Hydratation: écoutez-vous!
Le Pr Patrick Saudan est médecin adjoint agrégé, responsable de l’unité dialyse aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Lorsqu’on lui demande ce que l’on entend par «bien s’hydrater», sa réponse coule de source: «Quand on a soif, on boit.» Si l’on est en bonne santé, il suffit en effet d’être à son écoute pour s’hydrater en suffisance.
Le mécanisme de la soif est extrêmement bien conçu et précis. Il se manifeste par la sensation de soif qui se traduit par des muqueuses sèches (lèvres, bouche). Parallèlement, notre organisme sécrète très rapidement de la vasopressine, une hormone antidiurétique très puissante qui va être libérée depuis le cerveau dans le sang et agir sur les reins. Le rôle de cette hormone est de réguler la quantité d’urine que l’on va évacuer et la concentration en électrolytes, soit les sels minéraux qui circulent dans le sang. Lorsque leur concentration augmente, la vasopressine augmente également et agit sur les reins en favorisant la réabsorption d’eau.
Se méfier de l’alcool
Boire à sa soif est donc largement suffisant pour une personne en bonne santé. «C’est un mythe de penser qu’il faut boire 8 à 10 verres par jour», précise le professeur. Aucune étude n’atteste en effet que consommer 1,5 litre d’eau quotidiennement présente des aspects bénéfiques pour des personnes sans maladie.
Côté boissons, toutes ne se valent évidemment pas. La meilleure, c’est l’eau, parce qu’elle contient zéro calorie, contrairement aux boissons sucrées qui désaltèrent moins et qui peuvent, lorsqu’elles sont ingérées en grande quantité, participer à l’apparition de maladies comme l’obésité et le diabète de type 2. L’alcool a quant à lui un effet diurétique, en inhibant la vasopressine. Une grande consommation de produits alcoolisés augmente donc le volume des urines, ne désaltère pas et génère des symptômes de déshydratation fréquents lors d’une gueule de bois.
Risques de déshydratation
Sport et hydratation
L’idée selon laquelle il faudrait boire en continu pour maintenir de bonnes performances lors d’une activité physique intense est aussi débattue. «C’est controversé, aussi bien chez les médecins que chez les coureurs. Certains s’hydratent en continu, d’autres en fonction de leur ressenti», souligne le Pr Patrick Saudan. Lui-même, amateur de course à pied, ne boit que lorsqu’il a soif.
Les risques liés à la déshydratation sont sérieux. Ils comportent des atteintes aux reins, au cerveau, puis à l’ensemble des organes, avant d’entraîner la mort en quelques jours. Reste que, chez les personnes en bonne santé, les risques sont faibles, même pour celles qui boivent peu. «Le sens de la soif est très puissant et il est difficile d’y résister. Et il ne faut pas oublier que l’on s’hydrate aussi en consommant des fruits et des légumes, qui contiennent de l’eau, et que notre organisme en fabrique aussi une petite quantité.»
Certaines personnes présentent néanmoins des risques accrus de déshydratation: les bébés, qui ne peuvent s’hydrater eux-mêmes, et les personnes âgées chez qui le sentiment de soif s’atténue. Il faut donc veiller à ce qu’elles reçoivent une hydratation adéquate. C’est aussi le cas pour les patients qui présentent des calculs rénaux. «Une bonne hydratation (minimum 2 1/jour) permet de diluer les cristaux et de les éliminer.» En revanche, pour ceux qui ont une insuffisance rénale chronique, la question de savoir si boire plus permettrait de ralentir la progression de la maladie fait l’objet de débats entre les spécialistes. En attendant les résultats d’une étude menée actuellement au Canada, le Pr Saudan recommande à ces patients de s’hydrater régulièrement en buvant environ 1,5 1/jour. «Nous n’avons pas encore de preuve scientifique solide que boire en plus grande quantité permet d’améliorer la fonction de nos reins.»
Reconnaître les signes
Parmi les symptômes de la déshydratation figurent principalement un état de confusion, de faiblesse, des vertiges. «Sur le plan clinique, on peut observer une pression artérielle basse, des muqueuses et des aisselles sèches», souligne le médecin. La présence d’un pli cutané lorsque l’on pince la peau est valable jusqu’à un certain âge. Avec les années, la peau perd de son élasticité et ce signe devient moins fiable.
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Article repris du site pulsations.swiss