Face à l’obésité, agir sur tous les fronts

Dernière mise à jour 11/07/22 | Article
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Partout dans le monde, l’obésité est un fléau. En Suisse, sa prévalence a doublé en vingt ans. Quelque 42% de la population affiche un poids supérieur à la norme, dont 11% est en situation d’obésité. Les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) inaugurent un nouveau Centre de l’obésité et de la chirurgie bariatrique. Ce dernier concentre les compétences pour offrir une prise en charge multidisciplinaire et individualisée aux adultes et enfants souffrant de cette maladie chronique.

38% des hommes de plus de 15 ans sont en surpoids.

22% des femmes de plus de 15 ans sont en surpoids.

30 à 40% des personnes souffrant d’obésité ont des maladies associées.

200 à 300 gènes sont impliqués dans l’obésité.

Qualifiée d’épidémie mondiale par l’Organisation mondiale de la santé, l’obésité n’épargne pas la Suisse puisque 12% des hommes et 10% des femmes sont concernés. Longtemps perçue comme un problème d’ordre esthétique, l’obésité est désormais considérée comme «une maladie chronique, évolutive et récidivante, avec d’importantes complications», déclare le Pr Zoltan Pataky, responsable de l’Unité d’éducation thérapeutique du patient des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), co-directeur du nouveau Centre de l’obésité et de la chirurgie bariatrique des HUG et vice-président de l’Association suisse pour l’étude du métabolisme et de l’obésité.

La pandémie de Covid-19 n’a pas amélioré la situation. Au cours de ces deux dernières années, les Suisses et Suissesses ont affiché en moyenne quatre à cinq kilos supplémentaires sur la balance, ce qui équivaut à un point de l’indice de masse corporelle (IMC)1. Or, «la recherche indique qu’une prise de poids, même modeste, peut déjà se traduire par l’apparition de complications métaboliques telles qu’un prédiabète ou un diabète, une hypertension artérielle ou un excès de cholestérol dans le sang», relève le spécialiste.

Après une prise de poids, beaucoup ont le réflexe de vouloir (vite) maigrir. Or, c’est scientifiquement prouvé, les régimes, quels qu’ils soient, sont contre-productifs, confirme Aude Daccord, diététicienne à l’Unité d’éducation thérapeutique du patient des HUG: «Ils peuvent certes occasionner une perte de poids, mais à très court terme. Les personnes reprennent souvent plus que ce qu’elles ont perdu, avec un effet yoyo.» Les régimes peuvent être diaboliques à plus d’un titre, puisqu’ils modifient la composition corporelle, provoquent des dégâts métaboliques et bien souvent des troubles du comportement alimentaire.

Un combat sur tous les fronts

Ursula, 68 ans: «Ma vie a changé à 360 degrés»

«J’ai suivi tous les régimes possibles. Il y a six ans, j’ai suivi un programme aux HUG durant lequel j’ai appris les bases d’une alimentation équilibrée. Cela m’a bien aidée, mais j’ai continué à avoir des compulsions alimentaires, à manger trop pendant les repas et donc à prendre du poids. J’en ressortais avec l’estomac lourd et une grande culpabilité. J’ai toujours beaucoup bougé, mais j’avais cette tendance à manger trop, sans pouvoir m’arrêter. Depuis que le Pr Zoltan Pataky m’a prescrit des médicaments qui m’aident à ressentir la satiété, ma vie a changé à 360 degrés. Je suis quelqu’un qui aime contrôler… la seule chose que je n’arrivais pas à contrôler, c’était la nourriture. Pour la première fois de ma vie, j’arrive maintenant à m’arrêter quand je n’ai plus faim. La nourriture était une obsession, je pensais sans cesse à ce que j’allais manger. J’ai désormais un rapport serein à la nourriture. Je ne fais plus de régime, je ne m’interdis aucun aliment, je cuisine beaucoup. Je suis très active et bien dans mon corps.»

Face à un gain de poids, l’idée est quand même de réagir, mais sur différents fronts. Grâce à une prise en charge multidisciplinaire, le nouveau Centre de l’obésité et de la chirurgie bariatrique propose des suivis individualisés reposant sur plusieurs piliers: l’alimentation, l’activité physique et le comportement alimentaire, voire les médicaments et la chirurgie bariatrique selon les cas. Les programmes s’adressent aux personnes en surpoids (IMC entre 25 et 30) ou en situation d’obésité (IMC supérieur à 30). Lors de la première évaluation médicale, il est tenu également compte du tour de taille, un indicateur important, relatif à la composition corporelle: «L’obésité abdominale est le reflet de l’obésité viscérale, qui est souvent associée à des complications cardiovasculaires», explique le Pr Pataky. Car les études le montrent, une personne en situation d’obésité présentera tôt ou tard au moins une maladie liée au surpoids. «Hélas, c’est une question de temps», souligne le spécialiste.

Les conséquences de l’obésité sur la santé sont nombreuses: syndrome métabolique (hypertension, diabète, excès de cholestérol), maladies cardiovasculaires, cancers (utérus, estomac, œsophage), apnées du sommeil, arthrose, problèmes orthopédiques, troubles psychiques (anxiété, dépression), etc. Malgré ces risques, «insister sur la perte de poids n’est pas efficace. Il faut d’abord comprendre l’origine de la prise de poids pour favoriser un changement de cap», déclare le Pr Pataky.

La face cachée de l’obésité

Médecins spécialistes en obésité, diététiciens et diététiciennes, spécialistes de l’activité physique, psychologues et art-thérapeutes unissent leurs compétences pour accompagner adultes et enfants qui consultent dans le cadre d’une remise en question. Derrière un diagnostic d’obésité, il y a certes toujours un déséquilibre entre les apports énergétiques (qualité et quantité des aliments ingérés) et les dépenses, mais il faut aller plus loin et s’intéresser aux conditions de la prise alimentaire et au contexte de vie de la personne. «Tant que nous ne mettons pas le doigt sur la cause du problème, les changements ne sont pas possibles», atteste le spécialiste.

La première consultation permet ainsi de faire le point et d’orienter la prise en charge. Des ateliers d’éducation thérapeutique sont ensuite proposés en fonction de la problématique de chacun et chacune (diététique, activité physique, trouble du comportement alimentaire). Ils se déroulent en groupe, sont interactifs et co-construits avec des patients et patientes et des pédagogues. Les sujets abordés sont concrets et les conseils pratiques: bases de l’équilibre alimentaire, graisses cachées, sensations digestives (faim, satiété), etc. «Souvent, les personnes connaissent la théorie, mais n’arrivent pas à l’appliquer au quotidien. Nous les aidons à mettre en place de nouvelles habitudes de vie de sorte que ces changements soient acceptables et tenables sur la durée», commente la diététicienne.

Si malgré cette prise en charge multidisciplinaire et les modifications d’hygiène de vie la perte de poids ne se produit pas, d’autres options peuvent être envisagées. De nouveaux médicaments viennent aujourd’hui enrichir l’arsenal thérapeutique, représentant une aide supplémentaire. Ces molécules (analogues du GLP-1) entraînent une réduction de l’appétit et surtout des besoins impératifs de manger. Elles facilitent la perte de poids et diminuent les complications de l’obésité, telles que la pression artérielle. Plus important encore, elles ont également montré une protection cardiovasculaire chez les patients et patientes à haut risque (diabète de type 2 et obésité) et une amélioration au niveau rénal. Ce traitement est administré quotidiennement sous forme d’injection sous-cutanée. Une nouvelle molécule GLP-1 (injection hebdomadaire), disponible en Suisse dans les prochains mois, sera une réelle avancée avec une perte de poids entre 15 et 20% «pour autant que la personne bénéficie d’un suivi multidisciplinaire», souligne le Pr Pataky.

Quant à la chirurgie bariatrique, dont les HUG sont experts, elle est une solution de derniers recours.

Quel que soit le chemin, perdre du poids reste un combat: «L’obésité n’est pas un choix. Si les personnes qui en souffrent avaient pu faire autrement, elles l’auraient probablement fait», conclut Lydia Lanza, psychologue à l’Unité d’éducation thérapeutique du patient.

Le jeûne intermittent: une approche prometteuse

Limiter sa prise alimentaire à certaines heures, certains jours de la semaine ou du mois, en restreignant ses apports caloriques et en veillant à un équilibre alimentaire durant ces périodes cycliques: tel est le principe du jeûne intermittent. Cette approche suscite un grand intérêt dans la perspective d’une perte de poids et d’une diminution des risques métaboliques (hypertension, cholestérol, diabète). «Les données chez l’animal et chez l’être humain sont encourageantes. Plus la fenêtre dans laquelle les sujets mangent est étroite, plus c’est efficace sur la perte de poids. En revanche, nous manquons de recul pour le contrôle des maladies métaboliques chez l’humain», commente le Dr Tinh-Hai Collet, médecin adjoint à l’Unité de nutrition du Service d’endocrinologie, diabétologie, nutrition et éducation thérapeutique des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Des études à plus grande échelle et à long terme sont nécessaires pour confirmer ces effets. Le Dr Collet mène d’ailleurs actuellement une recherche dont l’objectif est de déterminer si une alimentation à heures fixes permet chez les personnes «lève-tôt» une perte de masse grasse et une amélioration de leur état de santé grâce à une prise en compte de leurs rythmes biologiques internes.

Plus d’informations pour participer à l’étude: https://recherche.hug.ch/etudes/lcc

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1 Calcul de l’IMC: poids (en kg)/taille (en mètre) au carré. Surpoids: IMC entre 25 et 30. Obésité: IMC supérieur à 30.

Article repris du site  pulsations.swiss

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