inverse, qu’est-ce qui a été plus simple que vous ne le pensiez? J’avais peur de ne pas tenir sans fruits, sans certains légumes, sans sucre… Et en fait, ça n’a pas posé problème. Comme l’organisme est nourri, les fringales disparaissent.
Quels sont les résultats? Je suis moins fatiguée, j’ai remplacé ma masse graisseuse par de la masse maigre, j’ai une meilleure récupération, un métabolisme très différent. Je ne suis plus obsédée par la nourriture, je n’ai plus de fringales. Je n’ai plus de règles douloureuses, et je n’ai quasiment plus de cellulite. Mes allergies saisonnières ont également disparu.
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Paru dans Le Matin Dimanche le 13/05/2018.
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