Les végétaliens doivent être des experts en nutrition
De quoi on parle?
Les faits
Le premier restaurant végane, autrement dit servant des plats concoctés sans aucun ingrédient animal, vient d’ouvrir à Genève. L’intérêt pour cette alimentation va croissant, même si, selon l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), seul un végétarien sur dix est végétalien. Les végétariens eux-mêmes représenteraient environ 2 à 3% de la population, toujours selon l’OFSP. Le végétalisme est considéré par ses adeptes comme une alimentation «naturelle», meilleure pour la santé. Les spécialistes de la nutrition rendent toutefois attentif aux risques de carence.
Il s’agit d’ailleurs d’un régime alimentaire que l’Office fédéral de la santé publique considère comme sain lorsqu’il inclut les œufs et les laitages. Ce qui n’est pas le cas du végétalisme, comme le rappelle le dernier rapport de la Commission fédérale sur l’alimentation. En excluant toute source alimentaire d’origine animale, il entraînerait en effet un risque de malnutrition.
Au moment où le premier restaurant végane de Suisse romande ouvre ses portes à Genève, à quoi faut-il prêter attention si l’on fait le choix d’une alimentation strictement végétalienne? «Les protéines végétales ne sont pas de la même qualité que celles que l’on trouve dans les aliments d’origine animale. Il peut donc y avoir des carences si cette réalité n’est pas prise en compte», explique Dimitrios Samaras, médecin consultant à l’Unité de nutrition des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG).
Compléments nécessaires
Au niveau des micronutriments, explique le médecin, c’est surtout la carence en vitamine B12 qui est préoccupante, car on la trouve essentiellement dans les produits d’origine animale, surtout la viande. Or cette vitamine joue un rôle essentiel dans la réplication des cellules, la santé des nerfs et la formation des globules rouges. Il est donc indiqué de prendre des compléments.
D’autre part, si on trouve du fer, du zinc et du calcium dans les végétaux, il faut savoir que leur absorption est diminuée par d’autres substances végétales comme les phytates.
On peut encore craindre une carence en vitamine D, contenue dans le poisson, les œufs, les produits laitiers mais aussi dans les champignons.
Le végétarisme et ses déclinaisons
Le végétarisme se caractérise par une alimentation excluant la viande. A noter tout de même que, selon les cultures, certains végétariens incluent le poisson, voire le poulet, dans leur régime. Toutefois, dans leur grande majorité, ils renoncent à la chair animale, tout en consommant œufs et laitages (ovo-lacto-végétariens).
Certains courants végétariens bannissent également les œufs (lacto-végétariens) ou les laitages (ovo-végétariens).
Le véganisme est une philosophie basée sur le refus de la souffrance et de l’exploitation animale. Ses adeptes suivent un régime végétalien strict, ne consommant aucun produit issu de l’animal, y compris le miel. Au-delà de leur régime alimentaire, les véganes n’achètent ni cuir, ni laine. Leurs considérations sont également écologiques.
Que doit faire, dès lors, celui qui souhaite malgré tout suivre un régime végétalien? Il lui faut bien s’informer auprès d’un professionnel, médecin ou diététicien, et prendre les compléments alimentaires nécessaires, répond en substance Dimitrios Samaras.
Un suivi médical est-il pour autant nécessaire? «Un dosage sanguin annuel, en particulier de la vitamine B12, serait indiqué, estime le spécialiste. Cela permettrait également de déterminer quels autres compléments prescrire. Une fois que la personne maîtrise bien son alimentation, et si elle prend ses compléments multivitaminiques, il n’y a plus de nécessité de suivi médical. C’est très individuel, certains végétaliens se débrouillent très bien, d’autres ont besoin d’être accompagnés.»
Durant l’enfance, par contre, un régime végétalien peut être dangereux. «Les besoins d’enfants en pleine croissance sont différents de ceux des adultes. Ils peuvent avoir des carences en acides gras, comme les oméga-3, essentiels à leur développement. Ou encore en taurine, un acide aminé, avec pour conséquence un retard de leur croissance en taille et en poids. Nous voyons parfois arriver de tels cas aux urgences», souligne le médecin. Ce bémol est également valable pour les femmes en enceintes ou allaitantes, les personnes âgées ou les malades.
Pour les adultes en bonne santé toutefois, et si l’on pallie les risques de carence, le végétalisme peut présenter des effets positifs pour la santé. Différentes études ont montré que les personnes qui suivent un régime de type végétarien sont moins malades et ont une mortalité moins élevée notamment si on considère les maladies cardio-vasculaires, le diabète et certains cancers (en particulier du côlon).
Corinne Kehl, chargée d’enseignement à la filière Nutrition et diététique de la Haute Ecole de santé de Genève, confirme: «Cela tient à de nombreux facteurs. Les points positifs sont une diminution de la consommation de graisses animales, laquelle est généralement bien trop élevée en Suisse, une alimentation contenant beaucoup de fibres et surtout une moindre utilisation de plats industriels. Eviter ces plats permet en effet de s’alimenter plus sainement, avec moins de sel et de graisses saturées type huile de palme (avantage qui pourrait disparaître avec l’arrivée sur le marché de plats végétariens industriels). L’alimentation végétalienne a aussi l’avantage d’être liée à un apport important en antioxydants et autres phytonutriments.»
Finalement, comment manger équilibré si on désire suivre un régime végétalien? Corinne Kehl insiste, elle aussi, sur la nécessité d’avoir de bonnes connaissances en nutrition. «Prenons la vitamine B12. Celui qui est conscient qu’elle manque dans une alimentation végétalienne va comprendre qu’il doit prendre un complément, explique la diététicienne. D’autres carences peuvent trouver leur solution simplement. Ainsi, beaucoup de substituts de viande ainsi que de nombreuses boissons sont enrichis en vitamine B12, en vitamine D, en zinc et calcium. Il y a aussi des compléments aux algues riches en oméga-3.»
Autre règle d’or pour avoir un apport de protéines optimal malgré le régime végétalien: il faut varier ses sources de protéines végétales dans une même journée. Ce qui permet d’avoir un apport complet en acides aminés essentiels. D’ailleurs on retrouve dans de nombreux plats traditionnels une association céréales/légumineuses, comme dans les falafels.
Comment remplacer les protéines animales?
Indispensables
La qualité des protéines de source animale est meilleure que celles de source végétale. Il faut donc manger des portions plus importantes de végétaux et céréales variés pour obtenir le même apport de protéines dans un régime où les protéines d’origine animale sont bannies. Les protéines animales proviennent de la viande, la volaille et le poisson, bien sûr, mais aussi des œufs et des produits lactés, comme le séré ou le fromage.
Les substituts de viande, d’origine végétale, proviennent de différentes sources:
- Le tofu est obtenu à partir du lait de soja. Le soja représente la meilleure source de protéines végétales car c’est la seule légumineuse qui contienne tous les acides aminés essentiels.
- Le miso est produit à partir de soja et de céréales (riz ou orge), ensemencé avec un champignon puis fermenté.
- Le tempeh est constitué de graines cuites de soja, ensemencées avec un champignon et fermentées.
- Le quorn est produit à partir de champignons (mycoprotéines).
- Le seitan est fabriqué à partir de protéines de blé (gluten).
La Société suisse de nutrition recommande de consommer chaque jour une portion d’une source de protéines suivante: viande, volaille, poisson, œufs, tofu, quorn, seitan, fromage ou séré. Même si on n’est pas végétalien, il importe d’alterner ces différentes sources de protéines et donc de ne pas manger de la viande quotidiennement.
Une portion correspond à 100- 120 g de viande/volaille/poisson/tofu/quorn/seitan (poids cru), à 2-3 œufs, à 30 g de fromage à pâte dure ou mi-dure, à 60 g de fromage à pâte molle ou à 150-200 g de séré/cottage cheese.