Les glucides sont utiles à chaque cellule du corps
Présent dans beaucoup de produits alimentaires, le sucre est la principale cause de l’épidémie planétaire de diabète, menace l’équilibre alimentaire et la santé dentaire. Selon le 6e rapport sur l’alimentation paru en septembre 2012, les Suisses consomment 115 grammes de sucre de table par jour (soit 29 morceaux), ce qui est largement supérieur aux recommandations.
Mais les glucides (les sucres dans leur ensemble, constitués de carbone, d’oxygène et d’hydrogène) constituent la principale source d’énergie: ils couvrent de 50 à 55% des besoins quotidiens, le reste est fourni par les lipides et les protéines. Véritable carburant pour les muscles et le cerveau, ils sont utiles à chaque cellule du corps. Bien qu’il existe des sucres cachés indétectables, notamment dans certaines boissons ou produits industriels, on reconnaît facilement au goût les aliments qui en contiennent.
Le miel, le chocolat, les céréales du petit-déjeuner, les limonades et les sirops en sont particulièrement riches. A l’inverse, le beurre, les viandes, les poissons, les fromages, les légumes (hormis le maïs, les petits pois ou les légumineuses), les crustacés et les abats en contiennent très peu. Il est plus difficile en revanche de l’identifier dans des nuggets de poulet ou de poisson, des chips ou des sauces salées alors que ces produits en renferment une grande quantité.
Car le sucre est devenu un formidable accessoire technologique, un allié bon marché de l’industrie alimentaire. Car en modifiant sa structure chimique, il devient un accélérateur de cuisson, sert de liant, d’agent conservateur, de structurant et même de colle: la panure et la chapelure adhèrent mieux au poisson ou poulet grâce à des nouveaux types de sucres high-tech. Le problème: ces sucres cachés s’additionnent à ceux que nous absorbons sciemment.
Digestion lente ou rapide
«La grande famille des glucides se compose de différents types de sucres, qui se distinguent par leur structure moléculaire et par leur vitesse d’absorption», explique le Dr Juan Ruiz, diabétologue au Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV). Les sucres simples (les monosaccharides ou disaccharides) ne sont constitués que d’une ou de deux molécules. Le saccharose (sucre de table, blanc ou brun), le lactose (présent dans les produits laitiers) et le fructose (dans les fruits) en sont des exemples. Présents dans les féculents ou le pain complet, les sucres complexes, dont l’amidon, forment une chaîne plus longue composée de multiples molécules simples liées entre elles, à la manière des maillons d’une chaîne. Comme pour les autres hydrates de carbone, leur digestion débute dans la bouche et se poursuit dans l’intestin grêle, jusqu’à ce que la chaîne soit réduite à des molécules simples qui peuvent être transférées dans le sang.
Ces molécules sont soit utilisées immédiatement, soit stockées dans les muscles et dans le foie pour une utilisation ultérieure (voir infographie). «La digestion de ces sucres complexes demande toutefois plus de travail et s’avère plus lente que celle des sucres simples, explique Magali Andrey, diététicienne à l’unité de diabétologie de la Policlinique médicale universitaire (PMU), à Lausanne. Qualifiés autrefois de «lents», ces types de sucres ont l’avantage de rassasier davantage.»
Taux de sucre dans le sang
Comment estimer nos besoins? «Il faut compter chaque jour de 3 à 4 grammes de glucide par kilo de poids corporel, ce qui représente environ 50% des besoins énergétiques», répond le Dr Dimitrios Samaras, médecin consultant à l’Unité de nutrition des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Un adulte en bonne santé de 70 kilos peut absorber entre 210 et 280 grammes de glucides par jour. Cela dit, la consommation de sucre «pur» (le saccharose) ne devrait pas excéder plus de 10% de l’apport énergétique total. Mais tout n’est pas affaire de quantité, insiste Magali Andrey: «Il faudrait privilégier des groupes d’aliments qui apportent, en plus des glucides, des fibres, des vitamines ou des minéraux.» Et surtout, les glucides de type «lent», qui n’ont pas le même effet sur le taux de sucre dans le sang (glycémie).
Pour définir celui-ci, les spécialistes utilisent l’indice glycémique, un outil qui permet de classer les aliments en fonction de leur influence sur l’élévation du taux de sucre dans le sang dans les deux heures qui suivent l’ingestion (voir infographie). Si cet index qui informe sur la façon dont les glucides sont absorbés est nécessaire aux diabétiques, il devrait aussi être connu de tout le monde. En Suisse, il n’est toutefois pas encore inscrit sur les étiquettes des produits. Comment cela marche-t-il? Explications du Dr Samaras: «Prenons l’exemple d’une tranche de pain de seigle, riche en céréales et en fibres, dont l’indice glycémique est moyen. Elle aura un effet «en plateau» sur le taux de sucre, amenant une satiété plus durable. Alors qu’une tranche de pain blanc, à indice glycémique plus élevé, provoquera un pic soudain d’insuline, une hormone qui sert au stockage des sucres dans le tissu adipeux (autrement dit, notre graisse). Autre exemple: le soda, à indice glycémique haut, pauvre en vitamines et dépourvu de fibres est absorbé rapidement et facilement. Mais le corps emmagasinera la totalité des calories sans être enrichi en nutriments importants.»
On peut donc résumer les choses ainsi: plus les aliments ont un indice glycémique bas, plus ils sont absorbés lentement. Ils relâchent donc leur énergie à mesure que le corps en a besoin et stimulent moins la production de graisse. La nourriture moderne privilégie des aliments à indice glycémique élevé (pommes de terre, riz blanc, farine, sucreries et pâtisseries), alors qu’il faudrait favoriser des aliments à faible indice glycémique (fruits, pain de seigle ou riz complet). Mais la notion d’indice glycémique n’est pertinente que si l’on considère tous les aliments d’un repas.
Que les becs à sucre se rassurent donc, il ne s’agit pas de faire la chasse aux glucides. «L’équilibre alimentaire s’évalue sur une journée, voire sur une semaine. Sans oublier que la balance entre les apports et les dépenses doit être correctement pondérée», conclut Magali Andrey.