D’où viennent nos kilos en trop?
On aimerait parfois le croire, mais notre balance s’affole rarement sans raison. L’explication la plus fréquente? «Un déséquilibre entre les apports et ce qui est réellement nécessaire à notre organisme, résume la Doctoresse Christine Bouton, médecin généraliste au Centre médical Charpentiers de Morges. En effet, bien souvent, ce que nous ingérons en termes de calories est trop important au regard des besoins de notre corps pour fonctionner et des calories dépensées pour les activités du quotidien.» Résultat immanquable: nous grossissons. La solution est-elle alors de se soumettre une fois pour toutes à un régime sans concessions? «Surtout pas, répond Sophie Opoix, diététicienne cheffe à l’Ensemble hospitalier de La Côte à Morges, se faisant ainsi écho à de plus en plus de professionnels de santé désolés de la multiplication de régimes toujours plus drastiques ou farfelus. «Tous les régimes fonctionnent, mais pendant un temps limité. En faisant perdre de l’eau, puis de la masse musculaire et plus ou moins de masse grasse, ils ravissent les personnes désireuses de perdre quelques kilos rapidement, mais leur effet est toujours délétère sur le long terme.»
Chiffres
En Suisse, 30,8% des personnes sont en surpoids (indice de masse corporelle (IMC) compris entre 25 et 30) et 10,3% souffrent d’obésité (IMC supérieur à 30). Source: Office fédéral de la statistique, 2012. Pour rappel, l’IMC s’obtient selon le calcul [poids (en kg) divisé par la taille (en mètre) au carré]. Ainsi pour une personne pesant 65 kg pour 1,75 m, l’IMC sera de 65/1,752 soit 21,22.
Repères
Si l’IMC reste une valeur de référence, l’obésité abdominale semble être un repère plus précieux encore pour évaluer le risque de maladies cardio-vasculaires. Les seuils à risque élevé: un tour de taille supérieur à 102 cm chez l’homme, et 88 cm chez la femme et un rapport entre le tour de taille et le tour de hanche supérieur à 1 chez l’homme et à 0,8 chez la femme.
Edifiant
Plus l’obésité s’installe, plus il est difficile de la déloger. Une étude menée au Royaume-Uni entre 2004 et 2014 sur 278’982 personnes a ainsi révélé que la probabilité de retrouver un poids normal*, sans recours à la chirurgie, sur un an en cas d’obésité, était de 1 sur 210 chez les hommes et de 1 sur 124 chez les femmes. En cas d’obésité morbide (IMC supérieure à 40), cette proportion passait à 1 sur 1290 chez les hommes et 1 sur 677 chez les femmes.
*IMC compris entre 18,5 et 25.
Important d’agir
La raison? «Le premier danger est l’apparition de carences, en vitamines par exemple si l’on suit un régime hyperprotéiné. Le second est la prise de poids, explique la Doctoresse Bouton. Lorsque le régime s’arrête, les mauvaises habitudes ont tendance à revenir, les semaines de privations et de frustrations se traduisent par une envie exacerbée de manger et très vite les kilos se réinstallent, souvent plus nombreux que ceux qui avaient été perdus.» Sans compter un phénomène purement physiologique: «Le poids repris correspond surtout à de la graisse, le muscle perdu est, lui, beaucoup plus difficile à récupérer», poursuit la spécialiste.
Reste que vis-à-vis d’un surpoids qui se profile, il est important d’agir, car cela va de pair avec un risque accru de pathologies telles que les maladies cardio-vasculaires, l’hypertension artérielle ou le diabète.
Conscience des besoins
Alors que faire? La formule «manger moins, mieux, et bouger à la moindre occasion» serait la clé. «L’enjeu est d’adopter une alimentation équilibrée en ayant conscience de ce dont notre corps a besoin et à l’inverse de ce qui le charge inutilement», précise Sophie Opoix. L’idée n’est pas de toujours faire le repas parfait, mais d’adopter les bons réflexes et réapprendre à écouter son corps, notamment lorsqu’il n’a plus faim!» L’autre aspect est l’activité physique. «En contraste avec notre vie sédentaire, notre corps est fait pour bouger, rappelle la diététicienne. Alors mieux vaut prendre les escaliers et pas l’ascenseur, aller acheter son pain à pied, garer sa voiture plus loin que d’habitude… Toutes les occasions de se remettre en mouvement sont bonnes. Sur cette base, la perte de poids se fera plus doucement mais sans commune mesure en termes de bénéfices car elle sera durable, sans danger et stimulante puisqu’elle va préserver les muscles, premiers à fondre en cas de régime «éclair».
Gare aux hormones
Dysfonctionnements
Régulatrices, vitales et omniprésentes dans le sang, nos hormones assurent le bon fonctionnement de notre organisme. A titre d’exemple, ghréline et leptine sont deux hormones digestives qui règlent notre appétit. «D’autres hormones peuvent être à l’origine d’un surpoids, cependant moins de 5% des problèmes pondéraux sont imputables exclusivement à un dysfonctionnement hormonal», indique la Doctoresse Isabelle Hagon-Traub, endocrinologue et diabétologue à l’Ensemble hospitalier de La Côte à Morges. Plusieurs troubles peuvent être en cause. Parmi eux: le syndrome des ovaires polykystiques, l’hypothyroïdie, ou encore un excès de cortisol dans le sang, consécutif à une prise de cortisone à hautes doses ou en cas de dérèglement des glandes surrénales qui le sécrètent.»
Symptômes
A noter que ces pathologies s’accompagnent de symptômes souvent caractéristiques, comme par exemple une fatigue accablante ou une importante frilosité en cas d’hypothyroïdie, ce qui facilite le diagnostic. «Les dysfonctionnements hormonaux peuvent être à l’origine de troubles en cascade, n’affectant pas seulement le poids mais l’organisme dans son ensemble, alerte la spécialiste. Il est donc important de les prendre en charge le plus tôt possible.»
Déclic et motivation
Dans cette démarche, l’accompagnement par un médecin généraliste ou par une diététicienne diplômée peut être précieux pour obtenir des conseils mais également pour rechercher d’autres explications possibles à la prise de poids. «Aux mauvaises habitudes alimentaires et au manque d’activité s’ajoutent des éléments propres à chacun, souligne la Doctoresse Bouton. La situation personnelle, les facteurs psychologiques, la gestion du stress, la qualité du sommeil, l’âge, mais aussi parfois une prédisposition génétique sont parmi les nombreux aspects qui entrent en ligne de compte. En dehors des troubles du comportement alimentaire qui nécessitent une prise en charge particulière, quand le déclic et la motivation sont là, les conditions sont favorables pour y arriver.»