Le régime végétarien est sain pour l’organisme
Les faits
Paul McCartney a appelé en novembre dernier les Américains à boycotter la dinde traditionnellement consommée lors de la fête de Thanksgiving. L’ancien chanteur des Beatles s’est joint à l’association de défense des animaux PETA (People for Ethical Treatment of Animals), dont le site donne des recettes végétariennes pour les Fêtes.
Le bilan
Nul ne sait combien de familles américaines ont dit «non merci à la dinde», comme le demandait le musicien. Ni si son appel convaincra les Suisses à renoncer à la traditionnelle dinde de Noël.
En lançant son appel à dire «non merci à la dinde», l’ex-chanteur des Beatles ne visait pas que cette volaille. Végétarien convaincu, Paul McCartney comptait inciter les Américains à adopter le même régime que lui. C’est-à-dire à bannir de leur assiette les viandes rouges et blanches, les volailles, les poissons, les crustacés − bref, toutes les chairs animales. Les végétariens se nourrissent en effet de végétaux mais, contrairement aux végétaliens, ils n’excluent pas les aliments issus des animaux tels que le lait et les produits laitiers, les œufs ou le miel.
Généralement prôné au nom de convictions religieuses ou idéologiques, le régime végétarien, correctement pratiqué, est globalement bénéfique pour la santé. «Surtout dans les pays occidentaux où l’on mange beaucoup de sucres rapides, de graisses animales et d’aliments dont la qualité est souvent douteuse», constate Dimitrios Samaras, médecin associé à l’unité de nutrition des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). En outre, les adeptes de cette alimentation parviennent plus facilement à consommer les fameux cinq fruits et légumes quotidiens. Ces végétaux, associés aux légumineuses et céréales complètes, précise Esther Guex, diététicienne HES au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), fournissent «une alimentation riche en fibres et en composés antioxydants», qui protègent notre organisme contre diverses maladies.
Bon pour le cœur et les artères
Le végétarisme est ainsi réputé être bon pour le cœur et les artères. Les graisses animales, «surtout quand elles sont frites», précise Dimitrios Samaras, renferment en effet des acides gras saturés qui augmentent le taux de «mauvais cholestérol», lequel favorise le développement de maladies cardiovasculaires.
Il diminue aussi le risque de cancers colorectaux. C’est logique, puisque des études ont établi un lien entre le développement de ces tumeurs et la consommation de viande rouge. «La mortalité due à ce type de cancer est 10% plus élevée chez les personnes qui en mangent une portion par jour, explique le nutritionniste des HUG. Elle est même de 16% supérieure chez celles qui consomment quotidiennement une portion de charcuterie.»
Eliminer la viande rouge de ses menus pourrait aussi avoir des effets bénéfiques sur l’inflammation du corps qui participe au développement du diabète, de l’athérosclérose et même de certaines démences comme la maladie d’Alzheimer. «Ces syndromes inflammatoires chroniques seraient influencés par la nourriture, reprend Dimitrios Samaras, et les végétariens semblent légèrement avantagés par rapport au reste de la population.»
Quant aux bienfaits du végétarisme en matière d’obésité, c’est un avantage dérivé, selon le nutritionniste qui avoue avoir «rarement vu de végétariens obèses». Cela tient sans doute surtout au style de vie, car ceux qui adoptent ce type de régime sont généralement plus préoccupés par leur alimentation, prennent plus grand soin de leur corps et font plus d’exercice physique que les autres.
D’éventuelles carences
Le végétarisme est donc plutôt positif pour la santé, à condition, insistent nos deux spécialistes, «de se documenter et de s’informer». Sinon, il peut comporter quelques risques. A commencer par un manque de protéines, car «celles des végétaux sont d’une moindre valeur que celles provenant des animaux», souligne Dimitrios Samaras. Il faut donc compenser en consommant des œufs et des produits laitiers. Mais aussi, recommande Esther Guex, «en associant correctement des céréales et des légumineuses, afin d’arriver à une bonne complémentarité protéique».
On pourrait craindre aussi un manque d’oméga-3, très présents dans les poissons. Mais cela n’est finalement pas un problème, puisque, selon la diététicienne, «on en trouve aussi dans l’huile de colza, de noix ou de soja».
Il faut encore veiller à ne pas souffrir de carences en sels minéraux comme le calcium, le fer et le zinc. Ce dernier «est moins bien absorbé par l’organisme du fait de la présence de substances (les phytates) dans les végétaux», prévient le nutritionniste genevois. Par ailleurs, les végétariens ingèrent peu de vitamine B12, «presque uniquement présente dans les produits d’origine animale» et de vitamine D. Ce qui fait dire à Dimitrios Samaras que «l’on doit discuter avec son médecin de la nécessité de prendre des compléments alimentaires».
Pour un végétarien adulte et averti, il n’y a pas grand danger. Le risque est toutefois plus grand, selon Esther Guex, pour «les femmes enceintes et allaitantes, qui ont des besoins plus importants en protéines et en sels minéraux, de même que pour les enfants et les adolescents». Pour ceux-là, précise le nutritionniste des HUG, «ce genre de régime restrictif devrait se faire sous contrôle médical».
Finalement, «je ne déconseillerais à personne le végétarisme», commente Dimitrios Samaras. Il en va tout autrement, concluent nos deux spécialistes, du régime végétalien. En supprimant aussi les œufs et les produits laitiers, on risque de provoquer de graves carences alimentaires, tout spécialement chez les enfants.
Et demain, de la viande artificielle?
Substitut
Il existe une solution qui pourrait réconcilier les défenseurs des animaux et les amateurs de viande: du bœuf ou du poulet synthétiques. C’est l’espoir de l’association américaine PETA (People for Ethical Treatment of Animals) soutenue par Paul McCartney. En 2008, PETA a offert un million de dollars au premier scientifique qui développerait du poulet synthétique avant le 30 juin 2012. La date butoir est passée sans que quiconque touche la récompense. Ce qui n’empêche pas les recherches d’aller bon train, notamment aux Etats- Unis et au Brésil. Mais c’est une équipe de l’Université de Maastricht aux Pays-Bas, dirigée par Mark Post, qui a pris une longueur d’avance. Avec le soutien du gouvernement néerlandais, le chercheur a lancé, en 2011, le projet In Vitro Meat, qui a pour objectif de créer un hamburger synthétique comestible. Il utilise des cellules souches (capables de se régénérer) prélevées sur des tissus de bovins morts ou vivants, qu’il cultive pour obtenir du muscle de bœuf. Toutefois, cette culture reste difficile à réaliser. En outre, l’équipe de Maastricht n’a obtenu jusqu’ici que des amas de cellules incolores et insipides. Ce sont certes des fibres musculaires, mais elles n’ont ni le goût, ni la texture de la viande. Mark Post avoue d’ailleurs que son hamburger artificiel ne pourra pas être commercialisé avant une quinzaine d’années. Le poulet, le bœuf et la dinde de Noël ne risquent donc pas de disparaître de sitôt de nos assiettes.